quarta-feira, 17 de maio de 2017

Agnès Buzyn, notre ministre de la Santé ashkénaze


La France, hyponcondriaque ou pas, se portera-t-elle mieux avec à son chevet une brillante professeure de médecine ashkénaze, à la tête du nouveau ministère des Solidarités et de la Santé ? Oy Vay, serait-on tentés de répondre comme s’il s’agissait d’une blague juive… Mais le parcours d’Agnès Buzyn et son héritage familial – un père rescapé d’Auschwitz et des marches de la mort, une mère enfant cachée – en font, outre ses compétences reconnues, un magnifique symbole républicain.


Écrit par Alain Granat 
Ce mercredi matin, comme le rapporte Eric Favereau dans Libération, Agnès Buzyn tenait une conférence de presse sur la politique de dépistage de la trisomie 21, comme présidente de la Haute Autorité de santé (HAS). Ainsi que l’explique le journaliste, « Dans le monde parfois terne et mesuré de la santé, Agnès Buzyn a réussi une gageure. Elle s’est imposée.  Mieux, elle épate. Tout semble lui réussir. Depuis qu’elle a quitté son poste de professeure d’hématologie de l’hôpital Necker pour diriger d’importantes structures de santé, elle a fait un sans-faute. Exemple : lors de ses auditions au Parlement pour diriger la HAS, droite et gauche ont été unanimes, saluant la nomination d’une femme d’expérience et de science, qui a réussi ces cinq dernières années à la présidence de l’Institut national du cancer. Elle a présidé d’abord la commission de sûreté nucléaire lors de l’accident de Fukushima. Puis elle a été pendant six ans à la tête de l’Institut national du cancer (INC), et depuis près de deux ans à la présidence de la HAS. À chaque fois, elle s’est imposée, sans bruit ni coups de gueule, ayant des idées précises de ce qu’elle voulait faire. Diplomate aussi, Agnès Buzyn a su prendre son temps, attendre, et ainsi dans ses rapports avec la ministre de la Santé du précédent quinquennat, Marisol Touraine, elle a su s’adapter. Quand il le faut, elle peut sortir de sa réserve naturelle. Et monter au créneau. Ainsi, en décembre 2015, elle a dénoncé les lobbys et les risques sanitaires lorsque les députés ont détricoté la loi Evin afin d’élargir la pub pour l’alcool. Faut-il rappeler en passant qu’un certain Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, trouvait normal ce détricotage ? Plus récemment, Agnès Buzyn s’est battue pour le droit à l’oubli des personnes guéries du cancer. »

« Femme de gauche mais nullement encartée, ce n’est pas «une politique». Elle a su trouver une place dans un territoire mandarinal particulièrement misogyne et conservateur, privilégiant toujours son indépendance. » poursuit le journaliste,  « Et se montrant très attentionnée sur la question des inégalités de santé, qui est aujourd’hui un des défis les plus complexes. Dans ses nouvelles fonctions, Agnès Buzyn a donc bien des atouts. Pour autant, bien des défis attendent celle qui est mariée à Yves Lévy, directeur de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) (Ndlr :  après un premier mariage avec le fils aîné de Simone Veil, dont elle a eu deux garçons, Agnès Burzyn est maman d’un troisième garçon avec Yves Lévy #Gala).

