Nouvel album, Le petit bal perdu
Avec Le Petit bal perdu, le plus manouche des chanteurs français Stéphane Sanseverino reprend des chansons des années 30 aux années 60 : Brassens, Montand, Trenet, Piaf, Mireille etc. Ce faisant, il les arrange à sa sauce, forcément sur-vitaminée. A cette occasion, il évoque avec tendresse ce répertoire, antérieur à la "variété de masse", ressuscite ses (belles) histoires… Écoutons-le.
"Merci, les gars, de me proposer ce projet. Par contre, je veux rester super libre. A 100% !" : lorsque son label, Sony Music, lui propose de réaliser un disque de reprises de chansons populaires françaises, style flonflons, accordéon et musette, des années 1930 aux années 1960, Stéphane Sanseverino pose ses conditions. "Je voulais esquiver les énormes 'scies', ces 'tubes' usés jusqu’à la corde. Je souhaitais aussi répondre à l’exercice avec mon tempérament. J’ai donc envoyé, à ma maison de disque, un échantillon de sept huit chansons revisitées par mes soins, réarrangées, avec cette notice implicite : 'voilà ce que je souhaite faire', sous-entendu, 'je n’ai pas envie de faire autrement.'"
Des chansons dans les poches
Cette liberté, fortement revendiquée, s’inscrit d’abord dans la sélection des titres, avec cette explication : "S’il n’avait tenu qu’à moi, j’aurais choisi uniquement des chansons inconnues au bataillon, des trucs d’Aristide Bruant, par exemple, des créations du tout début du XXe siècle, pour permettre aux auditeurs de (re)découvrir ces merveilles oubliées. Mais par soucis de rentabilité financière, j’ai dû panacher."
L’album Le Petit bal perdu se construit donc sur un savant équilibre, entre chansons phares de l’inconscient collectif, et pépites plus méconnues. Brassens (Supplique pour être enterré sur la plage de Sète), Piaf (Johnny, tu n’es pas un ange), Trenet (Route Nationale 7), Montand (En sortant de l'école), Germaine Montero (La Fille de Londres), Pierre Perret (Marcel), Berthe Sylva (Les Roses Blanches), Reggiani (Il suffirait de presque rien), Boris Vian (La Java des Bombes Atomiques), Mireille (Ce Petit Chemin), mais aussi un morceau de bravoure de Fernandel, extrait du film Raphaël le Tatoué (Un dur, un vrai, un tatoué)… se retrouvent ici parés des couleurs rock-manouches de Sanseverino, qui confie : "J’avais toutes ces chansons dans les poches. Marcel de Perret, l’histoire d’une femme qui jette mari et amants, pour suivre au bout du monde un embobineur, faisait même office d’hymne familial, quand j’étais gamin. Bref, tous ces titres, je les chante lorsqu’on monte un groupe occasionnel pour l’anniversaire d’un pote, ou qu’on inaugure un bistrot. Hop ! Aux premières mesures, on bringue !"
De ses treize plages, surgit surtout une galerie de personnages pittoresques, des voyous, des femmes perdues, la route des vacances, un savant-fou, des tire-larmes, comme Sombre Dimanche (Damia), des histoires désopilantes… "J’aime toutes ces chansons car elles s’assimilent à de véritables courts-métrages, avec une progression scénaristique. Surtout, elles ne s’offrent pas facilement. Si tu te grattes l’oreille au moment crucial, que tu ne choppes pas le mot opportun, au détour d’une phrase, tu rates le dénouement : c’est le cas du titre Le Petit bal perdu. J’aime aussi les chansons d’amour détournées, drôles, aventureuses. Si c’est pour être direct, droit au but ou simpliste, du style 'baby mon amour, allons faire un tour' (improvisation live, ndlr), ça ne m’intéresse pas. Mais alors pas du tout."
"C’est notre blues."
En somme, il goûte les chansons de caractère ... Avec du relief, du piquant. Des créations qui furent malheureusement lissées, quelques années plus tard, selon le chanteur, par "l’horrible variété de Maritie et Gilbert Carpentier*", et les impératifs de l’industrie musicale : "Dans les années 1970, on assiste à l’éclosion de répertoires terriblement gnangnan. La musique, qui s’impose dans toutes les maisons, qu’on le veuille ou non, devient un simple divertissement, avec un objectif unique : la vente de disques, absurdement décidée et orchestrée par les médias. Ce rouleau compresseur a écrasé l’accordéon…" L’accordéon, soit l’instrument emblème, ici joué par le virtuose Lionel Suarez, de cette "chanson populaire" que Sanseverino aime tant : "c’est notre blues à nous", dit-il simplement…
De là à prendre des pincettes avec le patrimoine ? Hardi, le chanteur s’émancipe plutôt, prend des chemins de traverse : "J’arrange comme ça me plaît. Je mets tour à tour du banjo débridé, de l’orgue et de l’accordéon pour restituer ce côté jazz parisien, dans le style de Tati ; je fous du rock, avec deux guitares électriques rugissantes, ou je m’évade à l’envi vers le swing manouche, la musique cajun… Surtout, je laisse libre place à l’improvisation, loin du côté carré, rigide, tiré au cordeau, de la chanson. Je voulais un truc sali, un peu plus crade." Enfin, toutes ces chansons, Sanseverino les réunit sous ce titre tendre, aux accents nostalgiques, Le Petit bal perdu. "Le bal, c’est cet endroit super sympa, aux accents un peu ringards, propices à la convivialité, aux rencontres, quand le vin s’en mêle !" Aucun doute, sur ses pistes, on va guincher !
*producteurs artistiques d'émissions françaises de variété
Sanseverino Le Petit Bal Perdu (Sony Music) 2014
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[Photo : © P. Delacroix - source : www.rfimusique.com]
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