segunda-feira, 3 de agosto de 2020

Déraisonnable, inclassable, irrésumable : le roman-fleuve de François Sureau

Cet écrivain au parcours atypique a voulu faire tenir dans « l’Or du temps » tout ce qui le constitue : ses lectures, ses admirations, ses souvenirs, ses combats (notamment en faveur des réfugiés) et son amour fou de la France.
L'écrivain et avocat François Sureau, infatigable défenseur des libertés
 publiques, sur les bords de Seine à Paris. 
Écrit par Jérôme Garcin

Voici, du plateau de Langres au Bassin parisien, le roman-fleuve de la Seine, qu’un volume suivant mènera jusqu’à son estuaire normand et à la Manche. Sur l’eau et les chemins de halage, d’affluents littéraires en confluents artistiques, François Sureau charrie, sans efforts, une culture encyclopédique. Il charrie tout court : son livre, qui tient de la péniche Freycinet, de la malle-poste, de la tour de Babel, du labyrinthe de la cathédrale de Chartres et de l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, compte en effet 850 pages et pèse un bon kilo.
Comme si cet écrivain de 62 ans au parcours atypique – énarque, conseiller d’État, avocat, colonel de réserve, rattaché à la fois au barreau de Paris, à la Légion étrangère et à l’Église catholique, maniant aussi bien le sabre que le goupillon – avait voulu mettre dans ce thésaurus, cette « stèle de papier », tout ce qui le constitue : ses lectures, ses admirations, ses souvenirs, ses combats (notamment en faveur des réfugiés) et son amour fou de la France.
On comprend vite que l’argument séquanais n’est qu’un prétexte. Prétexte à mettre sens dessus dessous sa bibliothèque d’honnête homme, à s’inventer un jumeau étranger et imaginaire, le peintre Agram Bagramko, qui aurait frayé avec les surréalistes, à dessiner ici et là des culs-de-lampe, à lâcher la bride et les chiens, à passer du coq à l’âne, sans oublier d’en appeler à la sagesse de l’éléphant Babar, que l’auteur verrait bien à l’Élysée.
Portraits, anecdotes historiques et souvenirs d’enfants

Dans ce livre déraisonnable, inclassable et irrésumable, on lira de belles réflexions sur le métier des armes, d’écrire, de partir et de croire. On trouvera des portraits inspirés d’écrivains (Genevoix, Apollinaire, Ghéon, Simenon), de militaires indociles, tels Mangin ou Lyautey, ce « Rimbaud en uniforme », mais aussi de chartreux, de parachutistes, de jardiniers, d’explorateurs, de peintres à fresque, de fumeurs de pipe, d’anachorètes et de deux Richelieu, le cardinal et le ministre de Louis XVIII. On apprendra que Blaise Pascal est le fondateur de la RATP, on glissera de l’abbaye de Port-Royal au Bercy de Polnareff et du Sahara algérien de Charles de Foucauld au désert de Scété, où Sureau imagine Isabelle Adjani poussant la porte de Moïse le Noir.
On recueillera enfin, glissés comme des chuchotis, des clapotis, quelques souvenirs d’enfant de chœur en surplis rouge, de fils et petit-fils de grands médecins, d’auditeur au Conseil d’État et d’indéfectible ami de Jean-François Deniau, ce « griot blanc » qui l’accueillit, pour un réveillon testamentaire de Nouvel An, dans sa maison du golfe de Tadjourah. Après André Breton, qui cherchait « l’or du temps », et dont c’est l’épitaphe, François Sureau, les pieds dans la Seine et la tête dans les étoiles, ajoute, à ses nombreuses vies, le métier d’orpailleur. Sa batée est pleine.

L’or du temps
, par François Sureau, Gallimard, 848 p., 27,50 euros


[Photo : Jean-Christophe MARMARA/Figaro – source : www.nouvelobs.com]

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