quinta-feira, 10 de agosto de 2017

La langue, les arts… et le foot : les piliers de l'identité catalane

Nous poursuivons notre enquête sur la Catalogne qui pourrait organiser le 1er octobre un référendum portant sur son indépendance. Après les volets politiques (lire La Dépêche des 8 et 9 août 2017), nous évoquons ici l'identité et la culture catalane.
Le musée Dalí de Figueres. Le peintre né, mort et enterré dans cette ville.

Réprimée pendant les quarante ans de dictature franquiste, la langue catalane n'a jamais cessé d'être parlée… depuis le IXe siècle et écrite depuis le XIIe. Dix millions de personnes la pratiquent non seulement en Catalogne, mais encore dans la région de Valence (où on le nomme «valencien»), aux Îles Baléares, dans une petite partie de l'Aragon, en Andorre, dans la majeure partie des Pyrénées-Orientales et jusqu'à Alghero en Sardaigne !
La langue, élément unificateur
Mais il a fallu le retour de la démocratie en Espagne pour pouvoir parler librement catalan à Barcelone. À l'école, dans les journaux, à la radio et dans l'ensemble de l'espace public, seul le castillan (l'espagnol) avait droit de cité entre 1939 et 1975. Toutefois, durant les années noires de la dictature franquiste, dans la rue ou dans les tribunes du Camp Nou, le stade du Football Club de Barcelone, les Catalans ont toujours continué à parler leur langue. «C'est difficile d'anéantir une langue maternelle», explique l'écrivain et éditeur franco-catalan Llibert Tarrago. «La dictature a persécuté le catalan, mais elle ne pouvait finalement pas faire grand-chose contre la force d'une langue millénaire», ajoute ce fin connaisseur de la Catalogne, né à Brive où ses parents républicains avaient trouvé refuge.
Le catalan est aujourd'hui compris par la quasi-totalité de la population. Les trois quarts savent le parler. Cependant, au quotidien – selon le dernier sondage réalisé par le gouvernement catalan en 2014 –, ceux qui utilisent le catalan (36 %) sont moins nombreux que ceux qui s'expriment en castillan (50 %).
L'usage des langues est d'ailleurs lié à la géographie de la Catalogne : dans les banlieues de Barcelone, l'espagnol est largement majoritaire, tandis qu'il est quasi inexistant dans les Pyrénées et dans la province de Gérone. À Barcelone, les deux langues coexistent.
«La langue est un élément unificateur du territoire. Le catalan est transversal et appartient à toutes les classes sociales», souligne Llibert Tarrago. Sujet récurrent de conflit entre Madrid et Barcelone, le catalan est victime selon lui de son instrumentalisation politique. «Contrairement à ce que l'on dit parfois à Madrid ou en France, il n'y a pas de conflit linguistique en Catalogne. Le problème vient de la droite espagnole qui ne supporte pas qu'on parle d'autres langues que le castillan en Espagne».
Régulièrement, la droite au pouvoir s'en prend au système éducatif d'immersion linguistique en catalan. «Le Parti Populaire a toujours eu besoin de l'anti-catalanisme pour obtenir des voix et, malheureusement, les Catalans tombent parfois dans le panneau et se victimisent», regrette Tarrago.
Connu pour ses tribunes hostiles aux séparatistes, l'historien Joaquim Coll ne conteste pas le succès de la récupération du catalan à la fin de la dictature, mais il dénonce aujourd'hui ce qu'il appelle «la dérive mono-linguiste» de la Catalogne. «Avec l'excuse de la défense du catalan, les nationalistes tentent d'éliminer de l'espace public le castillan», dénonce l'universitaire. «Faux ! Il n'y a aucune persécution de l'espagnol, lui répond Llibert Tarrago. Les gens sont bien élevés et passent d'une langue à l'autre en fonction de l'interlocuteur».
Un goût pour la modernité
Si la langue est un élément essentiel de l'identité d'un territoire qui a accueilli de nombreuses vagues d'immigrés, en provenance du sud de l'Espagne ou de l'étranger, les artistes et les talents locaux font beaucoup pour l'ADN d'une région résolument avant-gardiste.
«La Catalogne a toujours eu un goût pour la modernité», soutient Lluís Permanyer, écrivain et plume historique du grand journal La Vanguardia. «Toutes les innovations sont arrivées en Espagne par la Catalogne : la première ligne de train, la première photo, le premier téléphone». Pour ce vieil homme cultivé de la bourgeoisie barcelonaise, la Catalogne se distingue par son esprit d'ouverture et son audace. «L'identité catalane est un mélange de''seny'' (de bon sens) et de''rauxa''(de témérité). L'architecte Gaudí, les peintres Miró, Dalí ou Tàpies étaient des anticonformistes. Ils représentaient cette''rauxa''».
L'art culinaire aussi…
Aujourd'hui, la Catalogne brille dans le monde entier grâce à ses grands chefs cuisiniers stars : Ferran Adrià, le pape de la cuisine moléculaire dans son restaurant «El Bulli» à Roses, aujourd'hui fermé, ou encore les frères Roca dont le restaurant «El Celler de Can Roca» a été nommé meilleur restaurant au monde en 2013 et 2015.
Ses architectes ne sont pas en reste : le cabinet «RCR arquitectes», situé à Olot et auteur du musée Soulage de Rodez a remporté cette année le prix Pritzker, la plus haute récompense internationale en architecture. Joan Busquets, lui, a été choisi pour réaménager l'hypercentre de Toulouse – qui, sur les allées Jean-Jaurès, sera bientôt doté de… ramblas.
Enfin, cet été, le cinéma catalan réalise une percée en Europe avec le très beau film de la jeune Barcelonaise Carla Simon «Eté 93», en salle en France depuis la mi-juillet. Récompensée par le prix du meilleur premier film à la Berlinale cette année, cette œuvre sensible, qui évoque la nouvelle vie d'une fillette ayant perdu sa mère a été unanimement saluée par la critique parisienne.
Ancrés dans leur territoire et capable de parler au monde entier, tous ces acteurs du monde de l'art et de la culture s'inscrivent dans la lignée du plus célèbre des créateurs catalans, Salvador Dalí qui résumait ainsi ses ambitions «Nous voulons être ultra-local afin de devenir universels».
«Més que un club !»
Le Football-Club de Barcelone, fondé en 1899, est une véritable institution en Catalogne. Le Barça est l'un des clubs les plus titrés de l'histoire : 24 championnats d'Espagne, 28 Coupes du Roi, 5 Ligues des champions, 4 Coupes des vainqueurs de coupe, 3 Coupes des villes de foire et 3 Coupes du monde des clubs.
L'histoire du Barça en a fait un des porte-drapeaux du catalanisme (durant la guerre civile, les franquistes ont exécuté son président Josep Sunyol). Sa devise « més que un club » est une référence culturelle. Son hymne (« Tot el camp »), composé en 1974 par Manuel Valls le grand cousin de l'ancien Premier ministre français, est repris en chœur à chaque match par les 99 000 spectateurs du Camp Nou (photo ci-contre). Mais la notoriété du club est mondiale (il est le plus médiatisé au monde, celui qui a le plus de fans). À côté du stade, son musée, qui retrace l'histoire du club, est visité par plus d'un million de personnes chaque année. C'est, avec le musée Picasso, le plus fréquenté de Barcelone.

