domingo, 17 de junho de 2012

La rédaction des arrêts du Conseil d'Etat devrait se simplifier

Enrichissement des informations fournies, allègement des visas et simplification de la syntaxe sont les nouvelles orientations des arrêts administratifs.

Introduction

Que l'on soit juriste, et a fortiori non juriste, la lecture des décisions des juridictions de l'ordre administratif, dont celles du Conseil d'Etat, semble toujours plus difficile qu'une décision de la Cour de cassation. Si ces décisions ne sont pas toujours compréhensibles pour le justiciable, cela tient notamment à la structure de l'arrêt, au vocabulaire employé et à la façon de rédiger empreinte d'une lourde tradition propre aux juridictions administratives
L'an dernier, un groupe de travail a été constitué afin de proposer des améliorations dans la rédaction des décisions administratives. Présidé par le président Philippe Martin, le groupe a récemment remis son rapport final au Vice-président du Conseil d'Etat, dans lequel il dresse une liste de 18 propositions organisées autour des principes suivants : enrichissement des informations, allègement des visas et simplification de la syntaxe.
Certaines de ces propositions constituent des améliorations consensuelles "qui pourraient être très rapidement appliquées sans refonte du mode actuel de rédaction". D'autres, "telles que la suppression de l'analyse des moyens dans les visas ou le changement de syntaxe, avec en particulier l'adoption du style direct et l'abandon de la phrase unique, représentent des évolutions plus substantielles" qui nécessitent des expérimentations.
Certaines des propositions suivantes pourraient donc être mises en oeuvre par les juridictions administratives dès octobre 2012.

Amélioration et simplification de la présentation de la requête et de la procédure

  • Requêtes et mémoires des parties : il s'agirait de regrouper, pour chaque partie au litige, la mention des mémoires qu'elle a produits dans un paragraphe unique. Pour cela, l'ensemble des conclusions présentées par chaque partie serait synthétisé dans chacun de ces paragraphes, immédiatement à la suite des informations relatives aux mémoires produits ; et indiquer, si tel est le cas, à la suite de la mention de la note en délibéré, qu'elle n'a pas donné lieu à réouverture de l'instruction.
  • Moyens : supprimer l'analyse des moyens dans la partie de la décision consacrée à la procédure (correspondant aux "visas" actuels).
  • Procédure : conserver les mentions actuelles relatives à la procédure, à l'exception de la décision de désignation du juge unique, en application de l'article R222-13 du Code de justice administrative.
  • Textes : supprimer la mention des textes dont il est fait application (puisqu'ils sont cités ou mentionnés dans les motifs).

Simplification des motifs de la décision

Mention des moyens

Il s'agirait d'énoncer les moyens avant d'y répondre ou en y répondant. "La mention obligatoire ne concerne que les moyens. Elle doit consister en une reformulation qui les synthétise en se concentrant sur leur portée juridique utile. Les arguments ne seront évoqués que si la juridiction estime opportun d'y répondre. Chaque moyen sera mentionné avec la réponse qui lui est apportée. En aucun cas, l'ensemble des moyens ne devra figurer dans un bloc déconnecté des réponses qui leur sont données", précise le rapport.

Motifs de droit

Donner une justification de la portée que le juge donne à la règle de droit et qui détermine l'application qu'il en fait au cas d'espèce, ainsi que la restitution dans les motifs des principales étapes du raisonnement juridique qu'a suivi le juge. Pour cela il est proposé de :
- citer ou, selon les cas, résumer, la règle de droit dont il est fait application, avec ses identifiants complets (date, numéro et intitulé) ;
- restituer de manière plus analytique et complète le raisonnement juridique suivi ;
- indiquer la méthode d'interprétation (référence aux travaux préparatoires ; par analogie ; portée utile ou raisonnement téléologique ; etc.) par laquelle la juridiction explicite la portée d'une règle de droit.

