Depuis 1993, l'AUF accompagne les universités libanaises partenaires face aux défis éducatifs et sociétaux qu'elles affrontent. Rencontre avec Hervé Sabourin, directeur régional de l'AUF au Moyen-Orient.
Quels ont été les projets phares de l'AUF au Liban au cours de l'année qui vient de s'écouler ?
Je citerai le projet Apprentissage à distance et innovation pédagogique (ADIP). Ce projet est important, car il illustre d'une manière éclatante toute la problématique de l'université d'aujourd'hui : comment réformer la pédagogie universitaire pour pouvoir donner un sens à la mission première de l'université, qui est celle de permettre aux étudiants d'intégrer le monde du travail. On ne peut plus espérer remplir cette mission comme on le faisait il y a quinze ans. Le grand mérite de ce projet est d'avoir permis une prise de conscience, une réflexion et une réforme des modes d'enseignement.
Un autre projet est en cours de développement : c'est l'entrepreneuriat étudiant au Liban. Ce projet lancé au début de 2017 vise à sensibiliser et former pratiquement les étudiants libanais au montage d'une entreprise, donc à l'entrepreneuriat. Il n'est pas réservé aux étudiants en management, mais est ouvert à tous. Il réunit douze universités et d'importants partenaires, tels que le Rassemblement des dirigeants et chefs d'entreprise libanais (RDCL), la Banque du Liban, le ministère de l'Éducation et le programme français Pépite.
Le troisième projet répond de manière très forte aux préoccupations sociétales de ce pays et de la région. Il concerne le dialogue interculturel et la médiation. Ce que je trouve intéressant, c'est le partenariat que nous avons engagé l'année passée avec l'Unesco et le Centre professionnel de médiation de l'USJ (CPM) pour former des jeunes étudiants à la médiation, à la non-violence et à la paix. Nous avons réussi également à étendre ce projet à la Jordanie. D'ailleurs, lors de ma visite, des étudiants jordaniens sont venus me remercier presque en pleurant. Dans ce monde de folie et de terreur, il y a encore un cœur qui vit, qui bat...
Je citerai également le concours Femme francophone entrepreneuse. Inclus dans un projet plus vaste qui est celui de l'entrepreneuriat, il se distingue par sa composante liée à la francophonie et aux femmes.
Quelles nouveautés pour l'année à venir ?
Cette année, l'AUF organise son colloque annuel à Beyrouth. Ce qui est un signe tout à fait positif de la place du Liban dans l'AUF. Ce grand événement, prévu les 7 et 8 novembre, est organisé sous le patronage du ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et se tiendra dans les locaux du ministère. Il réunira des représentants de l'AUF de toutes les régions du monde autour du thème « La qualité dans la gouvernance universitaire ». C'est une question importante qui traverse le monde universitaire libanais : comment assurer la qualité de la gouvernance ; comment mieux piloter l'université ; comment élaborer un plan stratégique, etc. L'an dernier, ce colloque a eu lieu à Montréal sous le thème de la francophone économique.
Un autre axe que l'AUF continue de développer cette année est celui de la recherche, qui représente un domaine tout à fait fondamental de l'université d'aujourd'hui et de celle de demain, parce que l'université a effectivement un rôle fondamental à jouer : celui d'opérateur de développement. Elle doit l'assumer par des actions de recherche pour résoudre les grands problèmes actuels de notre monde, tels que la qualité de l'eau, l'environnement, l'énergie, la santé...
2018 sera également l'année où l'AUF va entamer des actions de grande envergure dans des pays comme l'Iran.
Comment soutenez-vous les universités libanaises touchées par la crise des réfugiés ?
L'AUF va aider à mettre en place, dans deux universités au Liban, des cours spécifiques en langue française pour des étudiants réfugiés syriens qui intègrent ces universités et qui souhaitent y faire des études. Il s'agit de l'université Jinan à Tripoli et de l'Université libanaise-branche de Tripoli. Je souhaite que cette aide s'étende à la Békaa ou dans d'autres régions où se pose cette question.
On a aussi réfléchi à travers l'Initiative francophone pour la formation à distance des enseignants de français à l'école primaire (Ifadem), programme que nous avons développé avec le Centre de recherche et de développement pédagogique (CRDP), à une prolongation de ce programme en direction des profs qui accueillent des réfugiés dans leurs classes.
Pour conclure, que dites-vous aux jeunes libanais qui hésitent parfois à aller vers la francophonie ?
Il faut aller vers la francophonie, non pas en ayant pour obsession d'apprendre une langue, mais en sachant qu'on y trouvera des réponses à ces questions en termes de progrès, de modernité, d'employabilité.
D'ailleurs, derrière toutes les actions de l'AUF, se glisse cette dimension francophone. Et je crois qu'à travers tout ce que l'AUF met en place, ce qu'elle fait finalement, c'est donner une image moderne et dynamique de la francophonie d'aujourd'hui. La francophonie, c'est bien sûr une langue, mais c'est bien plus que cela. Et c'est cette image-là qu'il faut mettre en avant. L'identité francophone imposera d'autant plus son aura et sa diffusion dans le monde entier si elle met en avant, beaucoup plus encore qu'elle ne le fait, toutes ses expertises, ses savoir-faire, ses valeurs.
[Source : www.lorientlejour.com]
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