sexta-feira, 14 de outubro de 2022

«Le Petit Nicolas», c’est très chouette

L‘immarcescible petit garçon a enfin droit à un film digne de lui: un dessin animé qui honore la légèreté du trait de Sempé et de l’humour de Goscinny, ses créateurs, avec lesquels il dialogue

                                Le Petit Nicolas ou l'enfance éternelle selon Sempé (dessin) et Goscinny (textes). — © Ascot Elite Entertainment Group

Écrit par Antoine Duplan

Le cinéma est un art trop lourd pour lui, le Petit Nicolas en a fait à trois reprises l’expérience, avec Le Petit Nicolas (2010) et Les Vacances du Petit Nicolas (2014), de Laurent Tirard, puis Le Trésor du Petit Nicolas (2021), de Julien Rappeneau, films sucrés, bébêtes, pleins de gosses propres sur eux, de tendresse frelatée et de démagogie. De purs contresens à l’œuvre de Sempé et Goscinny. Le Petit Nicolas – Qu’est ce qu’on attend pour être heureux? se démarque avec bonheur de ces produits. Pas de têtes à claques juvéniles pour incarner Agnan, Eudes et Clotaire, pas de scénario prétexte pour tenir ensemble quelques saynètes gnangnan, ni même l’animation numérique de la série télévisée: tenant de l’hommage, ce film inespéré renoue avec la céleste élégance du graphisme léger, si léger de Sempé pour raconter une demi-douzaine d’histoires sur les 222 que compte l’œuvre et célébrer ses créateurs.

Dans un Paris qui est celui de Prévert et de Doisneau, Jean-Jacques Sempé (voix de Laurent Laffite) file sur son vélo jusqu’à la terrasse d’un café, entre Montparnasse et Saint-Germain-des-Prés, retrouver son ami René Goscinny (voix d’Alain Chabat). Dans son cartable, il a le dessin d’un petit garçon qui plaît au scénariste. Ils lui cherchent un nom: ce sera Nicolas, comme le pinardier. À travers lui, ils vont procéder à une évocation de l’enfance qui, quelque 65 ans plus tard, reste fraîche comme au premier jour malgré tous les bouleversements que la société a connus.

Enfance heureuse

Ça y est, on l’a! – Nicolas parle de la télévision – est le premier des récits rapportés par le film. Suivent la visite de mémé, la photo de classe, une récré avec le Bouillon et un tas de sable, le cours de dessin, l’irruption de Louisette et de Marie-Hedwige dans le gang des garçons sur lesquels elles produisent un drôle d’effet en dépit de leurs préjugés («les filles, c’est bête et ça veut tout le temps jouer à la marchande…»), le jour où Nicolas et Alceste sèchent l’école et les vacances balnéaires avec un moniteur qui tourne chèvre…

Nicolas sort de la fiction à plusieurs reprises pour dialoguer avec son scénariste et son dessinateur. Tel un lutin, il se balade sur la table et la machine à écrire de Goscinny. Celui-ci lui raconte son enfance en Argentine, ses débuts comme dessinateur à New York où il croise des pointures comme Harvey Kurtzman, fondateur du magazine Mad, mais aussi la France occupée et ses oncles déportés, ces ombres qu’il a conjurées par le rire avec Astérix, Lucky Luke, Iznogoud… Au jardin des Tuileries, Sempé évoque ses mornes jeunes années, les torgnoles qu’il prenait de sa mère, et l’amour qu’il portait à son grand-père, sa passion pour le jazz – Duke Ellington est son idole – et le sport. Il se réjouit d’avoir vécu une enfance heureuse par le truchement du petit bonhomme de papier.

René Goscinny est décédé en novembre 1977, à l’âge de 51 ans, et Jean-Jacques Sempé le 11 août de cette année. Leur Petit Nicolas est éternel. Il nous enchante à jamais, il nous guérit du temps qui passe, tout en attisant la nostalgie des Trente Glorieuses quand l’avenir semblait prometteur. Pour raviver le souvenir des enchanteurs défunts, on peut écouter Ray Ventura chanter Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux?, cette chanson que Sempé aimait et qu’il a si bien su traduire en dessin.


Le Petit Nicolas – Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux?, d’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre (France, Luxembourg, 2022), 1h22.


[Source : www.letemps.ch]

 

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