En vingt ans, Thomas
Fersen a donné à la chanson française une note d'humour nonchalant et
beaucoup de fantaisie. Arrangé par le groupe de pop psychédélique The
Ginger Accident, son neuvième disque va voir du côté de la soul et de
l’esprit Bollywood. Ce monsieur, qui n’a pas perdu sa malice et ses
plaisirs enfantins, parle de ce qui le tient aujourd’hui encore sur ses
deux pieds.
RFI Musique : Comment avez-vous rencontré le groupe The
Ginger Accident, qui donne cette touche soul et Bollywood à votre album ?
Thomas Fersen : J’avais fait un premier enregistrement de ces
chansons dans une formule plus traditionnelle et je suis tombé un petit
peu par hasard sur une chanson de Slow Joe & the Ginger Accident
dans une compilation. J’ai ensuite trouvé le contact de Cédric de La
Chapelle (leader de Ginger Accident, ndlr), je lui ai envoyé une
première chanson, puis deux, puis trois, puis quatre, et j’ai été très
séduit par l’habillage qu’il en faisait. C’est assez dur pour moi de
donner les clés à quelqu’un, mais c’est ce que j’ai fait avec Cédric. Je
l’ai suivi tout au long de son travail pour voir s’il n’allait pas
saboter mes chansons (rires), mais à chaque fois, il m’a épaté par sa
ressource, par son énergie et par son goût. Il est parti à Calcutta pour
enregistrer les violons, ça a été une ouverture complète.
Vos disques ont souvent un fil rouge. Et celui-ci ?
D’abord, je n’ai jamais voulu faire des albums conceptuels, ce sont des choses qui sont venues à moi. Mon précédent disque, Je suis au paradis,
était effectivement teinté d’un romantisme noir, mais c’est parce qu’à
ce moment-là, j’avais le goût de lire des livres du milieu du XIXe,
Théophile Gautier, etc. Dans cet album, il n’y a pas vraiment de fil
rouge, hormis le pantalon rouge (rires).
(Il coupe) De toute façon, l’échec est toujours plus
intéressant que le succès. On peut parler longuement de l’échec et à
travers lui, écrire sur la condition humaine. (rires)
Expliquez-moi comment vous écrivez…
Je ne me mets pas au pied et à la table, en me disant : "Tiens, aujourd’hui, je vais peindre une époque."
J’écris une chanson parce qu’une idée m’amuse et me surprend. Ce qui
compte, c’est la fantaisie que cette idée peut contenir, une fantaisie
que j’entends comme universelle et qui pourra toucher un certain nombre
de gens. Mes chansons sont truffées de références à mon histoire
familiale, à des choses personnelles, et c’est ce qui pour moi, reste
saisissable en elles. Par exemple, le texte de Qui est ce baigneur
?, c’est quelqu’un qui m’a raconté avoir vu en rentrant chez lui au
petit matin une tête nue avancer près de la rive, et qui,
s’interrogeant, a reconnu le curé de Lanmeur en train de prendre son
bain. J’ai trouvé cela amusant, poétique, plein de métaphores. Donc,
j’en ai fait une chanson.
Il y a des choses que vous aimez bien : le côté grivois, une fantaisie un peu passéiste…
J’ai effectivement évoqué la chanson paillarde comme une
influence majeure chez moi, mais c’était surtout pour la langue : une
langue directe, faite d’ellipses, de rimes cocasses. Maintenant, je
n’écoute pas ça chez moi, et ce qui m’intéresse là-dedans, c’est qu’il y
a quelque chose d’assez enfantin. Par enfantin, je n’entends pas cette
nostalgie pour une chose perdue, mais bien cette force vitale
incroyable. Je ne veux pas m’enlever les plaisirs de l’enfance. La
curiosité, le plaisir de nommer les choses, ce goût du verbe… c’est ce
qui me maintient en vie et me donne envie de me lever le matin.
La Bretagne, où vous vivez et où vous avez enregistré ce nouveau disque est aussi l’une de vos sources d’inspiration…
Je me reconnais effectivement dans plein de choses ici. J’aime le
caractère sans ostentation des gens, j’aime leur humour : cela suscite
depuis pas mal d’années déjà l’écriture chez moi. La chanson Mes oui Mesdames est née d’une affichette que j’ai vue dans la campagne : "Revenez à Plouzelambre".
Plouzelambre, ça ne s’invente pas ! Ce sont des noms qui sont pleins
de charme ! Il faut savoir qu’en Bretagne les villages qui commencent
par Plou ce sont les communautés laïques, et ceux dont le nom débute
par Lan, comme Lanmeur, ce sont des communautés religieuses.
Vous avez plus de vingt ans de carrière. Vous pensez au
chemin que vous avez déjà fait ou plutôt à celui qu’il vous reste à
parcourir ?
Écoutez, je tâtonne. Et quand on cherche son chemin, on ne
regarde pas derrière soi. On a les mains en avant et on cherche où
aller. Je ne sais pas si maintenant mon itinéraire est très facile à
retracer, mais en tout cas, il accompagne ma vie et mon évolution
personnelle. Mon écriture a toujours été liée à ce que j’ai envie
d’être. Ce que je veux proposer au public, c’est de la fantaisie, de la
joie, et je revendique ce plaisir de vivre, c’est mon rôle dans le
contrat social.
Thomas Fersen & The Ginger Accident (Tôt ou Tard) 2013
[Photos : © Mathieu Zazzo - source : www.rfimusique.com]
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