sábado, 10 de maio de 2014

UNE INTRADUISIBLE NOSTALGIE EUROPÉENNE

"Sau­dade" et "hüzun" sont des mots cé­lèbres pour être in­tra­dui­sibles. Ils sont pro­fon­dé­ment an­crés dans la culture à la­quelle ils sont rat­ta­chés, ré­vé­lant ainsi la spé­ci­fi­cité de la na­ture et des émo­tions d'un Por­tu­gais ou d'un Turc, dans le même temps qu'ils se sont conver­tis en phé­no­mènes lit­té­raires. Plus ces mots ex­priment l'idée de re­gret, plus il est dif­fi­cile de les tra­duire.



AUTEUR : AGATA AGATA
TRADUCTEUR : CHLOÉ THIBAUX

Le sens du mot por­tu­gais "sau­dade" peut être rendu par l'em­ploi d'une mé­ta­phore telle que "re­gret déses­péré". Tou­te­fois, cette des­crip­tion peut sem­bler consi­dé­ra­ble­ment sim­pli­fi­ca­trice. "Sau­dade" dé­note éga­le­ment une sub­ti­lité et une dé­li­ca­tesse in­tan­gibles, ainsi qu'un sen­ti­ment de nos­tal­gie. Des dif­fi­cul­tés sem­blables sur­gissent au mo­ment de tra­duire le mot rou­main "dor", qui ex­prime un sen­ti­ment si fort de re­gret qu'il semble im­pos­sible de trou­ver son équi­valent dans d'autres langues, ni même dans le terme "sau­dade".

Les mots hors contexte peuvent ainsi pré­sen­ter un nombre illi­mité de sens. C'est le cas de "hüzun", un mot-clé des ro­mans d'Orhan Pamuk, écri­vain turc lau­réat du prix Nobel. En gé­né­ral, le mot dé­note un sen­ti­ment de perte, d'in­cer­ti­tude, de mé­lan­co­lie et de mo­ti­va­tions peu claires ca­rac­té­ri­sant un groupe de per­sonnes. Tou­te­fois, ce terme com­prend éga­le­ment l'his­toire d'Is­tan­bul et des Turcs. Le terme al­le­mand "Hei­mat" pré­sente lui aussi une grande am­pli­tude de sens. Si l'on vou­lait les consi­dé­rer tous, il fau­drait ana­ly­ser des pro­ces­sus so­ciaux, his­to­riques et psy­cho­lo­giques, puisque ce terme les en­globe tous. "Hei­mat" peut ren­voyer à la fois au lieu d'ori­gine et au lieu où l'on ap­par­tient ; un lieu unique car perçu d'un point de vue per­son­nel, avec toute la charge émo­tion­nelle que cela im­plique. C'est un sou­ve­nir d'en­fance, un sen­ti­ment de sé­cu­rité, et un désir de re­tourner au­près de quelque chose ap­par­te­nant au passé.

"Hre­pe­nenje" est une vé­ri­table ra­reté lin­guis­tique. Contre­di­sant les lois de la lo­gique, ce terme slo­vène ex­prime un sen­ti­ment de re­gret pour quelque chose qui n'est pas en­core ar­rivé. Il semble ainsi être tout à fait op­posé au hic et nunc. Selon cer­tains, l'état d' "hre­pe­nenja" est dan­ge­reux car il est lié à la né­ces­sité de res­ter à l'écart de la réa­lité et de se man­te­nir dans le quelque chose, dans la sphère de la fan­tai­sie.

Cette mo­deste liste de termes in­tra­dui­sibles est un ca­ta­logue de cu­rio­si­tés lin­guis­tiques qui de­meurent hors de la por­tée men­tale des per­sonnes ap­par­te­nant à des cultures dif­fé­rentes. Les ef­forts des tra­duc­teurs de­vraient se di­ri­ger vers l'ac­cep­ta­tion du fait qu'un terme in­tra­dui­sible de­vient un concept cultu­rel, et de­meu­rera in­tra­dui­sible. 


[Image : (cc) rbbaird/flickr | rbbaird - source : www.cafebabel.fr]

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