domingo, 2 de dezembro de 2018

Oui, le célibat, c'est sympa

Si j’avais cédé aux attentes de la société et renoncé au célibat, je n’aurais jamais pu m’accomplir.

Je vis seule, dans un lieu entièrement mien, je trouve la paix. 
J’espère que je continuerai à vieillir seule et même que je mourrai seule.

Écrit par Bella DePaulo 
Traduit par Bérengère Viennot 

Cette année, j'ai passé Thanksgiving toute seule. J’ai à ce jour connu moult versions de cette fête, des réunions de famille traditionnelles, lorsque mes parents étaient en vie, à des dîners intimes entre amis et des festins avec une foule de visages inconnus, en passant par des voyages vers des destinations toutes particulières. Pourtant, à 65 ans, célibataire depuis toujours, je n’ai jamais célébré Thanksgiving avec un mari ou des enfants. S’il vous prend l’envie d’avoir pitié de moi, je vous en prie, n’en faites rien –je suis fière de la décision que j’ai prise il y a plusieurs dizaines d’années de sortir des chemins tout tracés de la vie, et je n’en éprouve aucun regret. Être seule est un bonheur pour moi.


Entre 20 et 40 ans, j’avais la conviction profonde que j’aimais être seule. Pourtant, j’ai passé ces années à me demander si j’allais me raviser et avoir envie de me marier. Ça, je le regrette, et j’espère en aider d’autres à éviter de connaître ce sort. Vous pourriez penser, comme beaucoup le font, que j’ai changé d’avis et fini par accepter la vie que je mène aujourd’hui. Mais j’avais vu ce qu’il y avait de mieux dans la vie de couple, et je n'ai pas été tentée. Mes parents ont élevé quatre enfants et sont restés ensemble pendant quarante-deux ans, jusqu’à la mort de mon père. J’ai eu ma part de cérémonies de mariage mais je n’ai jamais souhaité être la prochaine sur la liste. J’ai eu des partenaires au lycée et à la fac, et ils m’ont tous laissé des souvenirs attendris. Chaque fois qu’une relation se terminait, j’étais ravie de revenir à ce que j’aimais: ma vie de célibataire.

Je ne suis pas mariée, mais...

Pendant que j’attendais un revirement qui n’est jamais arrivé, je vivais en conjuguant les mais. Je ne suis pas mariée mais j’ai des amis et des proches. Je ne suis pas mère mais j’ai créé des liens avec la génération suivante. En pensant de cette manière, j’avais involontairement intégré le postulat qu’un époux et des enfants devraient être au centre d’une vie d’adulte et j’essayais de représenter ma propre vie sous la forme d’une approximation raisonnable de cet idéal. Je n’étais pas complètement libérée des chemins tout tracés que j’avais rejetés –et conjuguer ma vie au fil des mais allait à l’encontre de ce qu'elle m'inspirait vraiment, au fond de moi.


J’ai eu ma part de cérémonies de mariage mais je n’ai jamais souhaité être la prochaine sur la liste.

J’avais trouvé un poste captivant à la University of Virginia, où j’enseignais et faisais des recherches sur la psychologie des mensonges et de leur détection. J’étais profondément impliquée dans la vie des autres en tant que prof, mentore et tante, et j’étais une présence dans la vie des enfants de mes amis. Je suis devenue l’heureuse propriétaire d’une maison lumineuse, ouverte et spacieuse qui m’était chère. J’ai arpenté les chemins de nature de Charlottesville. Plusieurs fois par semaine, je rejoignais des amis pour le dîner dans le centre-ville. J’organisais des soirées chez moi pour regarder des émissions pourries à la télé et j'ai rejoint un club de cuisine. Pendant des années, j’ai été la seule personne célibataire autour de tables peuplées de couples.


Quand j’ai eu 47 ans, je me suis rendue à la University of California-Santa Barbara pour ce qui était censé être une année de congé sabbatique. Je me suis délectée du soleil, de la beauté spectaculaire autour de moi, de la politique progressiste, des intellectuels brillants et de mes nouveaux amis.

Un manque... pour les autres

Je trouvais ma vie profondément satisfaisante. Dans le même temps, une question me fascinait: pourquoi mon entourage ou la société tout entière ne valorisait-elle pas autant que moi ma vie d’adulte célibataire? Quand de nouvelles connaissances apprenaient que je vivais seule et sans enfants, elles estimaient que ma vie portait un manque qu’il fallait combler. Une mère mariée m’a même dit: «J’ai exactement ce qu’il te faut! Le groupe de girl scouts de ma fille a besoin d’une nouvelle cheffe!»

Je me suis demandé si c’était juste moi ou si les autres personnes seules étaient elles aussi vues de cette façon. Cela faisait des années que je réfléchissais à ce genre de questions sur la place des célibataires dans notre société. Armée de mon bagage de chercheuse, j’ai saisi l’occasion d’étudier la question de manière systématique. J’ai décidé de vendre ma maison, d’abandonner mon poste de professeure titulaire et le salaire qui allait avec, de laisser derrière moi (presque tout) mon champ d’études précédent et de rester à Santa Barbara alors même qu’aucune chaire de prof n’était disponible pour moi. Prendre toutes ces énormes décisions de changer ma vie, en mettant en péril ma sécurité financière sans consulter personne, fut jouissif.


