En l'absence de mesures collectives efficaces, le port du masque est une action de protection individuelle indispensable.
Écrit par Laure Dasinieres et Antoine Flahault — édité par
Vous rappelez-vous du «modèle emmental»? Chaque tranche représente une mesure de protection contre le virus et chaque trou une faille de cette mesure. L'idée est qu'en superposant les différentes tranches, nous parvenons à une protection la plus solide possible –tout aussi bien pour éviter de transmettre le virus ou de l'attraper que pour limiter sa circulation et diminuer ainsi son risque de muter.
Pendant un moment, nous avons pu miser sur la conjonction de mesures collectives (confinements, couvre-feu, limitation des déplacements, pass sanitaire ou vaccinal, ventilation, jauges) et individuelles (vaccins, obligation du port du masque, respect des gestes barrières, isolement des personnes symptomatiques, malades et cas contact).
Aujourd'hui, que nous reste-t-il pour nous protéger d'un virus qui contamine chaque jour plus de 100.000 personnes (selon les autorités, mais 1 million selon les experts) et qui, s'il semble moins grave que ses variants précédents chez les personnes vaccinées, continue de brutaliser les vulnérables, dans certains cas de les tuer et de laisser des séquelles parfois à long terme avec le Covid long?
Plus grand-chose puisque la très grande majorité des mesures collectives est désormais caduque, à moins de les instaurer à un coût social et économique exorbitants comme en Chine, et dont la performance sanitaire reste à voir avec Omicron.
Certes, un grand plan national visant à l'amélioration de la qualité de l'air intérieur incombe aux autorités et on l'attend toujours. Alors, il nous reste la responsabilité et les actions individuelles (autant de tranches d'emmental) qui en découlent:
- Se faire vacciner complètement (trois doses sinon quatre pour les plus de 60 ans).
- Rester chez soi lorsqu'on est symptomatique et/ou positif au SARS-CoV-2.
- Se tester lorsqu'on est symptomatique ou cas contact.
- Aérer les espaces clos qui sont sous notre responsabilité directe, s'équiper en détecteurs de CO2 personnels et si besoin en systèmes mobiles de purification de l'air intérieur.
- Éviter autant que possible, tant que l'incidence est élevée, les lieux suspectés d'être mal ventilés lorsqu'on ne peut pas y porter un masque
- Et enfin, porter un masque dans tous les lieux et transports publics clos mal ventilés, que ce soit obligatoire ou non.
Le masque, jamais inutile
C'est sur ce port du masque, qui fait encore aujourd'hui tant parler de lui, que nous revenons dans cet article. Aujourd'hui, le masque reste obligatoire en France dans les transports publics ainsi que dans les établissements de santé et les établissements médico-sociaux.
Rappelons à quoi sert le masque en revenant brièvement sur les modes de transmission du virus. Aujourd'hui, nous savons que le coronavirus et tous ses variants se transmettent essentiellement par voie aéroportée, peut-être un peu par les postillons lorsqu'ils se posent sur nos narines, nos conjonctives ou notre bouche, mais surtout par l'aérosolisation des microgouttelettes de postillon (celles inférieures à 100 microns qui peuvent alors flotter dans l'air d'une pièce mal ventilée pendant plusieurs minutes à plusieurs heures). Ce dernier mode de transmission, qu'on appelle la voie aérosol, est aujourd'hui reconnu comme majoritaire.
L'intérêt du port du masque est alors double:
- Réduire l'émission de microgouttelettes contaminées par le coronavirus à partir d'une personne infectée.
- Réduire la probabilité qu'une personne saine ne respire ces microgouttelettes contaminées par le virus et s'infecte à son tour.
Le masque est une tranche de l'emmental anti-Covid. Il n'offre pas une protection absolument parfaite mais, un peu comme le préservatif contre les infections sexuellement transmissibles, il contribue fortement à notre protection individuelle et collective.
Lorsqu'il recouvre bien la bouche et le nez, il n'est jamais inutile. Il ne filtre pas l'intégralité des particules émises et/ou reçues et certains masques, comme le FFP2, ont de meilleures propriétés de filtration. Mais, dans tous les cas, ils permettent de réduire la dose virale infectante.
Cela n'est absolument pas négligeable, n'en déplaise aux adeptes du tout ou rien. En effet, de cette dose virale infectante dépendra la gravité des symptômes d'une personne contaminée. En dépendra son risque d'hospitalisation si elle a des comorbidités et aussi son risque de développer un Covid long. En somme, si on est contaminé masqué par quelqu'un qui porte aussi un masque, ce n'est certes pas de chance, mais on aura quand même réduit les risques de sévérité du Covid que l'on contractera. Si en plus on est triplement vacciné (autre couche de l'emmental) et en bonne santé par ailleurs, on peut s'attendre, notamment avec Omicron, à ce que les symptômes restent bénins.
L'aération/ventilation des lieux clos étant une autre couche de l'emmental, nous pouvons ajuster nos usages du masque en fonction de l'endroit où l'on se trouve:
- Au cinéma, au théâtre, dans les transports, dans les salles de classes ou les amphithéâtres, dans les bureaux partagés et lors de réunions la fenêtre fermée, etc, ou lorsque le capteur de CO2 indique des valeurs supérieures à 800ppm, le FFP2 dont on a vanté plus haut les capacités de filtration les plus élevées est de mise.
