De chaumière en longère, « Bob » le facteur a été le confident des habitants de Gonneville-la-Mallet pendant plus de trente ans.
Un postier à Vertolaye
Écrit par Jérôme Garcin
Jusqu’alors, il s’autoéditait, jugeant que les limites bocagères de son canton normand suffisaient à la diffusion de ses livres, « Ma p’tite Mémé » ou « le Brouillon ». Et voici que, à 74 ans, Robert Cottard confie « les Calendriers » (L’Olivier, 17,50 euros) à l’excellent éditeur de Catherine Poulain, Florence Aubenas, Richard Ford et de « la Route » de McCarthy. Il a raison.
Désormais, son pays de Caux va avoir pignon sur monde. Son bourg flaubertien de Gonneville-la-Mallet (où réside une autre romancière de L’Olivier, Agnès Desarthe, qui a joué ici les entremetteuses) va être connu dans toute la France. Et sa prose, acide comme une pomme à couteau, va faire des émules. Robert Cottard est en effet un homme de lettres. La preuve : il en a distribué pendant plus de trente ans dans la commune voisine de Criquetot-l’Esneval, avant de prendre sa retraite, en 2000.
Pour les agriculteurs, les commerçants, les videurs de fosses septiques et le châtelain mi-francisque mi-croix de Lorraine, qui tous guettaient sa 4L et puis sa C15, Robert Cottard, c’était Bob le facteur. Un messager. Un copain. Un confident. Le « Mermoz du pays de Caux » apportait chaque jour le courrier, les paquets, les recommandés pour factures impayées, « l’Union agricole », « le Journal de Criquetot », « l’Agenda du betteravier moderne » et plus, si affinités.
« Vas-tu te teï, mal ému »
Une fois l’an, au début de l’hiver, il proposait ses calendriers. Une tournée homérique, qui est le fil conducteur de ce livre choral et itinérant, dans une campagne où, en ce temps-là, on préférait les chevaux de trait aux tracteurs (« le bon Normand ne laisse le modernisme entrer chez lui qu’après que celui-ci eut fait ses preuves ailleurs »). Bob l’éponge va ainsi de chaumière en longère, d’appentis où pendent les lapins en cours gardées par des truies « au caractère ombrageux », se voit offrir un verre de cidre ou de calva par l’habitant, lequel hésite longtemps entre la photo d’une portée de chats et celle de l’église Sainte-Foy de Conques, discute de la météo et recueille dans son carnet, en bon postier-philologue, quelques perles de patois cauchois, de « Vas-tu te teï, mal ému » à « As-tu besoin de l’embeïter aveuc cha ? ».
Chaque virée réserve ses surprises. Un jour, c’est le fils du boulanger qui dégrafe Mme Fernande dans un bosquet, un autre, c’est un Hollandais égaré qui cherche la maison où vécut une maîtresse de Maupassant. Même quand il est caustique, Bob est bienveillant. On vous conseille de le lire. En recommandé.
Les Calendriers, par Robert Cottard, L’Olivier, 272 p., 17,50 euros.
[Photo : RICLAFE/SIPA / RICLAFE/SIPA - source : www.nouvelobs.com]
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