Les politiques d’enseignement de Margaret Thatcher's d'il y a trente ans ont entraîné une pénurie de compétences dans les institutions de l’UE, qui peinent aujourd’hui à recruter des interprètes et des traducteurs de langue maternelle anglaise. La Chambre des Lords britannique a appelé le gouvernement à se pencher sur le problème de la « culture monolingue » du pays en réintroduisant des cours de langue obligatoires dans les cursus scolaires.
« Cela fait des années que nous avons de grandes difficultés pour recruter des Anglais », a déclaré Miguel Angel Martínez Martínez, l'eurodéputé espagnol en charge du multilinguisme au Parlement européen.
L'Assemblée à des difficultés à recruter des personnes de langue maternelle anglaise pour ses services de traduction et d'interprétation, a-t-il expliqué à EurActiv lors d'un entretien.
Ce problème a également été soulevé par la Commission européenne qui avait annoncé en 2009 que les institutions européennes risquaient d'être confrontées à une pénurie d'interprètes anglais d'ici 2015, date à laquelle l'actuelle génération de fonctionnaires partira à la retraite.
M. Martínez Martínez a expliqué que cette pénurie était « due au fait que, du temps de Mme Thatcher, on a éliminé l'enseignement des langues parce que les Britanniques ont pensé qu'ils n'en auraient plus besoin ».
Par conséquent, la plupart des jeunes de 25-30 ans ne parlent qu'anglais, ce qui pose problème pour les services d'interprétation et de traduction du Parlement.
L'apprentissage des langues devrait redevenir une priorité en Grande-Bretagne, a-t-il souligné.
Les Lords veulent rendre les cours de langue obligatoires
Les compétences linguistiques limitées des Britanniques ne posent pas problème qu'aux institutions européennes de Bruxelles.
La Chambre des Lords s'est récemment rendu compte que la Grande-Bretagne était devenue une « culture monolingue », ce qui empêche les étudiants britanniques de participer à des programmes d'échanges comme Erasmus.
« Rendre l'apprentissage des langues obligatoires dans les écoles primaires et secondaires serait la seule manière d'accroître le taux de participation du pays » au programme Erasmus, ont expliqué les Lords dans un rapport publié le 22 mars dernier.
Si rien n'est fait pour promouvoir l'apprentissage des langues, « la participation future du Royaume-Uni aux programmes de mobilité, comme le programme Erasmus de l'UE, ne pourra pas être assurée », ont-ils affirmé.
Ce rapport fait partie d'une enquête plus générale sur le rôle de l'UE dans la modernisation de l'éducation supérieure en Europe.
Trente
ans plus tard, les politiques d'enseignement de Margaret Thatcher ont
des conséquences inattendues dans les services de traduction et
d'interprétation du Parlement européen. Miguel Angel Martinez Martinez,
l'eurodéputé espagnol en charge du multilinguisme, a expliqué les
raisons de ce problème lors d'un entretien accordé à EurActiv.

M. Martinez, vous êtes député en charge du multilinguisme au Parlement européen depuis cinq ans. En quoi consiste votre travail?
Cela fait plus de cinq ans que je m'occupe au bureau de l'une des activités les plus compliquées et surtout les plus indispensables car sans interprétation, sans traduction, le Parlement ne pourrait pas exister.
C'est très complexe car ce n'est pas seulement le travail quotidien pour que la chambre puisse fonctionner, c'est aussi les contacts avec les universités pour former des interprètes et des traducteurs, c'est les contacts avec l'industrie qui fournit la technique pour que les interprètes puissent opérer.
Dans quel état avez-vous trouvé le Parlement en arrivant à votre poste et quels ont été vos chantiers principaux?
J'ai trouvé le mécanisme en marche. Sauf que, depuis que je suis là, il y a quand même une dizaine de langues officielles qui se sont ajoutées, chose qui ne s'était jamais produite auparavant.
L'élargissement, cela a signifié de nombreux nouveaux membres mais cela a signifié surtout de nombreuses nouvelles langues. Et ce grand élargissement d'il y a quelques années, pour nous, a compliqué les choses à tous les points de vue – nous avons pratiquement doublé le nombre de langues dans lesquelles on opère.
C'est là que s'est situé le changement, le chambardement fondamental, y compris dans le nombre d'interprètes ou de traducteurs qui travaillent pour nous. Ce changement a eu lieu d'un coup, pratiquement d'un jour à l'autre.
On dit souvent que l'interprétation et la traduction dans les institutions européennes ont un coût, qui est celui de la démocratie. A combien évaluez-vous le coût supplémentaire pour le Parlement européen de l'addition de ces dix nouvelles langues ?
Le coût additionnel est de l'ordre de 30 à 40% puisqu'on est passé de 13 langues à 23 langues. Et aujourd'hui, je suis en train de voir exactement ce que ça va supposer de passer de 23 à 24 langues avec l'arrivée de la Croatie. Ça aussi, ça suppose une augmentation de 2 à 3% des coûts d'interprétation et de traduction.
