sexta-feira, 7 de junho de 2019

Lawrence Ferlinghetti a 100 ans : l’éditeur de la Beat Generation raconte une vie bien remplie

Compagnon de route de Kerouac, Ginsberg et Burroughs, l’éditeur américain publie ses Mémoires.

Lawrence Ferlinghetti avec Allen Ginsberg, en 1971. 

Écrit par Didier Jacob

C’est moins l’éditeur du mouvement beat que le compagnon de route de cette bande de doux dingues que l’on prend plaisir à lire en feuilletant les carnets de Lawrence Ferlinghetti, qui était à Kerouac ce que Richelieu fut à Louis XIII. Agé aujourd’hui de 100 ans (il est né en 1919 et a participé au débarquement de Normandie), celui qui fonda la mythique librairie City Lights à San Francisco, et qui publia les ténors du mouvement, a en effet fréquenté, de Ginsberg à Burroughs, tout le gotha de l’époque.

New York, 1 avril 1960 : Lawrence arpente avec Kerouac East Second Street d’un pas « chancelant ». Encore une cuite ? Oui, mais ne vous y trompez pas, dit Ferlinghetti :« Jack n’a rien de beat ni de beatnik hormis dans l’esprit de milliers de lecteurs de “ Sur la route ” persuadés que c’est une espèce de rebelle fou déchaîné alors que ce n’est en réalité qu’un “ bon gars de chez nous ” du petit bourg de Lowell et tout sauf un rebelle. »

Une version people de « Sur la route »

Gauchiste convaincu, poète francophile, insatiable voyageur, Ferlinghetti n’a pas seulement été le manager, l’accoucheur et le porte-parole des écrivains beat. Il a vu du pays, et consacre l’essentiel de ce livre de souvenirs à raconter ses voyages. En 1960, il arrive à La Havane, et ne tarde pas à tomber sur Fidel en personne, lequel, grand barbu en treillis, sort de la cuisine d’un restaurant en fumant son légendaire cigare. D’un bond, Ferlinghetti se présente :

« Fidel est juste accompagné d’un soldat, qui sourit bêtement à l’instant où je m’approche pour lui serrer la main en lui disant que je suis “ poeta norteamericano ” […]. Il cale l’arme qu’il avait à la main sous son bras, sort son cigare de la bouche et m’adresse un grand sourire, [...] et c’est alors qu’une vieille dame s’approche et l’étreint, il est ensuite évacué sans avoir prononcé une syllabe. »

On ne compte pas, dans cette version people de « Sur la route », les rencontres inattendues avec les stars du moment. Comme lorsque Ferlinghetti a une discussion sur les punaises de lit avec Pablo Neruda dans une limousine affrétée par les autorités de La Havane. Il croise Ezra Pound, s’envole pour l’Australie, passe par la France où il se souvient, non sans nostalgie, avoir vécu quand il avait 2 ans, met le cap sur la Russie où on l’accuse de vouloir « beatnikiser les Russes ». Quelle époque ! Vous imaginez, aujourd’hui, Ferlinghetti au Kremlin beatnikisant Poutine ?

La Vie vagabonde - Carnets de route 1960- 2010, par Lawrence Ferlinghetti, traduit de l’anglais par Nicolas Richard, Seuil, 610 p., 25 euros.
 

[Photo : Sal Veder/AP/SIPA / Sal Veder/AP/SIPA - source : www.nouvelobs.com]

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