Une galerie d'artistes

Antoni Gaudí
Architecte (1852 à Reus - 1926 à Barcelone)
Principal représentant du «modernisme catalan», il a marqué l'architecture du XXe siècle. Certaines de ses œuvres sont classées au patrimoine mondial de l'Unesco. Sa célèbre Sagrada familia est l'un des lieux les plus visités de Barcelone.
Joan Miró
Peintre (1893 à Majorque - 1983 à Barcelone)
Mais aussi sculpteur et céramiste, il se définissait comme «Catalan international». Il fut l'un des principaux représentants du mouvement surréaliste. Ses œuvres sont présentes dans les plus grands musées du monde. Une fondation porte son nom.

Antoni Tapies

Peintre (1923 à Barcelone - 2012 à Barcelone)
Ses œuvres abstraites ont une renommée internationale. Intègre des matériaux à ses peintures et sculptures comme des végétaux ou de la terre. Une fondation dédiée à l'art moderne porte son nom. Elevé au titre de marquis par le Roi.

Pau Casals

Musicien (1876 à El Verdell - 1973 à Porto Rico)
Violoncelliste, chef d'orchestre et compositeur. Il créé à Barcelone un orchestre qui porte son nom. Reconnu dans le monde entier, joué par les plus grands orchestres. En 1936, il épouse la cause républicaine et quitte l'Espagne de Franco.

Manuel Vázquez Montalbán

Écrivain (1939 à Barcelone - 2003 à Bangkok)
Connu pour ses romans policiers dont le héros est Pepe Carvalho. En 1995, il reçoit le Prix national des Lettres espagnoles. Parmi ses œuvres : «Meurtre au Comité central» ou encore «Moi, Franco».

Montserrat Caballé

Cantatrice, soprano (1933 à Barcelone)
La pureté de sa voix en fait l'une des cantatrices les plus réputées au monde (Norma, La Tosca), surnommée «La Superbe». Elle a créé une fondation pour les enfants pauvres de Barcelone.

Salvador Dalí

Peintre (1904 à Figueres-1989 à Figueres)
Peintre, sculpteur, scénariste et écrivain, il est considéré comme l'un des principaux représentants du surréalisme. C'est l'un des plus célèbres peintres du xxe siècle, connu aussi pour ses excentricités... et sa moustache.



[Source : www.ladepeche.fr]

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