Le
credo de la crise, en substance « tous les secteurs doivent participer à l'effort
collectif », pourrait être sévèrement malmené : au Chili et en
Espagne, où des hausses de la TVA sur les livres papier ou numérique sont
annoncées, la population se mobilise. Et relance le débat sur l'accès à la
culture, qui doit bénéficier d'un traitement spécifique.
(auteur : Tax Credits)
L'appellation « produit de première nécessité » ne fut pas si flatteuse pour le
livre en France : c'est grâce à cette formule que la hausse de la TVA de 5,5 %
à 7 %, en janvier dernier, fut validée. Au Chili, c'est un autre refrain qui
court sur les lèvres depuis quelques semaines : « Libros sin IVA »,
soit « Des livres sans TVA », comme il est aisé de le deviner.
Les citoyens chiliens se sont mobilisés,
ont dégagé 9 points d'argumentation explicités dans leur manifeste, et s'attaquent à la taxe de 19 % appliquée au livre,
soit « 1/5 de sa valeur ». Le prix des livres, qu'ils soient
numériques ou imprimés, est une véritable barrière d'accès à la culture : « Les livres sont très chers au Chili. Je parle de 50 à 80 $ pour un
grand format, 30 à 60 $ pour un livre à couverture souple. Même les livres
d'occasion oscillent entre 5 et 15 $. » La demande est bien là : 54 % des
Chiliens affirment qu'ils achèteraient plus de livres si ces derniers ne
coûtaient pas un bras.
Pour lever l'interdit du budget, deux
solutions ont été proposées par les Chiliens mobilisés : la première réclame la
suppression totale de la TVA sur le livre, et ainsi un retour à la situation de
1976, quand le livre chilien était libre de toutes taxes. La seconde, le plan « B comme Bibliothèque »
s'appuie comme son nom l'indique sur les établissements de prêt, peu présents
dans les habitudes de lecture des Chiliens : 11 % seulement d'entre eux ont
emprunté un livre l'année passée. Dans l'hypothèse d'une suppression de la TVA,
les rédacteurs du manifeste soulignent qu'il ne s'agirait que d'« une première étape dans une politique de promotion de la lecture
et du livre plus ambitieuse et plus compréhensive ».
En Espagne, les mêmes questions ont refait
surface avec l'intention du gouvernement d'augmenter les prélèvements sur les
produits culturels : seuls le livre papier, les journaux et les magazines
seraient épargnés, et conserveraient leur « taux super réduit » de 4 %. Les autres secteurs, qu'il
s'agisse de la musique ou du livre numérique, font grise mine. À partir du 1er
septembre, la hausse de la TVA à 21 % sur ces produits pourraient donner le
coup de grâce à des industries soit naissantes, soit déclinantes.
Le livre numérique va ainsi voir son prix considérablement
augmenter, et donc l'argument du prix réduit par rapport au papier être
égratigné. « La hausse de la TVA va nous faire du mal. Les efforts que nous
faisons pour promouvoir l'ebook sont réduits à néant par la différence des taux
papier et numérique » alertait il y a quelques jours Javier Cortés, président
de la Guilde des Éditeurs espagnols. Déjà fragilisée par la crise, l'édition du
pays comptait sur le livre numérique...
Mais si Tax Pacem, Para Bellum...
Par Antoine Oury
[Publié sur www.actualitte.com]
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