Jean, l’évangéliste, avait prophétisé l’Apocalypse, et comble de son ministère, il a faillé se faire récupérer par le Capitalisme et La Bête. Heureusement, un universitaire avisé a su préserver un trésor archéologique : un ancien fragment de papyrus où avait été copié l'Evangile de Jean était en vente sur eBay. Le tout proposé aux acheteurs pour un montant initial de 99 $.
Écrit par Nicolas Gary
Au commencement était le Verbe, et le Verbe s’est fait enchères : un scandale assure le docteur Geoffrey Smith, spécialiste des premiers temps du christianisme à l’université du Texas. « J’ai pensé : “Ça ne peut pas être autorisé sur les ventes de eBay.” Il disparaîtra tout simplement dans une collection privée. » Le chercheur décide de contacter le vendeur, pour l’exhorter à mettre fin à la vente. L’histoire se déroulait en janvier dernier, et comme le vendeur a accepté, le savant et des confrères se sont livrés à différents examens sur le papyrus. Leurs conclusions seront présentées lors de la conférence annuelle de la Society of Biblical Literature à Atlanta, affirme le New York Times.
Saint Jean en vente : pas d'eBay reçues
Daté de 250 à 350 apr. J.-C. selon le scientifique, il a les dimensions d’une carte de crédit et contient presque six lignes de l’Évangile de Saint-Jean d’un côté et de l’autre, un texte chrétien pour l’heure non identifié. Et si les analyses de Smith sont justes, ce serait là le premier papyrus grec connu pour le Nouveau Testament utilisé pour un rouleau et non un Codex – alors que cette technologie devenait de plus en plus populaire.
Ce que l’universitaire déplore en revanche, dans son bonheur d’avoir rencontré sur internet pareille pièce, c’est la manière dont internet traite les objets archéologiques, issus d’un patrimoine mondial. Manuscrits ou antiquités sont réduits à de simples marchandises que la Toile permet d’expédier et de commercialiser sans peine.
Or, les papyrus en grec du NT sont parmi les plus anciennes et les plus rares traces des Écritures chrétiennes. « L’histoire n’appartient pas à une seule personne. Collectivement, globalement, elle est nôtre. Ce papyrus doit rester disponible pour la recherche, être porté sur les écrans », assure le docteur Brice C. Jones, expert en papyrologie.
Si l’origine de ce morceau d’histoire n’est pas connue, il ne pourra toutefois pas être revendiqué par un pays. Il semble qu’il relevait de documents ayant appartenu à la collection privée de Harold R. Willoughby, professeur enseignant les débuts du christianisme à l’université de Chicago, décédé en 1962. Le vendeur sur eBay se présente comme un parent de l’enseignant, ayant trouvé le papyrus dans ses effets personnels.
Pour les chercheurs, l’origine des objets proposés sur ces plateformes de vente entraîne également des questions d’éthique très importantes. En effet, peut-on d’une manière scientifique privilégier l’accès aux reliques des temps anciens, au prétexte de la recherche universitaire ?
Une pièce inédite, comme d'autres en ligne ?
Brice C. Jones passe une partie de son temps à bloguer sur les ventes d’anciens manuscrits qui font surface sur eBay, la place de marché la plus connue aujourd’hui pour mettre aux enchères des produits les plus divers. En dépit des efforts de la marque pour devenir un simple vendeur en ligne, et gommer la dimension d’enchères en ligne (ActuaLitté en avait d’ailleurs fait les frais), il semble que les artefacts anciens se retrouvent facilement.
Mais en l’absence d’une charte protégeant ces documents, tout pourra se revendre. Et dans le même temps, il s’agit d’une mine de découvertes précieuses pour les universitaires, qui peuvent alors découvrir des perles rares (rarissimes), mises en vente. Si le vendeur est compréhensif, des choses peuvent changer...

Photo de l'annonce sur eBay
Parmi les chercheurs qui doivent s’exprimer lors de la conférence d’Atlanta, le professeur Larry Hurtado, expert en manuscrits anciens affirme que 97 % des textes bibliques chrétiens qui ont survécu au cours des trois premiers siècles de notre ère, sont des Codex. Et quelques rares exceptions sont des rouleaux en papyrus. D’ailleurs, le fait qu’un second texte soit également copié au dos montre que les versets de Saint-Jean étaient plus probablement destinés à l’étude privée qu’à un usage liturgique.
Cette caractéristique, particulièrement inhabituelle, a dérouté les chercheurs. Or, note Anne-Marie Luijendijk, enseignante à Princeton, et qui a travaillé de concert avec Smith, il est notable que les écritures semblent identiques, pour le texte inconnu et les versets chrétiens. Et là encore, cette caractéristique ne manque pas de soulever de nombreuses questions. « Heureux celui qui lit, heureux ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui est écrit en elle, car le temps est proche. » (Ap. I, 3)
[Source : www.actualitte.com]
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