Toujours dans Libération, la nouvelle ministre des Solidarités et de la Santé se confiait à Eric Favereau en 2011, expliquant «Oui, je sais, mon service de com m’a dit que c’est important que la lutte contre le cancer ait un visage. Mais je me force, je n’aime pas ça, ce n’est pas mon truc de répondre à vos questions. De toute façon, le portrait que vous écrirez je ne le lirai pas, je ne pourrai pas le lire, cela m’est impossible de lire quelque chose sur moi.» Elle ajoute «Je suis une immigrée de la première génération.» Père polonais, déporté à l’âge de 12 ans dans le camp d’Auschwitz, qui en réchappe et arrive en France à 15 ans. Mère juive polonaise, née en France juste avant la guerre (ndlr : Etty Buzyn sera enfant cachée dans l’Ain) devenue une analyste de renom, proche de Françoise Dolto. Son père va réussir une belle carrière de chirurgien orthopédique. «Il adorait son métier, avait le goût de soulager les malades, raconte Agnès Buzyn. Enfant, le jeudi, il m’arrivait de l’accompagner au bloc. D’ordinaire, on allait au cinéma, mais parfois il devait opérer. C’était à la clinique Saint-Marcel, je l’aidais, je lui servais d’aide.» Cette famille devient aisée, au point que la jeune Agnès, aînée de trois enfants, fait ses études à Paris dans la très sélecte École alsacienne.




Chez les Buzyn, on ne traîne pas, on réussit. Agnès Buzyn s’y plie. Elle est sérieuse, travaille bien. «Au départ, je pensais faire de la chirurgie. Mais je cherchais aussi une spécialité où l’on avait un contact fort avec le patient. En hématologie, il peut arriver qu’on suive les patients pendant des années. Il y a un acte technique, mais aussi un accompagnement humain.» Agnès Buzyn aime la médecine. «Récemment, je me suis souvenue de Zoé, une amie d’école qui a disparu un jour. Je devais avoir 5 ans, on nous a dit qu’elle était malade, puis qu’elle était à l’hôpital. Elle est morte d’une leucémie. J’avais perdu tout souvenir de cela, et cela m’est revenu récemment.» Un clin d’œil à sa mère psy ?
Agnès Buzyn fait son internat à l’hôpital Necker de Paris. Le plus brillant, le plus mandarinal de France aussi, et le plus macho, raconte Eric Favereau. Les femmes à l’hôpital ? Le ton change franchement : «On veut bien nous imaginer médecins, mais pas plus. Professeurs, ça non ! Cela n’est pas pour nous.» Quand elle raconte sa nomination aux forceps comme professeure, Agnès Buzyn se lâche. «Je n’ai jamais vécu autant de mépris et autant de haine, raconte-t-elle. Comme si une femme n’avait pas le droit d’être professeure.» Elle en pleurerait presque encore aujourd’hui. «J’avais beaucoup de respect pour certains. Mais les voir me traiter ainsi fut une rupture très difficile.» Sa meilleure amie : «Peut-être a-t-elle manqué de diplomatie, mais ce qu’a vécu Agnès était insupportable.»
Ainsi va l’hôpital universitaire en France, devenu un univers féminin à l’exception de la haute hiérarchie. «J’ai tenu, parce que je travaillais. Cela a toujours été ma façon de me battre : travailler plus.» Claquer la porte ? «Non, cela ne me vient jamais à l’esprit. Et puis, avoue-t-elle, mon père est rentré vivant d’Auschwitz à 15 ans, ce serait franchement indécent de ma part de baisser les bras.».

Yaacov-Litzman-jewPop
Gageons qu’Agnès Buzyn ne baissera pas les bras devant les nouveaux défis qui l’attendent, elle, si attachée à la défense du service public de la santé. Et pour tous les grincheux juifs qui râleraient sur sa nomination, on ne peut que les renvoyer à son homologue du gouvernement israélien, qui n’est pas médecin mais a visiblement toutes les compétences requises pour diriger le ministère de la Santé local. Yaakov Litzman est le leader du parti ultra-orthodoxe ashkénaze Agoudath Israel, et a pour unique point commun avec Agnès Buzyn d’avoir des parents rescapés de la Shoah. Nul doute que malgré cette « affinité », si l’on peut dire, il refusera, comme il l’a fait avec Marisol Touraine, de lui serrer la main lors d’une visite officielle. La santé n’est définitivement pas un truc d’ashkénaze orthodoxe.



[Photo : François Guillot / AFP, Erez Lichtfeld - source : www.jewpop.com]

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