Comment on marche en turc
Pas de prescriptions pour les livres sulfureux :
plus d'un demi-siècle après sa parution, la version turque de La
Machine molle de William S. Burroughs, mais aussi le Snuff de
Chuck Palahniuk, valent bien des ennuis judiciaires à leurs éditeurs et
traducteurs, attaqués pour obscénité. La justice turque a rendu son verdict :
le procès est reporté à 2015, mais les charges pèsent toujours.
William S.
Burroughs 3, Christiaan Tonnis
Comme aux plus belles heures du Code Hays ou de la
Commission de surveillance et de contrôle, La Machine molle de
Burroughs et Snuff de Chuck Palahniuk ont
été soumis à la cour de Justice d'Istanbul, qui devait statuer sur le sort de
leurs éditeurs respectifs, Irfan Sancı de la maison Sel
Publishing House et Hasan Basri Çıplak, de l'Ayrıntı Publishing
House, ainsi que sur celui des deux traducteurs.
La cour devait d'abord établir l'obscénité
manifeste des deux ouvrages, élément condamné par l'article 226 du Code pénal
turc. Des universitaires en littérature et en droit avaient alors été chargés
par la justice d'examiner les textes et de rendre leur verdict, au cas où leur
valeur littéraire excuserait leur langage et leurs images un peu rudes.
Snuff, le roman de Palahniuk, a été qualifié de « travail littéraire qui dépeint d'une perspective
tragicomique l'industrie pornographique et la façon dont les femmes sont
transformées en objets dans la société de consommation » : les
7000 vierges n'ont qu'à bien se tenir, Snuff n'est pas
porno. Et La Machine molle ne l'est pas
plus : « Les détails sexuels dans sa technique narrative avant-gardiste,
laquelle influence toute la communauté littéraire, servent son propos. »
Ces observations vont donc clairement contre les
charges qui pesaient sur ceux qui avaient publié les ouvrages, condamnés par la
Commission pour la Protection des Mineurs. Mais le juge en a finalement décidé
autrement, en renvoyant le verdict du procès à 2015. D'ici là, a-t-il prévenu,
toute publication jugée obscène sera ajoutée à leur dossier.
« Ce dossier va refaire surface.
Nous demandons un verdict immédiat, en conformité avec les observations des
experts. Ce texte est devenu une loi d'intimidation plutôt que d'amnistie »
a déclaré Hasan Basri Çıplak à la sortie du tribunal. À l'annonce de la
décision du juge, il a tendu à celui-ci les deux derniers livres publiés par sa
maison : Les Garçons sauvages et Pygmy, encore signés par Burroughs et Palahniuk. Et
trois ans de cauchemars, sans aucun doute, pour le juge pudibond.
Sources :
Melville House Books
Bianet
Gatestone Institute
Melville House Books
Bianet
Gatestone Institute
Par Antoine
Oury
[Publié sur www.actualitte.com]
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