Toutes les institutions de l'UE confondues consomment un peu moins de 500 millions d'euros par an en traduction et interprétation. Le Parlement n'en consomme qu'une partie parce que la Commission, le Conseil, les pouvoirs régionaux, la Cour de justice, la Banque centrale européenne, etc. ont tous aussi une dimension traduction et interprétation.
Vous dites que les critiques ne manquent pas sur le multilinguisme. Quelles sont les critiques les plus fréquentes et d'où viennent elles?
Les critiques disent qu'on pourrait très bien faire en n'utilisant qu'une langue. Donc, qu'on pourrait supprimer directement tout ce qui est interprétation et traduction.
Il y a des gens qui sont anti-européens et qui trouvent n'importe quelle raison pour s'attaquer à ce que l'on fait. Il y a des gens qui pensent sincèrement que tout ce qui touche à l'Union Européenne ne sert qu'à gaspiller de l'argent…
Si vous pensez aux Britanniques, les conservateurs – même eurosceptiques – pensent qu'il faut préserver un budget pour la traduction et l'interprétation parce qu'ils souhaitent justement continuer à pouvoir s'exprimer dans leur langue nationale !
Moi je n'ai jamais entendu les eurosceptiques, les vrais, parler positivement au niveau budgétaire de quoi que ce soit. Non, le problème n'est pas là. Pour des gens qui ne réfléchissent pas beaucoup ou qui n'ont pas une grande conscience démocratique, c'est assez facile de dire que tout pourrait se faire en anglais.
C'est une boutade, mais je dis parfois à des gens qu'on pourrait ne parler qu'une langue pourvu que chaque parlementaire soit obligé d'en parler une autre que la sienne. Parce que si je suis obligé de parler une langue qui n'est pas la mienne, il est évident que je ne vais pas la parler avec la facilité, la souplesse, le détail de ma langue maternelle.
Donc moi, je dis à ceux qui pensent que l'anglais est la solution : « D'accord, mais à condition que les Anglais se mettent à parler en allemand ! ». Mais alors, il faudrait que tout le monde – pour ne plus parler la sienne – puisse en parler au moins deux.
En imaginant que vous ne soyez pas limité par le budget, que feriez-vous pour améliorer encore le multilinguisme au Parlement européen?
Indépendamment du budget, il s'agit de maintenir la qualité en faisant davantage intervenir de nouvelles technologies. Par exemple, on est en train de faire davantage de vidéoconférences.
Je pense que l'avenir est là mais ce n'est pas toujours facile parce qu'il faut former les interprètes et les traducteurs à se familiariser avec les nouvelles technologies, à comprendre que l'avenir n'est pas de continuer à travailler dans des cabines où l'on voit l'orateur mais que l'on peut travailler via satellite. Donc, le progrès doit se trouver dans les nouvelles technologies et le défi c'est justement de maintenir la qualité et pour cela il faut un très gros effort dans l'étude des langues.
Vous savez, on a un problème que les gens ignorent totalement dans le contexte des institutions européennes : cela fait des années que nous avons de grandes difficultés pour recruter des Anglais. Ceci est dû au fait que, du temps de Mme Thatcher, on a éliminé l'enseignement des langues parce que les Britanniques ont pensé qu'ils n'en auraient plus besoin (même si on y revient maintenant).
Or il se trouve que du fait que les Britanniques ne parlent qu'anglais, les jeunes de 25-30 ans, ils ne parlent que leur langue. Donc du point de vue de l'interprétation et de la traduction, c'est évident qu'il faut financer, et prendre conscience dans chacun de nos pays qu'il faut étudier une langue étrangère.
Tout ça implique aussi des mécanismes pour aller à l'étranger, même les lycéens. La formation professionnelle, l'étude des langues, doit devenir une priorité. Mais c'est dangereux aussi, parce que quand on dit ça, tout le monde pense que ce que l'on veut faire c'est imposer l'anglais. Or ce n'est pas ça, il s'agit d'apprendre toutes les langues. Et notamment pour les Britanniques, le fait d'apprendre une autre langue que l'anglais.
Le Parlement européen doit-il tout traduire? Je pense notamment aux communiqués de presse qui sont souvent disponibles uniquement en anglais.
C'est une de nos luttes, que les communiqués de presse et toutes les publications de communication avec la société – appels d'offre, contrats, etc. – soient traduits.
Je reçois souvent des plaintes de professionnels ou d'entreprises de mon pays qui se plaignent que tous ces documents ne sont publiés sur l'Internet qu'en anglais ou en français. Donc il y a un gros effort à faire à ce niveau là et dans le domaine de la communication en particulier.
[ Source : www.euractiv.com ]
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