Après Ander de Roberto Castón en 2010, un nouveau film espagnol s’intéresse, en basque, à l’homosexualité. Présentée cette fois en milieu urbain et entre deux femmes, elle a cette particularité dans le film de Jon Garaño et José Mari Goenaga qu’elle est le fait de femmes âgées. L’une, lesbienne assumée, retrouve à l’hôpital une amie d’enfance, mariée. Ces retrouvailles inattendues réveillent chez les deux femmes une ancienne attirance, jusqu’alors refoulée.
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Les 80 jours du titre, ce sont ceux pendant lesquels Axun et Maite, deux amies d’enfance désormais retraitées, vivent ensemble un intermède – d’abord amical ; ensuite et au prix de quelques efforts contre la tradition, amoureux. À peine amoureux car Axun, mariée et habituée aux commérages obtus de ses amies villageoises, a un sacré travail à accomplir pour admettre qu’il se passe quelque chose avec Maite. Avec une certaine justesse, les deux réalisateurs et scénaristes dépeignent cet antagonisme entre les deux femmes, ainsi que les mentalités sclérosées des anciens du Pays basque. Mais c’est une justesse théorique seulement, qui tient plus au thème du film qu’à son développement, naïf et assez classique, sans aspérité, malgré les enjeux qu’il cherche à incarner.
Les dialogues comme les situations, attendus et souvent plats, ne cessent de lisser un sujet intéressant. Peu de tension à l’horizon : la sexualité de ces septuagénaires est complètement éludée – on est loin de Septième ciel dans cette représentation d’un amour au troisième âge – et cela au profit des doutes sentimentaux d’une vieille femme qui se découvre piégée dans son quotidien. Entre une fille ingrate réfugiée sur un autre continent et un mari qui attend le dîner les pieds sous la table, c’est l’enfermement d’une société traditionaliste qui est remis en cause par cette escapade de quatre-vingts jours. Le film ne parvient jamais à se libérer du conformisme qu’il met en scène – et la romance sombre trop vite dans la caricature. Les réalisateurs cantonnent leurs protagonistes à cette amourette trop peu sensible, rendue risible par des flash-backs sépia sur le premier baiser des jeunes filles cinquante ans plus tôt, et ne parviennent jamais à mettre en perspective les tabous du troisième âge et de l’homosexualité.
Quelquefois des personnages secondaires – une nièce perspicace, un vieil homme amoureux de sa collègue lesbienne – viennent rappeler, le temps d’un regard, la justesse qui manque à ces protagonistes. Et précisément, le propos du film s’inverse et c’est un personnage et une perspective différents qui deviennent captivants. Le quotidien traditionnel, l’acceptation de son machisme ordinaire sont tout à coup dépassés par le désarroi d’un vieil homme, d’un conjoint laissé pour compte et qui ne sait plus vivre. Contrepoids à la liberté supposée de la relation entre Axun et Maite, la représentation de la dépendance créée par le couple permet aux réalisateurs de créer une tension qui, enfin, n’est ni désuète ni naïve. Malgré le manque relatif de subtilité du motif qui cristallise cet enjeu (Juan Mari, le mari délaissé d’Axun, n’arrive pas à ouvrir ses verrines sans l’aide de sa femme), le film se met en mouvement et, si la jalousie du personnage et son incapacité à envisager l’homosexualité de sa femme permettent de donner un peu d’humour à certaines situations, il est le seul qui parvient à donner corps et consistance au trouble amoureux que les réalisateurs cherchent inlassablement à incarner.
[Source : www.critikat.com]
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