Je viens d'entendre en
anglais sur la CBC une entrevue avec une journaliste québécoise du journal La
Presse. Avant-hier c'était au tour d'un grand avocat francophone de parler en
anglais de son travail dans une cause célèbre.
Dans ces deux cas, parmi
tant d'autres, les interviewés parlaient un anglais impeccable. Il y avait,
bien entendu, quelques imperfections bien mineures, surtout dans la
prononciation. Mais ce qui m'étonne toujours c'est combien certains
francophones s'expriment si bien en anglais alors qu'il est rare d'entendre des
anglophones parler un bon français dans les médias francophones.
Bon, on dira que tout cela
n'est pas étonnant parce que c'est en quelque sorte le reflet de l'histoire des
rapports de force entre les deux langues. C'est vrai, mais il faut se rappeler
qu'il existe tout un discours anti-anglais au Québec.
On dénonce à tire l'arigot
l'anglicisation de Montréal, l'affichage commercial en anglais, l'utilisation
de l'anglais dans la fonction publique, la présence de cadres unilingues
anglophones dans les institutions francophones, l'apprentissage de
l'anglais chez les immigrants, le projet d'enseigner l'anglais intensif aux
écoliers, etc. Et si une institution universitaire francophone désire donner
des cours en anglais, les pages du journal Le Devoir ne manqueront pas de
s'enflammer avec les accusations de lèse-majesté contre la langue française.
Il est pourtant vrai que
dans certaines couches de la société québécoise francophone l'anglais est non
seulement indispensable mais fort valorisé. On lira dans les pages
brûlantes du Devoir les gens dénoncer les dangers de l'anglicisation et en même
temps se vanter de bien parler l'anglais.
Curieux devant cette espèce
de double discours face à l'anglais, je me suis amusé à essayer de dresser un
portrait de ces Québécois francophones qui doivent parler l'anglais.
Ce n'est pas difficile. Ont
besoin de l'anglais ceux qui ont des contacts avec l'univers anglophone. Que ce
soit le chauffeur de camion au long cours ou le juge de la Cour suprême, la
contrainte est la même : l'anglais est une réalité du travail.
Voyons rapidement les
secteurs d'activités où la connaissance de l'anglais est indispensable :
1. Les gens du droit,
surtout du droit commercial.
Ici, il va sans dire que juges et avocats ont besoin de l'anglais. Les notaires beaucoup moins en raison de la nature de leur pratique.
Ici, il va sans dire que juges et avocats ont besoin de l'anglais. Les notaires beaucoup moins en raison de la nature de leur pratique.
2. Les scientifiques et
universitaires
Encore ici, rien à
ajouter. Il y a bien entendu des secteurs où l'anglais joue un rôle
plutôt mineur : les sciences littéraires et humaines, par exemple, mais dès
qu'on touche des secteurs scientifiques ou techniques, l'anglais est essentiel.
3. La haute finance
Si on peut vivre et
fonctionner tout en français dans les finances à un certain niveau, il va de
soit que dès qu'on monte un peu dans la hiérarchie des grandes institutions
financières, l'anglais va de soi.
4. Les ingénieurs et
techniciens
Ici c'est nuancé parce
qu'il est tout à fait possible de faire carrière tout en français au Québec,
Mais ici encore, dès qu'on touche à la grande entreprise ou au travail à
l'international, l'anglais devient indispensable.
On ajoutera ici le secteur
de l'informatique qui est totalement par l'anglais.
5. Les journalistes
Pour peu qu'un
journaliste soit appelé à utiliser des sources en anglais ou couvrir les
informations de l'extérieur du Québec, l'anglais est indispensable.
6. Le secteur culturel.
Est-ce que les comédiens,
les musiciens, les chanteurs, les écrivains et les techniciens du monde culturel
ont besoin de l'anglais ? Dans bien des cas, on dira non, mais pour beaucoup de
ces gens l'anglais est un atout. La grande majorité de nos acteurs et
combien ne rêvent que de faire carrière dans les deux langues. Et pourquoi pas
?
En ce qui concerne les
chanteurs, c'est réglé. Il existe des chanteurs québécois qui ne chantent qu'en
anglais. Et que dire de tous ceux qui font des albums en anglais.
Quant aux musiciens
professionnels, tant classiques que jazz, la question est réglée depuis longtemps.
7. Les militaires
Malgré le bilinguisme
officiel de nos forces armées, il est évident que dès qu'on veut monter un peu
dans la hiérarchie, c'est en anglais que ça se passe.
7. Les gens d'affaires
Ici les besoins sont
nuancés. C'est une question de marchés. Par contre, il va de soi qu'avec la
mondialisation, l'Internet et les médias sociaux, les entreprises sont
confrontées plus que jamais à des besoins de communication en langue étrangère,
ce qui veut dire avant tout l'anglais.
Quand on regarde tout ce
monde, on constate finalement que pour bien des Québécois, l'anglais est
essentiel. Pas forcément le bilinguisme parfait, mais une certaine connaissance
de l'anglais.
S'il y une observation
majeure que l'on peut dégager, c'est que le besoin de l'anglais augmente avec
l'ascension professionnelle. En fait, c'est comme un phénomène de classe
sociale. Plus on veut monter haut, plus l'anglais est essentiel. Dans le monde
médical par exemple, la connaissance de l'anglais chez les francophones me
paraît fortement liée à la hiérarchie professionnelle. Les spécialistes et les
médecins sont tous bilingues alors que les infirmières et le personnel
subalterne le sont beaucoup moins.
C'est d'ailleurs, à mon
avis, une partie de l'explication de cette hantise de l'anglais. En fait, on
n'est pas contre l'anglais. On est contre l'anglais pour tout le monde. Au
Québec, on ne veut pas que la masse des gens apprenne l'anglais parce qu'on
veut le réserver pour l'élite. C'est d'ailleurs pour cette même raison
qu'on voit d'un mauvais œil l'apprentissage de l'anglais par les immigrants.
Par s1allard
[Source : etatslangue.wordpress.com]
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