Là où lire délivre
Sur la base navale
extra-territoriale américaine de la Baie de Guantanamo, Cuba, les
Etats-Unis détiennent leurs captures faites au nom de la lutte contre le
terrorisme islamiste, et ce, hors de la portée du système judiciaire
fédéral. Des conditions de détention souvent critiquées, si bien que
l'ONU demande la fermeture de la prison. Là, derrière les clôtures et le
barbelé du Camp Delta, vaste partie désaffectée du complexe de haute
sécurité, un bâtiment préfabriqué possède néanmoins quelques
caractéristiques d'une bibliothèque.
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(CC by 2.0) |
A l'intérieur du local de fortune,
l'atmosphère rappelle celle d'une bibliothèque succursale où les livres
sont regroupés par langues et par genres, au sein de diverses salles de
stockage. La différence avec un établissement traditionnel, c'est qu'ici
les usagers n'ont pas le loisir de se promener entre les étagères. Dans
cet univers carcéral, c'est le bibliothécaire en chef, un civile restant
anonyme pour des raisons de sécurité, qui remplit lui-même des bacs en
plastique d'une cinquantaine de bouquins.
Et une fois par semaine, ces caisses de
ses sélections littéraires sont apportées au sein de chaque bloc de
cellules. Quant aux 166 détenus enfermés parfois depuis plus d'une
décennie, la plupart sans le moindre procès, ils sont autorisés à
emprunter deux titres suggérés à la fois, voire à soumettre leurs
demandes plus spécifiques à condition de respecter les règles de la prison.
Le catalogue de la bibliothèque serait
composé d'environ 9000 titres pour 18.000 ouvrages. Des éditions
majoritairement écrites en arabe, et accompagnées de quelques
échantillons de revues, DVD et autres jeux vidéo. Comme la liste reste
limitée, en raison du budget insuffisant de la bibliothèque, avocats et
familles des prisonniers peuvent leur envoyer des livres. Une pratique
qui permettrait aux bénéficiaires de conserver les ouvrages 60 jours
durant dans leur cellule, au lieu des 30 jours habituels.
Mais la préférence du lectorat incarcéré
à Guantanamo se porterait, selon le témoignage du bibliothécaire en
chef, principalement sur les ouvrages religieux. Quand bien même les
détenus ne dédaigneraient pas certains titres occidentaux, comme
du Gabriel García Márquez ou du Danielle Steel, et de véritables romans « hérétiques », comme les sagas Harry Potter et Le Seigneur des anneaux.
Le bibliothécaire annonce par ailleurs que sont filtrés les contenus
jugés blasphématoires, développant des thèses anti-américaines, ou
extrémistes.
Un camp visiblement propice aux
lectures, à sa manière, et qui peut susciter de véritables passions
comme celle de ce détenu qui depuis sa cellule aurait lu trois fois le
livre d'Orwell, 1984, et qui aurait rapporté à l'avocat David Remes, que l'oeuvre dépeignait très bien l'atmosphère de Guantanamo.
Écrit par Julien Helmlinger
[Source : www.actualitte.com]
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