Références jurisprudentielles

Développer la mention des références des décisions d'autres juridictions, notamment constitutionnelle et européenne, dont le juge a entendu s'inspirer ;
Indiquer en tant que de besoin les références des décisions de principe de la juridiction administrative, répertoriées comme telles, ayant tranché un point de droit dont la décision fait application.

Motifs de fait

Donner, en tant que de besoin et quand cela est possible, davantage d'informations sur les faits déterminants et sur la qualification juridique des faits.
"L'enrichissement envisagé de la motivation en fait s'inscrit toujours dans la perspective d'un énoncé des motifs nécessaires à la compréhension de la solution. Il ne devrait donc ni augmenter significativement la longueur des décisions, ni alourdir la charge de travail du rédacteur de la décision, puisqu'il consisterait essentiellement à introduire dans la décision quelques éléments supplémentaires tirés des réflexions préparatoires à la décision dont on ne peut que déplorer, ainsi qu'il a été dit pour les motifs de droit, qu'ils soient cachés au lecteur alors qu'ils renforceraient l'autorité et l'intelligibilité de la décision", précise le rapport.

Economie de moyens

Expliquer plus clairement le motif et la portée de l'économie de moyens ;
Synthétiser, en cas de suppression de l'analyse des moyens à la suite de la présentation des mémoires du requérant, les moyens auxquels il n'est pas répondu du fait de l'économie de moyens.
Il ne s'agit pas de rappeler dans chaque décision faisant économie de certains moyens la définition de cette théorie mais d'en indiquer en quelques mots la raison, afin que le requérant n'ait pas l'impression que sa requête n'a pas été intégralement traitée.

Jugements de rejet pour incompétence ou irrecevabilité

En dehors du cas des ordonnances et sauf modification de l'article R741-2 du CJA, il serait indiqué, après avoir expliqué le motif de rejet pour incompétence de la juridiction ou irrecevabilité de la requête, que ce motif de rejet dispense d'examiner les moyens de la requête, qui seront très synthétiquement résumés à la suite.

Moyens inopérants

Exposer, comme pour tout moyen, le motif pour lequel un moyen est écarté comme étant sans incidence sur la solution du litige.
Il ne s'agit ni de rappeler systématiquement la définition du moyen inopérant ni de répondre au fond au moyen mais d'indiquer brièvement la raison pour laquelle le moyen soulevé, quel que soit son bien-fondé, est en l'espèce sans incidence sur la solution du litige.

Ordonnances visées à l'article R222-1 du Code de justice administrative

Préférer à la citation de textes une explication claire en langage simple des motifs de l'incompétence ou de l'irrecevabilité qui fonde le rejet de la demande.

Paragraphe conclusif

Généraliser le paragraphe conclusif explicitant le sens de la décision.
Il ne s'agit pas de déterminer systématiquement, hors de toute demande des parties, les modalités d'exécution de la décision mais de résumer les réponses que le juge apporte aux conclusions dont il est saisi, en exprimant dans les termes les plus clairs possibles l'issue qu'il donne au litige.

Amélioration du style rédactionnel

  • Syntaxe : remplacer la phrase unique et ses nombreuses subordonnées introduites par le terme "considérant" et séparées de points-virgules par des phrases courtes, ponctuées de points.
  • Présentation en paragraphes : privilégier une rédaction en paragraphes courts (un sujet - un paragraphe) afin de garantir la rigueur du raisonnement et de renforcer la lisibilité de la décision.
  • Présentation graphique :
    - citer les textes en italiques ;
    - supprimer les majuscules pour le nom du requérant.
  • Titres, sous-titres et numérotation des paragraphes :
    - développer l'usage de titres et sous-titres, lorsque les moyens sont nombreux ;
    - expérimenter les modalités d'indication de leur hiérarchisation et de numérotation des paragraphes.
  • Vocabulaire :
    - éviter, autant que possible, les termes désuets lorsqu'il existe un équivalent plus courant ;
    - publier une liste de définitions des termes juridiques fréquemment utilisés par le juge administratif, au sein des juridictions et sur leur site internet.
[Source : www.net-iris.fr]

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