segunda-feira, 19 de agosto de 2013

L'anglais à la fac : reprendrez-vous du globiche ?

Mercredi dernier, l’Assemblée nationale adoptait l’article 2 du projet de loi Fioraso étendant la possibilité pour les universités de proposer des cours en langue anglaise. Dans le projet de loi, il était noté que « l’article 2 modifie l’article L. 121-3, en étendant les exceptions au principe qui fait du français la langue de l’enseignement, des examens, des concours et des thèses. Il permet ainsi de dispenser en langues étrangères une partie des enseignements effectués dans le cadre d’accords avec des universités étrangères ou de programmes financés par l’Union européenne. Cette modification doit permettre d’améliorer l’attractivité de l’enseignement supérieur français vis-à-vis des étudiants étrangers. »




Écrit par Caïn Marchenoir

Un extra-terrestre, récemment débarqué dans le hameau hexagonal, s’interrogera à juste titre sur la cohérence actuelle du gouvernement français. En effet, le débat parlementaire sur cette disposition coïncide avec la défense acharnée de l’exception culturelle dans le cadre de l’accord de libre-échange transatlantique. Faut-il y voir les prémices d’une transformation de l’hexagone en sous-préfecture d’un ordre mondialisé et parlant anglais ? Il faut avouer que l’invasion des anglicismes ainsi que les différends affichés de personnalités publiques, des journalistes et des hommes politiques ne contribuent pas exactement au rayonnement de la langue de Voltaire — notamment avec l’orthographe et la grammaire. Tout se passe comme si le gouvernement, faute d’un « plan Marshall pour les banlieues », s’était décidé à soutenir les uns qui confondent Châtelet-Les Halles et Brooklyn ; et les autres qui aimeraient bien que Sarcelles soit le Bronx pour mieux adopter la vie qui va avec, comme dit Sefyu. Peut-être, dans quelques années, la Sorbonne fera-t-elle office de Harvard français ?

Une disposition anti-républicaine ?

Devant les critiques de l’Académie française, d’intellectuels comme Antoine Compagnon ou Michel Serres — pourtant enseignants aux États-Unis — le gouvernement a sorti la grosse caisse. L’antienne bien connue du syndrome du petit village gaulois a été ressortie par Libération. M. Peillon s’est livré à une savante démonstration, renvoyant les opposants de l’article 2 au nationalisme, synonyme de fermeture. Mme Fioraso a persisté dans sa dénonciation de l’« hypocrisie » de ceux qui, ayant bénéficié d’enseignements en anglais dans les grandes écoles, ne voudraient pas voir cette opportunité étendue aux universités.

La ministre de l’Enseignement supérieur a convoqué rien de moins que la notion d’égalité pour justifier cette proposition. Il est surprenant, vue la disproportion de moyens existants entre universités et certaines grandes écoles, que la priorité du ministère en termes de rééquilibrage soit la possibilité de proposer des cours en anglais. Pis, il est assez cocasse de voir une ministre de la République concevoir l’égalisation des conditions entre les universités et les grandes écoles, dans la violation caractérisée de l’esprit de la loi Toubon, dont elle est pourtant censée être garante. Après cinq années de sarkozysme caractérisées par la multiplication des passe-droits au gré des clientèles et des corporatismes, le rétablissement d’une République irréprochable appelait au retour de l’universalité de l’application de la loi. La loi Fioraso propose de faire de la violation d’une loi rien de moins que la règle commune. Dans l’esprit de ses défenseurs, on voudrait relativiser l’importance de cet article considéré mineur. « Cela n’affaiblit pas la francophonie », estimait ainsi Mme Benguigui. Mais d’accommodements en accommodements, il est assez facile de constater ce sur quoi tout cela débouche.

À la fac comme au McDo…

Si l’on suit le raisonnement, la meilleure manière de former des francophones, à terme, est de commencer à leur apprendre à parler anglais… Ainsi, tous ceux qui se seront cassé le crâne sur le Bescherelle, l’imparfait du subjonctif et autres préciosités bien gauloises, auraient dû commencer par les grammaires Longman et autres Macmillan. Suivant cette logique, il est étrange que les universités américaines, si attractives, n’aient pas remplacé le stage de mise à niveau de l’anglais, obligatoire pour tous les non-anglophones, par un apprentissage de la langue de Molière.

Dans la pratique, un cours en anglais impliquera une socialisation entre étudiants dans la même langue. Il n’est d’ailleurs pas rare de constater que des étudiants en échange universitaire en France dans des cursus anglophones n’améliorent que peu leur français. Ceci pour la bonne raison que les données essentielles de l’échange universitaire se retrouvent faussées. De fait, l’étudiant n’aura fait que suivre les même cours dispensés dans des universités anglo-saxonnes dans un décor parisien. Ajoutez à cela une visite au Louvre, une excursion dans un bar à vins de Saint-Germain-des-Prés, voilà pour la couleur locale. La plus-value pour le système universitaire hexagonal n’est guère évidente si on exclut les retombées financières pour les universités concernées.

