quinta-feira, 30 de janeiro de 2014

Les traducteurs refusent de payer pour les Rencontres de la traduction

"Si professionnaliser le Salon signifie faire payer les professionnels, alors il y a un problème"

Exclusif : Les rencontres de la traduction sont devenues un rendez-vous traditionnel du Salon du livre de Paris. Instaurée en 2011, c'était originellement une journée unique, consacrée à la traduction et aux traducteurs, apportant un éclairage particulier sur cette activité centrale dans l'édition. Réunissant en moyenne 450 personnes, la quatrième édition de ce rendez-vous sera cette année boycottée par l'Association des traducteurs littéraires de France (ATLF) et la Société française des traducteurs (SFT).


En 2014, le Salon du livre de Paris inaugure pour la première fois deux journées, les 22 et 23 mars, consacrées à ces rencontres. « Organisées en collaboration avec l'Association des Traducteurs Littéraires de France, le programme des rencontres mettra le métier en lumière dans le vaste processus éditorial, littéraire, culturel et pédagogique », peut-on lire.

Mais l'ATLF et la SFT « ont décidé de ne pas participer à cet événement », expliquent Laurence Kiéfé, présidente de l'ATLF et Graham MacLachlan, président de la SFT. En effet, la société Reed Expositions « voulait faire une manifestation payante », provoquant le retrait des deux organisations. 

« L'ATLF et la SFT regrettent vivement cette situation et espèrent qu'un accord sera trouvé pour que cette manifestation puisse reprendre, l'an prochain, sur ses principes originels, en concertation avec les traducteurs professionnels », précisent-elles. 

Pour Graham MacLachlan, la SFT «  a voté à l'unanimité le soutien à la décision de l'ATLF. Les précédentes journées ont toujours été organisées gratuitement pour les participants. On ne comprend pas la décision de Reed que de changer cette formule. Deux journées, ce sont plus de tables rondes, mais on ne peut pas demander aux participants de payer pour y assister ».

Olivier Mannoni, ancien président de l'ATLF, qui avait participé avec Juliette Joste à la création des premières Rencontres, en 2011, se dit « interloqué ». Selon lui, cette décision de rendre les Rencontres payantes « n'est ni dans l'esprit de ce qui avait été pensé au démarrage, ni même dans ce que l'on peut attendre de l'esprit du Salon. Nous souhaitions organiser des rencontres professionnelles, comme cela pouvait se retrouver à Francfort [NdR : Foire du livre particulièrement importante en Europe]. Je suis étonné que l'on assiste à un pareil revirement ».

Aujourd'hui, Olivier Mannoni dirige l'Ecole de Traduction Littéraire, créée par le Centre national du livre. « Nous serons concernés, oui, assez directement, puisque l'École devait participer à ces rencontres. »  

"C'est tout de même une vilaine ironie que d'organiser deux journées consacrées aux conditions de travail des traducteurs, et de leur demander de payer pour y assister." 

De son côté, Laurence Kiéfé regrette cette volonté des organisateurs du Salon « de vouloir rentabiliser le succès des précédentes journées. Comment expliquer au Conseil d'administration de l'ATLF, qu'il allait falloir payer pour assister à ces deux journées, alors même que l'ATLF les organise ? » C'est que, dans la chaîne éditoriale « nous ne sommes pas les plus dorés : si la reconnaissance symbolique est meilleure, économiquement et financièrement, c'est de plus en plus difficile pour les traducteurs ».

Et d'ajouter : « Reed Expo a accepté de revoir à la baisse les tarifs initialement proposés. Nous étions arrivés à 45 € sur les deux journées, pour les personnes membres de l'ATLF. Mais avec l'approche du Salon, nous avions de moins en moins de temps pour négocier. Il fallait prendre une décision rapidement. »

Évidemment, professionnaliser le Salon du livre de Paris, est une intention louable. « Il existe ces rencontres professionnelles à Francfort, mais c'est une foire internationale. Paris, cela reste cette ‘grande librairie', où l'on peut retrouver des instants consacrés aux professionnels. Mais si professionnaliser le Salon signifie faire payer les professionnels, alors il y a un problème. »

Cependant, les débats et animations concernant la traduction se dérouleront bien sur le stand de l'ATLF, à la Place des auteurs, ainsi que dans l'espace du Centre national du livre. Pourtant, chez les traducteurs eux-mêmes, on grince des dents. « C'est tout de même une vilaine ironie que d'organiser deux journées consacrées aux conditions de travail des traducteurs, et de leur demander de payer pour y assister. Soit Reed méconnaît complètement la situation des traducteurs, soit ils ignorent volontairement la réalité économique, qui n'a pas vraiment changé, et a même empiré. » 

Nous avons sollicité la société Reed, et mettrons cet article à jour.


Mise à jour 14h30 : 
Sollicité par ActuaLitté, le Salon du livre annonce l'annulation des deux journées consacrées aux Rencontres de la traduction.

Écrit par Nicolas Gary

[Photo : CC BY SA 2.0 - source : www.actualitte.com]

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