sexta-feira, 19 de janeiro de 2018

Les Québécois du vin français

Si la France est considérée comme LE pays du vin, quelques Québécois arrivent à se faire une place en or dans ses caves ou dans ses vignes. Portraits de deux de ces expatriés du vin.



Écrit par Marie Pâris 



Marco Pelletier,
le sommelier des grandes cartes

Marco est tombé dans le vin un peu par hasard; ses parents ne buvaient même pas. Diplômé en génie civil, il part à 22 ans passer un été en Europe et atterrit dans un café à Épernay, en Champagne – à un jet de pierres des caves de Moët & Chandon. Il rencontre des vignerons, commence à déguster… «Je suis finalement resté pour les vendanges et les vinifications!» Le Montréalais aime tellement ça qu’il revient l’été suivant pour travailler dans les vignes, et postule au passage à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ). «J’ai été refusé, mais je les ai harcelés jusqu’à ce qu’une place se libère», se souvient Marco. À l’issue de sa formation en restauration et sommellerie, l’ancien étudiant en génie civil a su faire ses preuves dans le vin. Il décroche la Bourse d’excellence Gérard-Delage, qui lui offre l’opportunité d’aller travailler dans un Relais & Châteaux en France. Le voilà donc parti à Brantôme, dans le Sud-Ouest; et ça y est, il est expatrié pour de bon. En 2000, Marco arrive comme commis à Maison Rostang, à Paris, où il apprend le métier sous la tutelle du chef sommelier Alain Ronzatti. «Je me suis retrouvé commis, puis assistant et chef sommelier en même temps», raconte Marco, qui remplace son mentor lors de ses voyages.

Son resto suivant? L’étoilé Taillevent, toujours dans la capitale, où il gère une cave de plus de 400 000 bouteilles. En 2008, le célèbre hôtel Le Bristol cherche un nouveau chef sommelier pour son restaurant L’Épicure. Vingt-huit candidats se présentent; c’est Marco qui est retenu. À 33 ans, le voilà au sommet. Difficile pour un étranger de pénétrer le monde secret et sacré du vin français? «Je ne trouve pas. Quand vous avez de l’humilité, les gens vous acceptent plus facilement. Ça m’est arrivé une seule fois de ne pas être bien accueilli, quand un client m’a dit: “Est-ce que c’est vous le sommelier américain?” Il a ensuite demandé à être servi par mon collègue français…», raconte Marco. Un an plus tard, le sommelier devient associé de la maison de champagne Michel Gonet, dont il est depuis ambassadeur de marque, et vigneron au Domaine de Galouchey, dans le bordelais. Il possède également une société qui organise des dégustations. «Mais tout ça devenait difficile à gérer avec un travail en hôtel où il fallait être présent tout le temps, explique Marco. Je regrette aussi que les grands hôtels deviennent des restos-musées, où les clients demandent le code wifi avant de boire un verre…»
En 2016, il saute le pas et ouvre son propre resto avec un associé, le chef Iacopo Chomel. Vantre, à Paris, est une table de bistronomie très abordable, associée à une cave incroyable: 1500 références à la carte, et 1200 de plus à la cave. Au bout de cinq mois, le Guide Lebey distingue Vantre comme «Meilleure carte des vins de Paris». «Aujourd’hui, on est complet midi et soir», souligne fièrement Marco. Les sommeliers du monde défilent au Vantre, tandis que les critiques enthousiastes se multiplient dans les journaux. Bref, la France, pour lui, c’est un succès. «Mais je ne suis pas chauvin! Au contraire… Je dis sans problème que la qualité des vins mythiques en France est en train de baisser, indique l’expatrié. Le vrai pays du vin, du point de vue de la consommation, c’est New York.»
Quant à l’émergence des vins québécois, Marco reconnaît suivre ça d’un peu loin: «Quand je reviens pour les vacances, je décompresse complètement et je me coupe du travail. Je ne connais donc pas bien les vins du Québec…» Revenir vivre ici? La question ne se pose pas pour le sommelier. «La qualité de vie au Québec est incroyable, mais je reste près de mon vignoble…» Et si la qualité de vie n’a rien à envier à la France, il en va de même pour les conditions de travail en restauration selon Marco: «Le milieu est encore plus dur ici. On n’a pas les pourboires comme au Québec, on fait des doubles shifts, c’est 10 fois plus difficile. J’ai fait plus de 75 heures par semaine pendant 18 ans. En France, vous avez l’armée, et juste après vous avez la restauration…»
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Pascal Marchand,
pionnier du vin nature en Bourgogne

