Inauguré par le président de la République, François Hollande, le
Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), œuvre
de l’architecte Rudy Ricciotti, s’impose avec ses 15000 mètres carrés
dans le paysage marseillais. Situé à l’entrée du port, le premier grand
musée national consacré aux civilisations européennes du XXIe siècle est
un site pluridisciplinaire où se croisent anthropologie, histoire,
archéologie, histoire de l’art et art contemporain tout en prenant en
considération les enjeux actuels du monde.
Il formule ainsi l’espoir de poursuivre un dialogue entre les États
autour de la Méditerranée. Constitué de deux plateaux, le musée
accueille sur le premier l’exposition permanente « La galerie de la
Méditerranée ».
Deux expositions temporaires occupent le second jusqu’au 6 janvier
2014. « Le noir et le bleu. Un rêve méditerranéen » offre une traversée
des imaginaires et des représentations de la Méditerranée ; « Au Bazar
du genre, Féminin – Masculin en Méditerranée » met en avant un état des
lieux sur la question du « genre » dans le contexte de bouleversements
de l’ordre des sexes. Le site comprend aussi un espace pour enfants, un
auditorium, une librairie, et un restaurant doté d’une terrasse avec vue
panoramique.
À ses côtés, relié par une passerelle, le Fort Saint-Jean, monument
historique du XIIe siècle, a rouvert et complète le MucEM par un choix
lumineux d’expositions d’arts et traditions populaires. Avec un coup de
cœur particulier pour « Le temps des loisirs » situé dans la Chapelle
sur le passage des fêtes rituelles, et notamment celles du judaïsme
allant de la circoncision au mariage.
À partir de 19 heures jusqu’au 31 août 2013, de nombreuses
manifestations gratuites se déroulent en plein air, avec une
programmation variée de cinéma, apéro-concerts ou lectures et débats, comme par exemple « Pourquoi Camus ? ». Comme pour Marseille-Provence
2013 où de nombreux artistes israéliens sont invités toute l’année, de
nombreuses œuvres israéliennes ou liées au judaïsme jalonnent les
expositions précitées.
« L’exposition est ma façon d’interpréter mon héritage »
Zeev Gourarier, directeur scientifique des collections du
MuCEM, présente l’exposition permanente, « La galerie de la
Méditerranée » dont il est le commissaire.
Quel est le parcours de l’exposition ?
On commence par une section sur l’agriculture du blé, on poursuit par
les monothéismes, puis par la citoyenneté. Cette partie évoque le
banquet grec montré sur des céramiques. Face à lui, neuf femmes lui
répondent, une Syrienne, une Italienne, une Espagnole, une Marocaine, et
aussi parmi elles, une Israélienne chimiste. Cette dernière exprime ce
que sont sa citoyenneté et son travail avec des savants arabes, y
compris palestiniens. On termine par « Au-delà du monde connu », centrée
sur la mer et les océans.
La section dédiée aux monothéismes part de Jérusalem. Pourquoi ce parti pris ?
La Méditerranée s’est conçue comme un bassin de civilisations
existant depuis 10000 ans. Je me suis posé la question: est-il possible
de parler de la Méditerranée du point de vue de ce qu’elle a de commun
avec les autres bassins de civilisations ? Oui. Il y a eu des cités, des
royaumes, des empires, des rituels d’inhumation, des écritures, des
guerres, tout cela existe chez les Chinois ou dans la Mésoamérique par
exemple. Mais, qu’est-ce qui fait la différence ? On trouve quatre
singularités, d’où les sections de l’exposition, dont les monothéismes.
Comme il était impossible d’aborder l’ensemble des monothéismes sur
400m2, et que les trois religions ont une centralité sur Jérusalem,
voilà pourquoi une si grande place leur est consacrée.
Un formidable film d’animation clôt la partie sur « Jérusalem, une ville trois fois sainte ». Comment a-t-il été conçu ?
C’est la conclusion même de ce que l’on dit sur Jérusalem. Ce n’est
pas seulement les trois monothéismes, c’est aussi le passé, le présent,
et le futur. Le passé se réfère à David et Moïse, Jésus, Mohammed. C’est
au présent, un lieu de pèlerinage et de prière pour les trois
religions. Pour terminer, elle représente la fin des temps : pour les
Juifs, l’arrivée du messie à Sion, pour les Chrétiens, le dessein de la
Jérusalem céleste sur la Jérusalem terrestre, pour les Musulmans, le
Jugement dernier. Du coup, la question est : que devient le paradis en
attendant cette fin des temps ? Cette vision vient conclure en essayant
d’exposer les différents paradis.
Dès la première partie, « Invention des agricultures, naissance des dieux », une œuvre israélienne inaugure l’exposition.
Sigalit Landau répond avec une création contemporaine à la question
de la distribution des eaux. On a aussi dans la partie citoyenneté, une
évocation du Mur de Berlin et du Mur israélo-palestinien, non pas parce
que je veux condamner Israël, mais simplement parce que c’est un mur.
Nous sommes collectivement responsables de mettre des murs entre nous
par rapport aux droits de l’homme.
Vos origines vous ont-elles influencé dans vos choix ?
Bien sûr. Le devoir de tout intellectuel est d’essayer d’éviter
qu’une autre Shoah puisse recommencer et de réfléchir sur ses causes.
C’est pour cela qu’en prolongement de la mission des droits de l’homme,
il paraît important d’organiser cette « Galerie de la Méditerranée ».
Avec une dimension humaniste exprimant ma façon d’interpréter l’héritage
qui m’a été donné. Ma mère était sur l’Exodus et mon père rescapé
d’Auschwitz, ils se sont connus à Névé-Ilan. Je suis né à Jérusalem.
Quand j’ai quitté Israël, j’avais deux ans. Au-delà de mes liens
affectifs et familiaux avec ce pays, j’ai moins de temps en ce moment,
mais j’appartenais à la Fondation pour la mémoire de la Shoah, et j’ai
réalisé une expertise sur le Beith Ha Tsoufsot.
Publié dans le n° 1258 d’Actualité Juive
[Source : www.crif.org]
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