Notre pays n’a cessé de se fourvoyer au Proche-Orient
Écrit par Luc Rosenzweig
Le 9 juillet 2014, un bref communiqué de l’Élysée déclenchait une tempête : « Le président de la République a eu ce soir un entretien téléphonique avec le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Il lui a exprimé la solidarité de la France face aux tirs de roquettes en provenance de Gaza. Il lui a rappelé que la France condamnait ces agressions. Il appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces. Le président de la République rappelle la nécessité de prévenir l’escalade de la violence. »
Immédiatement, c’est le tollé, dans le petit monde des soutiens inconditionnels de la cause palestinienne en France : François Hollande ne délivrerait rien de moins qu’un « permis de tuer » au chef du gouvernement « le plus à droite qu’Israël ait connu », principal geôlier de« la prison à ciel ouvert » enfermant les habitants de Gaza. « Israël assassin ! Hollande complice ! » devient le slogan récurrent des manifestations anti-israéliennes organisées dans toute la France, non sans dérapages carrément antisémites. Qu’un président de la République française puisse, à un moment où Tsahal ne peut faire autrement que de répondre à une agression caractérisée, manifester sa compréhension pour ceux qui se défendent, en s’exprimant clairement, relèverait donc d’une forme de complicité dans la perpétration de crimes de guerre. On laisserait dans les poubelles de l’histoire de la propagande grossière ce type d’accusations, si elles ne s’étaient immédiatement doublées d’une mise en cause encore plus dévastatrice pour un président de la Ve République : en quelques lignes, il aurait porté un coup mortel à la « politique arabe » de la France, tué une seconde fois le général de Gaulle, celui de la fameuse conférence de presse du 27 novembre 1967, où fut proféré le fameux « peuple d’élite, sûr de lui et dominateur », accusant les Juifs et Israël de tous les maux du Proche-Orient, discours devenu le dogme intangible gouvernant l’action de la France dans la région. En rompant avec l’État juif de manière aussi agressive (le style compte autant sinon plus que le fond), un de Gaulle vieillissant, perdant prise aussi bien sur les réalités intérieures françaises que sur l’évolution du monde, laissait un héritage empoisonné à ses successeurs, dont aucun, de droite comme de gauche, n’a eu suffisamment de courage ou de clairvoyance pour s’en défaire.
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- Elie Barnavi fait allusion au coup de gueule de Chirac contre la police israélienne dans la vieille ville de Jérusalem, le 22 octobre 1996. ↩
- L’Iran pressait également la France pour obtenir le remboursement du prêt Eurodif, que Paris avait conclu avec Téhéran pour financer la construction d’une centrale nucléaire. À la chute du chah, la France se retira de cet accord bilatéral, ce qui provoqua la colère des mollahs… ↩
[Photo : HENDLER/SIPA. 00290805_000006 - source : www.causeur.fr]
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