quarta-feira, 26 de outubro de 2016

L'auteure de "Tunisian Yankee", Cécile Oumhani, se livre sur son livre et ses liens avec la Tunisie



"Tunisian Yankee" est un livre racontant l'histoire d'un Tunisien, Daoud, qui, voulant fuir le système colonial imposé à la Tunisie, s'installe aux États-Unis, avant de combattre en Europe aux côtés de l'armée américaine durant la première guerre mondiale.

Par Yassine Bellamine

"Qui est ce soldat blessé sur une route de l'Oise en 1917, débarqué avec les troupes américaines ? Tunisien, épris de liberté, Daoud a quitté son pays pour échapper au poids de l'autorité, celle du père et celle du protectorat français. Et c'est à New York, dans le quartier bouillonnant de Little Syria qu'il pose ses valises, et trouve (enfin) l'amour. Mais la tourmente de l'histoire change le cours de ses rêves. Sa vie est un voyage foisonnant dans un siècle en plein essor, entre inventions merveilleuses et changements sociaux et politiques, de l'esclavage à la guerre des tranchées en passant par Ellis Island". Quatrième de couverture du livre "Tunisian Yankee" de Cécile Oumhani, aux éditions Elyzad, paru le 13 septembre 2016
Afin de mieux appréhender ce livre, le HuffPost Tunisie est allé à la rencontre de son auteure, Cécile Oumhani.
HuffPost Tunisie: Le personnage principal de votre roman "Tunisian Yankee" est un Tunisien quittant son pays pour se rendre aux États-Unis. Pourquoi avoir choisi ce prisme?
Cécile Oumhani: Ce personnage est né alors que je regardais les listes des passagers arrivés à Ellis Island entre la fin du 19ème et le début du 20ème siècle. J'ai vu le nom de quelqu'un qui est arrivé de Tunis en 1912 et j'ai alors pensé à toutes les raisons qui avaient pu faire qu'un homme parte ainsi vers l'Amérique à cette époque-là, notamment après les événements du Djellaz en novembre 1911 et le boycott des tramways de Tunis en février 1912.
J'ai voulu changer aussi les trajectoires habituellement représentées de personnages qui voyagent vers la France. Ainsi mon personnage se retrouvait à voyager sur le même bateau que deux mille autres passagers venus d'Italie et des Balkans, tous partageant la même aspiration au bonheur, à la liberté et à la dignité.
Il arrive à Little Syria à New York, un quartier où se retrouvaient les immigrants venus du Mont Liban, ce qu'on appelait alors la Syrie, au temps de l'empire ottoman. Ces gens sont partis en quête d'une vie meilleure. D'abord colporteurs, ils devenaient assez rapidement commerçants et leur activité était assez prospère. Mais il y avait aussi une vie intellectuelle qu'incarnait la Pen League, une association d'écrivains qui rayonnait autour de Khalil Gibran, Mikhaïl Naïmy. Mon personnage va approcher ces gens désireux de changement et passionnés par les idées.
Y a t-il un message adressé au lecteur à travers ce roman?
La recherche du bonheur ne se fait pas seulement du sud vers le nord. Elle nous concerne tous, où que nous soyons sur cette terre.
L'humanité où se logent nos aspirations, nous l'avons tous en partage, d'où que nous venions, qui que nous soyons. Et c'est à partir de cette humanité que devraient se nouer nos relations les uns avec les autres, au-delà de ces clivages qu'on voudrait dresser entre nous, au-delà de ces notions d'identité cloisonnée qui sont dangereusement meurtrières, pour citer le mot employé par Amin Maalouf.
Cependant pour moi, on n'écrit pas un bon roman en partant de l'idée qu'on va délibérément faire passer un message. On est traversé, en tant qu'écrivain, par mille choses qui nous tiennent à cœur, qui nous émeuvent ou nous révoltent. Et forcément, elles résonnent à travers ce que nous écrivons.
Il serait donc plus exact de dire que j'ai cherché les mots qui me semblaient les plus justes possibles pour mettre en scène Daoud, mon personnage. Ces mots viennent du plus profond de moi-même et naturellement leur résonance est baignée des convictions qui sont les miennes, même si je ne pensais qu'au parcours de Daoud et à rien d'autre écrivant ce livre.
Vous avez un lien particulier avec la Tunisie, Nombreux de vos romans y font référence à l'instar de "Une odeur de henné" ou encore "Les racines du mandarinier" et "Un jardin à la Marsa"?
Mes premiers romans, "Une odeur de henné", "Les racines du mandarinier" ou encore "Un jardin à La Marsa" sont nourris de cette Tunisie qui est devenue une partie de moi-même depuis le début des années 1970. Ils sont nés de fragments observés, imaginés depuis le Cap Bon, la région avec laquelle j'ai des attaches familiales qui remontent à une quarantaine d'années.
"Tunisie carnets d'incertitude" occupe une place particulière parmi mes livres. Écrits au jour le jour à partir de décembre 2010, dans ces pages, qui sont parfois des proses poétiques, parfois des faits bruts, il n'y a rien d'imaginé. Tout correspond à des choses observées, ressenties. Un monde nouveau était en gestation et il m'était alors impossible de m'enfermer dans la fiction.
Très imprégnée par la Tunisie vous avez écrit en 2013 "Tunisie, carnets d'incertitude" revenant sur la révolution tunisienne, justement comment a évolué votre perception par rapport à la situation en Tunisie?
Le quotidien des Tunisiens est loin d'être facile. Il y a toutes sortes de problèmes qui sont encore à résoudre, au-delà de l'euphorie des tout débuts de la révolution. Mais le peuple tunisien continue de forcer mon admiration dans sa quête d'une société meilleure.
Tout mouvement de cette ampleur reste inscrit à l'intérieur d'un temps historique, tellement décalé par rapport au temps individuel et aux espérances de chacun et de chacune. J'ai entendu récemment citer une phrase de Judith Butler qui m'a beaucoup interpellée. Elle dit que tout soulèvement est voué à l'échec mais que la somme des soulèvements, elle, est vouée à réussir.
C'est donc une œuvre qui s'inscrit dans un temps qui nous dépasse mais dont les Tunisiens peuvent à juste titre être fiers.

[Source : www.huffpostmaghreb.com]

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