terça-feira, 24 de julho de 2012

Turquie : les éditeurs de Burroughs et Palahniuk sous surveillance


Comment on marche en turc

Pas de prescriptions pour les livres sulfureux : plus d'un demi-siècle après sa parution, la version turque de La Machine molle de William S. Burroughs,  mais aussi le Snuff de Chuck Palahniuk, valent bien des ennuis judiciaires à leurs éditeurs et traducteurs, attaqués pour obscénité. La justice turque a rendu son verdict : le procès est reporté à 2015, mais les charges pèsent toujours.

 William S. Burroughs 3, Christiaan Tonnis

Comme aux plus belles heures du Code Hays ou de la Commission de surveillance et de contrôle, La Machine molle de Burroughs et Snuff de Chuck Palahniuk ont été soumis à la cour de Justice d'Istanbul, qui devait statuer sur le sort de leurs éditeurs respectifs, Irfan Sancı de la maison Sel Publishing House et Hasan Basri Çıplak, de l'Ayrıntı Publishing House, ainsi que sur celui des deux traducteurs.

La cour devait d'abord établir l'obscénité manifeste des deux ouvrages, élément condamné par l'article 226 du Code pénal turc. Des universitaires en littérature et en droit avaient alors été chargés par la justice d'examiner les textes et de rendre leur verdict, au cas où leur valeur littéraire excuserait leur langage et leurs images un peu rudes.

Snuff, le roman de Palahniuk, a été qualifié de « travail littéraire qui dépeint d'une perspective tragicomique l'industrie pornographique et la façon dont les femmes sont transformées en objets dans la société de consommation » : les 7000 vierges n'ont qu'à bien se tenir, Snuff n'est pas porno. Et La Machine molle ne l'est pas plus : « Les détails sexuels dans sa technique narrative avant-gardiste, laquelle influence toute la communauté littéraire, servent son propos. »

Ces observations vont donc clairement contre les charges qui pesaient sur ceux qui avaient publié les ouvrages, condamnés par la Commission pour la Protection des Mineurs. Mais le juge en a finalement décidé autrement, en renvoyant le verdict du procès à 2015. D'ici là, a-t-il prévenu, toute publication jugée obscène sera ajoutée à leur dossier.

« Ce dossier va refaire surface. Nous demandons un verdict immédiat, en conformité avec les observations des experts. Ce texte est devenu une loi d'intimidation plutôt que d'amnistie » a déclaré Hasan Basri Çıplak à la sortie du tribunal. À l'annonce de la décision du juge, il a tendu à celui-ci les deux derniers livres publiés par sa maison : Les Garçons sauvages et Pygmy, encore signés par Burroughs et Palahniuk. Et trois ans de cauchemars, sans aucun doute, pour le juge pudibond.


Par Antoine Oury

[Publié sur www.actualitte.com]

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