Pour les étudiants anglophones et autres, cette expérience aura des conséquences désastreuses. Loin de les ouvrir à une altérité francophone loin des clichés à la Amélie Poulain, cette disposition risque d’augmenter leur provincialisme en laissant penser que le monde est un vaste village où tout le monde parle anglais.

Par ailleurs, cette introduction de l’anglais dans les amphithéâtres procède d’une curieuse vision de l’égalité pourtant invoquée par Mme Fioraso. D’un côté, le petit immigré non qualifié se verra tancé à la préfecture pour sa faible maîtrise du français et des fondements de la culture de son pays d’accueil. À l’opposé, l’immigré qualifié sera, quant à lui, exempté de tels efforts et se verra proposer des enseignements dans la langue de son choix et en option dans la langue d’accueil. Belle illustration de la marchandisation de l’enseignement supérieur, adapté selon les moyens et les desiderata du client. Où l’on reproche à l’éducation à la française son excès de verticalité, les facilités induites par l’article 2 de la loi Fioraso explosent les canons d’horizontalité. Cet ajustement aux besoins supposés des clients étudiants a tout du procédé commercial.

Comme dans un McDonald’s, où on a le choix entre un Frappé à la vanille ou à la fraise, un choix pourra être fait entre un cours de comptabilité en anglais ou en en français, de droit éventuellement en allemand, etc.
Smoothy, Big Mac, McDonalds, Cheese,
on en passe et des meilleures : la nouvelle
fiche de TD des étudiants.


Certains argueront, bien sûr, que cette possibilité sera limitée. Un amendement adopté à l’Assemblée nationale précise que l’enseignement en langue étrangère devra être justifié par l’existence de « nécessités pédagogiques » sans précision aucune. Lesquelles nécessités pédagogiques seront définies intuitu personae par les chefs d’établissement. Or, l’exemple de Sciences Po version Richie Descoings avec des offres de formation totalement en anglais et à des prix exorbitants nous montre déjà quelles seront lesdites « nécessités pédagogiques ». La multiplication des exceptions étant la meilleure manière de vider une loi de sa substance, on ne manquera pas de constater la multiplication desdites « nécessités pédagogiques ». Il suffit de constater que les exceptions accordées aux grandes écoles débouchent sur leur multiplication au nom… de l’égalité.

L’anglais étant déjà la langue officielle de plusieurs disciplines, cette disposition accélérera au départ le bilinguisme au sein de l’université, puis le ravalement progressif de la langue officielle au rang de spécificité vernaculaire. Sans oublier que les besoins des entreprises étant de plus en plus orientés vers l’extérieur, une majorité d’étudiants désireux d’améliorer leur insertion privilégieront lesdits cursus.

Le complexe de Polybe des élites françaises

La disposition de la loi Fioraso n’est que le dernier avatar d’un dénigrement de la langue française par… certains Français. Cela se voit dans la primauté croissante de l’anglais dans les différentes enceintes internationales, alors que le français est censé être la langue diplomatique depuis le traité de Rastatt de 1714. Lorsque la primauté du politique est battue en brèche par l’économie, il peut paraître logique que la langue de la diplomatie soit supplantée par la langue du commerce. Pourtant, ce recul doit beaucoup à l’apathie consistant à penser le français, avec sa grammaire exigeante et son vocabulaire plein de pièges, soit moins cool que l’anglais.

Un véritable complexe de Polybe semble atteindre certaines élites françaises qui font de l’autodénigrement une condition sine qua non de leur intégration dans la mondialisation libérale et anglo-saxonne. On ne s’étonnera pas, dès lors, de voir que les modèles et la langue anglo-saxonne triomphent tant dans les négociations internationales – sur les normes comptables et académiques – qu’au sein de l’Union européenne, bien qu’aucun pays fondateur n’ait été anglophone.

Politiquement, la promotion de la langue s’est vue supplantée par la défense de l’exception culturelle. Laquelle consiste surtout en la défense d’une réelle exception qu’est le milieu du cinéma, reproduisant les pires travers de la société française : corporatisme, népotisme, dépendance aux fonds publics et surtout qualité artistique relative. De fait, on passe de la promotion d’un bien commun (et non de sa défense) à celle d’intérêts corporatistes, abusivement ramenés à l’intérêt général. Surtout, la disposition de la loi Fioraso cadre mal avec la promotion de la langue de Molière dans le cadre de la francophonie. Il importe de se demander comment la France souhaite promouvoir sa langue dans d’autres pays alors qu’elle admet sa défaite à domicile. « Vaste programme », comme dirait l’autre. 


[Source : www.ragemag.fr]


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