Originaire de Laval, Pascal arrive en Bourgogne pour la première fois en 1984, à 21 ans; à 22 ans, il s’y établissait pour le reste de sa vie. «C’est un hasard qui a fait que je suis arrivé là, mais la culture du vin m’intéressait et j’avais envie d’apprendre pour ensuite voyager dans d’autres régions viticoles dans le monde», explique Pascal. Après avoir découvert les plaisirs de la vigne en ayant participé à des vendanges avec des amis, il suit une formation à l’École de viticulture de Beaune, en Bourgogne. Il a ensuite la chance d’être remarqué par le comte Armand, du Domaine des Épeneaux, qui lui offre le poste de régisseur dès 1985. «J’avais beaucoup d’appréhension en arrivant, confie le vigneron. Est-ce que les gens allaient m’accepter? Finalement, je me suis bien intégré dans le sérail bourguignon. J’arrivais aussi à un moment où beaucoup de gens de mon âge reprenaient des vignobles… Et l’avantage, c’est que j’avais pas à rendre des comptes à une génération au-dessus de moi, j’avais une certaine liberté que les autres n’avaient pas.»
En Bourgogne, Pascal est l’un des premiers à se lancer dans la viticulture biologique et la biodynamie – il laboure même avec un cheval. Rapidement, le vigneron se fait remarquer dans le milieu; dans le top 100 du Wine Spectator des meilleurs vins du monde, le Pommard Clos des Épeneaux 96 est le meilleur des vins de Bourgogne. En 1999, Pascal quitte finalement le Domaine des Épeneaux pour celui de la Vougeraie. Grâce à une association de domaines, il travaille sur l’élaboration du Clos Jordanne (pinot noir et chardonnay), dans la vallée de Niagara. S’il aime la Bourgogne, le vigneron prend plaisir à voyager partout dans le monde; il devient alors un «flying winemaker», selon l’expression anglaise. Pascal se rend ainsi six fois par an dans la vallée de Bio Bio au Chili pour les vins de Veranda, et travaille dans la vallée de Sonoma, en Californie, pour les vins de Joseph Phelps. En Australie, il a créé le domaine Marchand and Burch dans la Western Australia et devient consultant des maisons Turner’s Crossing, Carlei et Prancing Horse.
En 2006, le vigneron lance son micronégoce, et sa propre étiquette en partenariat avec le financier de Toronto Moray Tawse. Marchand-Tawse, c’est huit hectares de terrain en Bourgogne, qui produisent environ 10 000 bouteilles de vin d’appellations Premier Cru et Grand Cru – la bouteille phare, le Musigny, atteint les 800 dollars US. Finalement, Pascal a fait sa place parmi les Français. «Il y a quelques étrangers dans le milieu, mais pas tant que ça… Quand on commence à jouer dans le foncier, c’est plus difficile, il faut être introduit. Tout se passe de manière un peu secrète. Mais bon, les Français ont plus peur des Chinois que des Québécois!», rigole le vigneron, faisant allusion au rachat en 2012 du domaine de Gevrey-Chambertin.
En 34 ans, Pascal a remarqué que le monde du vin français a changé: «La qualité est la même, mais les prix montent, par exemple en Bourgogne. L’accès aux bouteilles est plus difficile et ça change la donne. Avant, un jeune qui s’intéressait au vin pouvait goûter à plein de choses; aujourd’hui, c’est beaucoup plus dur…» En attendant, Pascal est devenu l’un des représentants de la Bourgogne dans le monde – le réalisateur montréalais David Eng lui a d’ailleurs consacré un portrait-documentaire, Grand Cru, sorti fin 2017. Et les vins du Québec dans tout ça? «Je suis admiratif devant ce qui se passe là-bas. J’ai la chance de pouvoir y revenir environ quatre fois par an, et j’ai goûté des choses qui m’ont vraiment étonné, confie Pascal. Mais depuis tout ce temps, je ne me vois pas vivre ailleurs qu’en Bourgogne…»



[Source : www.voir.ca]

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