Le Brésil connait depuis quelques jours maintenant et alors qu’il
accueille la Coupe des Confédérations – sorte de répétition générale
avant le Mondial de football l’an prochain – l’une des plus importantes
vague de manifestations depuis le retour de la démocratie dans les
années 1980. A l’origine de ce mouvement contestataire qui s’affirme
dans la quasi-totalité des grandes villes du pays, une hausse
généralisée du prix des transports (et notamment des bus, principal
moyen de transport utilisé par les Brésiliens) considérée comme abusive,
non seulement par les Brésiliens résidant au Brésil, mais qui soulève
également l’indignation des expatriés un peu partout dans le monde,
comme en Irlande où plus de 1.000 Brésiliens ont manifesté dimanche
dernier depuis Dublin.
Toutefois, si la hausse du prix des transports a été l’élément
déclencheur, les manifestations – tout en gagnant en ampleur –
élargissent actuellement le champ de leurs revendications d’une façon
qui commence à devenir préoccupante pour le Gouvernement. A Belém,
l’une des villes les plus violentes du Brésil située dans le Nord du
pays, les manifestants demandent davantage de mesures pour
faire face à la criminalité croissante. Dans le Sud, à Porto Alegre, les
protestations condamnent la corruption et le manque de transparence des
acteurs publics. Et dans la plupart des grandes villes du pays, on
s’insurge contre les dépenses pharaoniques (et en constante révision à
la hausse) engagées par le pays pour la Coupe du Monde (beaucoup de ces
manifestations se déroulent d’ailleurs à proximité des stades) et qui
auraient dû, selon les manifestants, être investies dans l’éducation ou
la santé.
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Protestations devant le Maracana en rénovation. Rio de Janeiro. |
Ce dernier point est d’ailleurs loin d’être anodin. Si jusque là la
Coupe du Monde et les Jeux Olympiques de Rio ont toujours été présentés
comme des "opportunités de développement", ou comme "un coup de
projecteur bénéfique sur le pays", la population, loin d’être dupe,
commence à comprendre qu’elle peut effectivement tirer profit de ces
événements, non pas tant pour ces raisons là, mais davantage comme un
moyen de pression sur ses gouvernants, alors que les cameras du monde
entier sont progressivement braquées sur le pays. Le Président de la
FIFA, Joseph Blatter, se trompe quand il affirme que "le football est plus fort que l’insatisfaction des gens",
car celui-ci offre précisément pour les Brésiliens un moyen de faire
entendre leurs aspirations pour le futur de leur nation. Ce ne serait
pas une première dans ce pays où même le football participa à la lutte
contre l’autoritarisme et à la reconstruction démocratique du pays dans
les années 1970-1980 (l’exemple le plus flagrant étant le mouvement Democracia Corintiana des joueurs emblématiques du Corinthians, Socrates, Wladimir et autre Casagrande).
Toujours est-il que ces mouvements contestataires préoccupent de plus
en plus le gouvernement alors que la cote de popularité de Dilma
Rousseff, jusque là impeccable, est pour la première fois de son mandat
en phase descendante. La répression parfois musclée des manifestations à
Brasilia (où les manifestants ont envahi hier les alentours du Congrès
national), Rio de Janeiro (avec 100.000 personnes défilant dans les
rues), ou São Paulo (où parmi les 50.000 manifestants certains ont tenté
de pénétrer dans le Palais du Gouverneur) ne devrait d’ailleurs rien
arranger à l’affaire, bien que Dilma se soit empressée de déclarer que
de telles manifestations sont "légitimes et propres à la démocratie".
La hausse abusive du prix des transports a été la goutte d’eau qui a
fait déborder le vase de l’indignation des Brésiliens, rempli petit à
petit, déception après déception, par les acteurs politiques du pays ces
dernières décennies. Ce séisme de contestation dont personne n’évalue
encore précisément la magnitude et qui connaîtra certainement des
répliques à l’approche des événements planétaires que le Brésil
s’apprête à accueillir, provoquera-t-il une véritable onde de choc et
une prise de conscience de la part des décideurs publics du pays ? C’est
tout ce que ces centaines de milliers d’indignés brésiliens souhaitent.
[Photo : Marcos de Paulo / Estadao - source : actubresil.wordpress.com]
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