Le célibat au crible scientifique

Je me suis jetée dans la recherche sur les célibataires. Avec ma collègue Wendy Morris, nous avons lancé une série d'études pour enquêter sur la manière dont les gens caractérisent les personnes célibataires et les personnes mariées. Nous avons utilisé toute une variété d’approches, soit en demandant directement comment ils considéraient les célibataires par rapport aux couples, soit en créant des duos de biographies identiques à l’exception du statut conjugal. Quelle que soit la manière dont nous posions notre question, les personnes célibataires étaient toujours jugées plus sévèrement que les personnes mariées. Elles étaient envisagées avec un regard critique et considérées comme moins mûres, moins heureuses, plus seules, moins sûres d’elles, plus autocentrées et plus envieuses –tout en étant vues comme plus indépendantes.
Quand je parle de solitude, je ne veux pas dire que je n’ai pas des amis ou des proches qui comptent pour moi –j’en ai.

Les célibataires étaient-ils victimes de stéréotypes injustes, ou était-ce la vérité? Peut-être moi, célibataire heureuse, étais-je l’exception. Je me suis mise à lire des comptes rendus de recherches portant sur l’impact du mariage sur le bien-être, et j’ai été sidérée: les meilleures études qui ont suivi des participants et participantes pendant tout le cours de leur vie d’adulte révèlent qu'en moyenne, les célibataires sont heureux et en bonne santé. Lorsque ces personnes se marient, elle ne deviennent généralement ni plus heureuses ni en meilleure santé que lorsqu’elles étaient célibataires. Contrairement à l’image typique de la personne seule isolée et souffrant de solitude, les recherches montrent que les célibataires ont généralement davantage d'amis que les gens mariés. Ils en font également plus pour aider, soutenir et rester en contact avec leurs frères et sœurs, leurs parents, leurs amis et leurs voisins.

J’ai vécu ma vie en me détournant joyeusement et sans aucun regret de la voie conventionnelle «mariage et enfants» supposée la définir. Mais l’impératif conjugal est profondément ancré dans notre société, et même pour celles et ceux qui, comme moi, n’ont jamais éprouvé de velléité de revenir sur leur décision, il peut être difficile de se libérer totalement de l’idéal mariage-plus-enfants. Ces études aident à éliminer ce stigmate. Et le nombre record de célibataires valide aussi ce style de vie –selon un rapport du Pew Research Center, lorsque les jeunes adultes d’aujourd’hui atteindront 50 ans, environ un sur quatre aura été célibataire toute sa vie. Contrairement à l’époque de ma jeunesse, les célibataires qui ont peu d’amis n’étant pas non plus en couple, ou qui ont peu de membres de leur famille à proximité, n’ont qu’à chercher en ligne pour se faire des relations amicales. Ils et elles peuvent aussi lire de plus en plus de livres et d’essais qui proposent des visions positives de la vie en solo.

Qu’est-ce qui donne du sens à ma vie?

Mais les recherches et les livres, ça ne suffit pas. Nous avons tous besoin de penser la vie de manière moins étriquée. Au lieu de vous demander si vous voulez ou non vous marier et avoir des enfants, demandez-vous: qu’est-ce qui donnera du sens à ma vie et me permettra de m’épanouir? Quand on y réfléchit sous cet angle, les possibilités sont illimitées.

En ce qui me concerne, mon travail sur les célibataires a bien plus compté que je n’aurais jamais pu l’imaginer. Mon épanouissement vient aussi des gens dans ma vie et du lieu où je vis –le soleil y est si fiable que je peux me promener le long des falaises du Pacifique toute l’année.



Et je suis profondément comblée par ma solitude –un aspect de ma vie qui est (et était) censé me faire peur au point de devoir me faire renoncer au célibat. Quand je parle de solitude, je ne veux pas dire que je n’ai pas des amis ou des proches qui comptent pour moi –j’en ai. Je veux dire que je vis seule. Dans un lieu entièrement mien, je trouve la paix. J’espère que je continuerai à vieillir seule et même que je mourrai seule.

Lors de ce Thanksgiving, seule, j’éteins mon ordinateur, mets mon téléphone sur silencieux et je me rends dans une ville voisine pour me balader sur la nouvelle promenade en bois qui longe la mer. En rentrant à la maison, je prépare la version italienne familiale du dîner de Thanksgiving –la dinde et les accompagnements d’usage, avec des raviolis en entrée. Je pioche dans ma collection de livres préférés et d’offres Netflix que je me réserve pour des occasions spéciales comme celle-là.


Et si en me réveillant j’aurais envie de tout autre chose, je ferais ce qui me passera par la tête.


[Photo : Priscilla Du Preez via Unsplash CC License by - source : www.slate.fr]

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