quinta-feira, 9 de janeiro de 2014

PAKISTAN : Un restaurant français d'Islamabad accusé de ségrégation raciale

Un établissement français aurait refusé de servir les Pakistanais sous prétexte que la nourriture n'y était pas halal. Une jeune pakistanaise rappelle que ce type de discrimination renvoie directement à l'époque coloniale.


Écrit par Fatima A. Athar [The Express Tribune] 

A Islamabad, un restaurant refuse les clients pakistanais à moins qu'ils n'aient la double nationalité. L'établissement [qui a dû fermer ses portes] affirme que cette politique a été instaurée par respect pour "la sensibilité des musulmans", l'intégralité du menu étant non halal. Fait intéressant, cette "sensibilité" n'a pas d'importance lorsqu'il s'agit d'engager quelqu'un pour aider à la cuisine, servir les plats et nettoyer après ces repas non halal, et n'est pas considérée comme une chose digne d'être mentionnée dans la recherche d'un barman. Ce qu'on nous dit donc, c'est qu'il est admissible d'embaucher des serveurs pakistanais musulmans qui vont manipuler de la nourriture non halal, mais que les clients pakistanais musulmans ne sont pas admis. Drôle de façon de nous respecter. 


Les Pakistanais ostracisés au Pakistan

Le propriétaire de l'établissement, [le Français] Philippe Lafforgue, a même pris la peine d'envoyer un courriel au journaliste pakistanais Cyril Almeida [qui a révélé l'affaire] se terminant par ces mots : "A propos, en lisant les annonces dans le journal ce week-end, j'ai vu que les offres de location à Islamabad s'adressent toutes uniquement aux étrangers et aux multinationales. Les villas luxueuses ne sont louées qu'à des étrangers. Les Pakistanais sont refusés. L'International Club à Lahore et le Sindh Club à Karachi refusent les Pakistanais, même en tant qu'invités. Lorsque je veux entrer dans l'enclave diplomatique, tout ce que j'ai à faire, c'est montrer mon passeport. Vous, vous devrez prendre un ticket, payer le tarif demandé et y aller en bus. La maison d'hôtes juste à côté de la mienne est réservée exclusivement aux Chinois. Je m'arrête là parce que je ne veux pas vous faire perdre votre temps. Oui, il y a beaucoup de discrimination dans ce pays. Mais pas chez moi." 

La lecture de ce mail m'a rappelé une époque [la période coloniale] où il était acceptable, dans cette partie du monde, de dire : "Les autochtones ne sont pas admis, sauf s'ils vous servent votre thé." Je suppose qu'on ne peut plus dire les choses ainsi. 

Etre pakistanais, une identité multiple

De plus, depuis quand le mot "pakistanais" est-il synonyme de "musulman" [5 % de la population n'est pas musulmane, soit quelque 9 millions de personnes] ? Et comment la détention d'une double nationalité peut-elle faire une différence, si le client est de toute façon musulman ? Où est la "sensibilité" dans ce cas ? Quand a-t-on commencé à faire des exceptions dans le racisme en fonction de qui en est la cible ? 

Mais j'ai pris conscience à quel point les propos de Lafforgue et de certains de mes amis sont vrais. Les Pakistanais ne sont effectivement pas autorisés à entrer dans l'enclave diplomatique de leur propre pays et des pans entiers de nos provinces appartiennent en réalité soit aux extrémistes, soit à des sociétés étrangères. Dans le même temps, une forme plus subtile de colonisation pénètre tranquillement dans notre culture. 

La souveraineté pakistanaise est un mythe

Notre histoire sans cesse révisée est tout aussi trouble que notre avenir, et nous avons appris que les choses se passent mieux pour nous lorsque nous gardons la tête basse et que nous poursuivons notre chemin au milieu de la confusion sans poser trop de questions. La souveraineté du Pakistan est pratiquement un mythe, une fiction qui nous fait plaisir, c'est tout. 

Nous ne la voyons pas vraiment, mais les roublards qui fabriquent le discours officiel de l'Etat affirment qu'elle est là. Plus de 180 millions de personnes habitent dans ce coin de terre que nous appelons "notre pays". Le fait que le racisme soit répandu et l'oppression élitiste endémique signifie-t-il qu'on ne doit pas empêcher personne d'être raciste ou élitiste simplement parce qu'on ne peut pas empêcher tout le monde de l'être ? 

Pour un Pakistan réellement indépendant

Cela veut-il dire que ceux qui sont peu touchés par le statu quo (ceux qui appartiennent déjà à l'élite ou, dans le cas qui nous intéresse, ceux qui détiennent cette preuve si convoitée qu'ils sont "assez bien pour ne pas être Pakistanais") peuvent plaisanter et trouver très amusant notre indignation ? Pouvons-nous dénier toute importance à de tels actes de discrimination sous prétexte qu'ils font partie intégrante de la vie des "Pakistanais ordinaires" ? Quel était le but du mouvement pour l'indépendance [obtenue, avec la création du Pakistan (1947)], sinon de nous donner une chance de vivre libres et de ne pas être traités comme des squatters dans notre propre pays ? Où est le pays qui devait naître de cette lutte ? Où est mon Pakistan ?

[Dessin de Cost, Belgique - source : www.courrierinternational.com]

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