quarta-feira, 15 de julho de 2015

L’ubérisation du droit, un raccourci trop rapide ?

Poursuivant nos enquêtes sur les mutations des professions du droit, nous échangeons ici avec Pierre Aïdan, ancien avocat et co-fondateur de Legalstart, l’une des start-up « exemplaires » [1] dans le monde du droit. Il nous parle d’ubérisation et des relations de sa jeune société avec les avocats et notaires, et nous chercherons à voir comment avocats et "jeunes pousses dynamiques" peuvent travailler ensemble...
Village de la justice : Quelle est l’histoire de Legalstart et sa place ?
Pierre Aïdan : J’ai été avocat dans des cabinets d’affaires, avec une grande partie de ma carrière en France et aux États-Unis. Avec mes associés, nous avons constaté (comme d’autres) l’inadéquation entre l’offre et la demande de droit notamment pour les TPE/PME et le grand public. Le constat est identique aux USA et partout dans le monde, même si la France a ses spécificités (la règlementation, bien entendu, mais également, de manière générale, la plus faible pénétration du droit dans les rapports sociaux). 

C’est pourquoi nous proposons une plateforme web de services juridiques avec un outil logiciel de solutions en ligne. Le site ambitionne de faciliter les démarches grâce au numérique (comme la création d’une SAS simple). Notre société a été créée fin 2012. S’en est suivi un an de développement technique et le début de la commercialisation de nos services début 2014. 

A l’avenir, une grande partie des besoins juridiques des petites entreprises et particuliers sera réalisée sur internet. Legalstart vise donc à développer différentes réponses. Au mois de juin 2015, Legalstart a passé la barre des 10.000 clients. Nous sommes un peu en avance comme "porte d’entrée au droit pour les entrepreneurs", et les seuls à proposer une démarche complète de dématérialisation (rédaction assistée en ligne et formalités). 

Village de la justice : Faîtes vous partie de ceux qui visent à « uberiser » les avocats ? 
Pierre Aïdan : La comparaison avec les VTC n’est pas pertinente. Au-delà des raccourcis médiatiques, raisonnons en nous plaçant du point de vue de l’utilisateur. 

La comparaison avec Uber est pertinente sur le constat de départ : il y avait un problème d’offre et de services en matière de transport, et c’est identique pour le droit : il y a une immense part du besoin juridique non satisfait, voir même non identifiée. Nous avons donc bien une demande mal servie par l’offre. 

Mais on ne peut mettre dans le même « panier » les avocats (ou notaires) et les taxis, ça n’a pas de sens : la finalité du monopole n’est pas la même, l’accompagnement juridique nécessite une personne qualifiée ayant une déontologie ferme, une formation longue. Cela protège l’utilisateur (le client). La sécurité juridique est un sujet phare, aussi il vaut mieux comparer les avocats avec les médecins qu’avec les taxis !

Nous, nous pensons que le meilleur acteur est bien l’avocat dans de très nombreux cas : un avocat spécialisé et compétent doit être proposé à chaque utilisateur qui en a besoin. Pour les situations où ça n’est pas possible, pour des raisons de budget ou autres, pour les cas ou le besoin juridique n’est pas satisfait, nous proposons une alternative aux entreprises. Mais l’avocat peut aussi utiliser notre plateforme pour diminuer le coût de sa prestation et utiliser nos outils.
Il y avait jusque récemment une certaine défiance des avocats par rapport au web ; les avocats (les entreprises aussi) avaient une vision non qualitative, du fait notamment du caractère très limité de l’offre sur le web (modèles statiques, sans accompagnement) et d’une certaine confusion quant aux types de services proposés. Désormais les avocats sont davantage dans l’interrogation et le questionnement, voire l’appropriation. De fait, nous sommes complémentaires et collaboratifs. A cet égard, il est intéressant de noter qu’aux États-Unis le second site de droit en ligne s’est associé avec l’American Bar Association, pour proposer ensemble des solutions juridiques.
Village de la justice : Quels sont alors vos services aux avocats ?
Pierre Aïdan : Nous ne sommes évidemment pas habilités à faire du conseil juridique, donc dès qu’il y a nécessité de question juridique ou d’accompagnement, nous dirigeons vers des avocats (ou des notaires, notamment en matière immobilière).
Nous avons ainsi déjà effectué de très nombreuses mises en relation, et les retours très positifs tant des utilisateurs que des avocats eux-mêmes nous ont conduit à développer une nouvelle plateforme plus dynamique qui verra le jour en septembre.
Fondamentalement, Legalstart vise, à partir d’une requête Web, à proposer des solutions qui vont de la simple information juridique, à la rédaction assistée de contrats, et finalement au conseil juridique par des avocats.
Nous souhaitons apporter aux avocats un atout « rentabilité » pour leur métier, car notre plateforme est aussi un outil pour eux, pour développer l’accès à la clientèle sur internet et bénéficier d’outils pour rédiger des contrats.
J’ajoute que nous avons une démarche qualitative depuis l’origine pour notre plateforme, en relation directe avec les métiers du droit (tous les modèles sont créés et mis à jour par des avocats spécialisés, par exemple), ce qui implique des investissements très importants sur le plan tant technique que juridique.
Par Christophe Albert

[Source : www.village-justice.com]

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