- Au supermarché, dans les musées, ainsi que dans tous les lieux intérieurs bien ventilés ou les grands espaces où on ne séjourne pas longtemps, un masque chirurgical ou en tissu pourra éventuellement remplacer le FFP2.
- Dehors, ou dans tous les lieux où le capteur de CO2 montre que l'air intérieur se rapproche de la qualité de l'air extérieur, inférieur à 600 ppm, alors on peut enlever le masque, prendre un verre ou un repas sans grand danger.
Bien sûr, les personnes qui sont fortement exposées dans le quotidien de leur travail en milieu intérieur –nous pensons tout particulièrement aux restaurateurs, serveurs, barmen, assesseurs de bureaux de vote, etc.– gagneraient à porter un FFP2 tout au long de leur service.
Il nous semble ici important de promouvoir la gratuité des masques pour les personnes fragiles ainsi que pour les personnes les plus exposées, le tout en cessant de dramatiser le FFP2 que beaucoup trouvent d'ailleurs plus confortable…
Vous nous direz: «On ne va pas porter le masque comme cela toute notre vie». Nous espérons bien que non, nous aussi. L'autre variable, c'est bien sûr l'intensité de la circulation virale. Et c'est sur elle que le port du masque doit s'ajuster. On peut estimer que lorsque l'incidence est inférieure à 50 (cas pour 100.000 habitants sur 7 jours), on peut ôter le masque sans risque notable. Problème: ce taux est vraisemblablement sous-évalué en France aujourd'hui en raison du nombre potentiel de malades qui ne se testent plus, ainsi que du fait que le logiciel SIDEP n'enregistre pas comme nouvelle contamination celle survenue moins de deux mois après la précédente. Mais, avec une incidence estimée à la mi-avril en plateau au-dessus de 1.000 –que nous pensons probablement dix fois supérieure– nous sommes de toute façon bien loin des 50.
Réflexe quotidien
Dans l'attente de l'amélioration notable de la qualité de notre air intérieur, on va devoir peut-être se dire que désormais, le masque fait partie de nos habitudes et que nous allons simplement avoir le réflexe de le porter dès lors que nous savons que des virus respiratoires de la grippe ou du Covid circulent intensément, afin de se protéger et de protéger les personnes que nous côtoyons. Nous ferons peut-être aussi de même plus facilement lorsque nous aurons des symptômes d'infection respiratoire, par sécurité pour ceux que l'on côtoie.
Et à l'extérieur? Concernant la transmission du virus, les bénéfices du masque ne sont pas évalués comme pertinents puisque les aérosols se dispersent dans l'air extérieur, et que, rapidement, il n'y a plus de dose virale infectante suffisante pour pouvoir transmettre la maladie. Mais, même si cela reste encore à démontrer, il peut toutefois être pertinent de le porter dans des lieux bondés comme les marchés ou les concerts en plein air, d'autant que ce sont des lieux d'émission importante d'aérosols avec un public qui parle fort, crie, voire chante.
Mais, le «double effet Kiss Cool» des masques et notamment du masque FFP2, c'est que puisqu'il filtre les particules fines (les microgouttelettes de notre respiration sont des particules fines), il peut nous protéger également contre la pollution atmosphérique lors des pics de pollution.
Il est en effet capable d'empêcher celles dont la taille est supérieure à 0,6 µm de gagner nos bronches et nos poumons avec l'effet abrasif qu'on leur connait sur l'arbre respiratoire, facilitant la fréquence et la gravité des infections respiratoires de grippe ou de Covid. Sans doute serons-nous, à l'avenir, enclins ainsi à le porter lors des pics de pollution, qu'ils soient dus à la combustion des carburants fossiles dans nos villes ou aux sables du Sahara lors de vents puissants venant du sud.
Et qu'en est-il des enfants? Nous les avons vus très compliants et respectueux du port du masque. En outre, les orthophonistes se sont largement prononcés: le port du masque n'est pas délétère pour le développement du langage. Aujourd'hui, les enfants sont encore très faiblement vaccinés en France et ils sont, en revanche, fortement exposés au virus et exposent les personnes qui sont en contact avec eux. Et, même s'ils ne développent généralement pas de formes graves, ils semblent néanmoins également touchés par le Covid long qui peut avoir des conséquences handicapant leur vie sociale et scolaire.
On ne sait pas encore tout sur ces pathologies post-infectieuses chez l'enfant, et on n'a pas encore beaucoup de recul sur l'impact d'Omicron sur ce plan. Mais n'est-ce pas une raison de plus pour rester prudents? Très clairement, nous recommandons par précaution le port du masque aux enfants dans les lieux fermés mal ventilés, comme par exemple les salles de classe, tant que l'incidence est supérieure à 50, mais aussi en extérieur lors des pics de pollution.
Aujourd'hui, nous déplorons que le port du masque notamment FFP2 ait été aussi dramatisé par le gouvernement, ainsi que par certaines sociétés savantes. Il aura aussi été posé parfois comme un symbole politique, et ce dans de très nombreux pays. Or, il ne s'agit toujours que d'un simple morceau de papier ou de tissu destiné à se protéger et à protéger les autres. Le porter est un geste solidaire et respectueux.
[Photo : Adrian Dennis / AFP - source : www.slate.fr]
Sem comentários:
Enviar um comentário