Au risque de me répéter encore une fois, j’aimerais revenir brièvement sur l’impact réel des chroniques de langue sur l’usage langagier. Je l’ai dit maintes fois ici que les ces «ne dites pas, dites» qui ont une si longue histoire au Québec visent à corriger des prétendues fautes mais ont comme effet secondaire non désiré de simultanément diffuser et même conforter l’erreur ou la faute.
Écrit par s1allard
C’est que la structure même du discours correctif implique forcément la démonstration de la faute et de son usage. La forme corrigée ne va pas sans la forme à corriger.
Cela ne veut pas dire que les efforts de correction sont nulles. Loin de là, certains lecteurs ou auditeurs feront un grand effort pour remplacer la dite faute par la forme préconisée. Les rédacteurs, auteurs, traducteurs, animateurs de radio et de télévision et tous ceux qui doivent soigner leur langage professionnel feront un grand effort de passer celui-ci par une grille corrective pour éviter la honte de se faire montrer du doigt.
Mais est-ce que les formes dites fautives auront disparu pour autant de l’usage quotidien? Bien sûr que non. Elles seront simplement refoulées vers le langage oral familier en attendant un changement d’attitudes qui pourront les amener vers une plus grande acception et peut-être même la standardisation.
Il suffit d’écouter la télévision et la radio, y compris notre auguste Radio-Canada, pour constater que plein de formes dénoncées il y a plus de 60 ans sont bien vivantes. Et cela sans compter les innovations plus récentes comme bon matin et selfie.
Si je dis tout cela pour la énième fois, c’est que je suis toujours impressionné par l’existence encore en 2018 de ces chroniques que je dirais anachroniques pour faire un douteux jeu de mots. Il faut dire que ces chroniques actuelles sont le fait de personnes généralement à la retraite et bien intentionnées sans rien de mieux à faire que de râler contre les anglicismes et les fautes de français chez les autres.
Un bel exemple de tout cela est un article daté du 27 novembre 2018 de Jacques Maurais dans son blogue Linguistiquement correct. Permettez-moi de dire le bien que je pense en général de ce blogue quand il traite de questions plutôt de linguistique. Mais M. Maurais a une dent contre l’Office québécois de la langue française (OQLF) où il a travaillé au début des années 1970. Ça fait plus de cinquante ans mais M. Maurais prend toujours un malin plaisir à chercher la petite bête chez ces anciens collègues.
Mais revenons à nos moutons. Dans sa chronique du 27 novembre 2018 M. Maurais dénonce l’usage de l’anglicisme «no-show». Remarquez qu’on peut compter 16 occurrences de «no-show» avec diverses traductions québécoises, canadiennes et françaises sans qu’aucune de ces traductions puisse vraiment se substituer de manière aussi efficace au «no-show» dénoncé au début de l’article. Après avoir évoqué «défection» et «défaillant», M. Maurais constate qu’il n’y a vraiment pas d’équivalent pour le large spectre d’usages du terme anglais. C’est dire que le «no-show» est pour l’heure la bonne solution.
Mais M. Maurais ne peut pas laisser passer l’occasion de s’en prendre à son ancien employeur et écrit:
Tous ces domaines d’utilisation de l’anglicisme no-show, hôpitaux, immigration, instruction militaire, informatique, lutte antidopage, monde du spectacle, d’autres sans doute, sont passés sous silence dans le GDT (Grand Dictionnaire Terminologique de l’OQLF).
Dans son plan stratégique 2018-2023, l’OQLF s’est fixé l’objectif ambitieux (!?!) de traiter 100 nouveaux termes chaque année (il ne manque pas un zéro, il s’agit bien du nombre cent) :…
Quand on sait que depuis des années une partie des ressources de l’OQLF est occupée à produire des dossiers de « désofficialisation » (c’est-à-dire dénormaliser des dizaines de termes déjà officialisés et publiés dans la Gazette officielle) – mais après tout, comme le savait Pénélope, faire et défaire c’est toujours travailler – on comprend que produire annuellement 100 nouvelles fiches terminologiques peut paraître audacieux, voire téméraire.
[Source : etatslangue.wordpress.com]
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