domingo, 23 de junho de 2013

"Les moteurs de recherche doivent cesser de diriger sur des sites pirates"

Livres numériques, Google, droits d'auteurs et Cie


ActuaLitté a pu s'entretenir avec le président de l'Authors Guild, Scott Turow. Avocat de formation et écrivain à succès, Scott Turow est le président de la guilde des auteurs américains depuis 2010. Il avait déjà occupé le poste de 1997 à 1998. La Guilde a pas mal occupé l'actualité ces dernières années, notamment en raison des procédures judiciaires qui l'ont opposé à Google. 


Sur son site internet, la guilde se veut « the authoritative voice of American Writers » (la voix des écrivains américains qui fait autorité), selon l'expression de M. Turow. Nous l'avons interrogé sur le rôle de la guilde ainsi que sur son avis concernant les différents dossiers liés au livre numérique.  

Les moteurs de recherche doivent cesser
de diriger les gens vers des sites pirates

Pour réduire le téléchargement illégal, qui représente un manque à gagner pour les auteurs, en particulier ceux dont les livres ne sont pas des best-sellers, les moteurs de recherche doivent revoir leur position, nous a expliqué M. Turow. Cela pourra se passer de deux manières différentes. Soit les moteurs de recherche le font de leur plein gré, soit ils se plient à d'éventuelles lois en ce sens. 

« Les moteurs de recherche doivent cesser de diriger les gens vers des sites pirates. » En d'autres termes, bloquer l'accès aux sites qui permettent de télécharger un livre illégalement. M. Turow a tenu à rappeler que les moteurs de recherche, tels que Google, ont parfaitement les moyens de filtrer les sites en question. 

L'autre solution serait donc une solution législative. Encore faudrait-il qu'une telle loi puisse voir le jour. Seulement, M. Turow explique que « le pouvoir des moteurs de recherche en termes de lobbying est énorme », ce qui risque de retarder l'adoption d'une telle loi. Mais, « tôt ou tard », elle devrait voir le jour. 

Pour l'heure, le piratage demeure une réalité. En revanche, les éditeurs pourraient mettre en place davantage de moyens pour lutter contre. Par exemple, selon M. Turow, on pourrait fort bien imaginer un système « d'encodage intégré au texte », qui permettrait à l'éditeur de réagir. Reste la question du coût d'un tel système. De même que pour la législation, les éditeurs devront « tôt ou tard » envisager des « mesures punitives ».  

la « menace du téléchargement illégal » plane sur tous les 
pays, « c'est un monde difficile pour la littérature. »
  
Toujours est-il que l'Authors Guild « est très active sur la question du téléchargement illégal ». Du reste, la « menace du téléchargement illégal » plane sur tous les pays, « c'est un monde difficile pour la littérature. » La pire situation qui soit est, selon M. Turow, en Russie. Lors d'un récent voyage, il a pu rencontrer des auteurs russes qui lui ont expliqué la situation était « désespérée ». Dans ce pays, « il est très difficile de trouver un éditeur physique », et pour cause, ils sont rares. Du coup, « tous les livres publiés sont immédiatement piratés. » Et peu de lois sont là pour protéger les auteurs. 

La situation russe annonce-t-elle le futur de l'édition mondiale ? Scott Turow estime que l'UE se montre « apparemment très sérieuse vis-à-vis de la question du copyright. » En tout cas, plus qu'aux États-Unis. 
  
Pour les auteurs qui souhaitent se défendre contre le piratage, M. Turow ne peut que les encourager à rejoindre l'Authors Guild ou l'association qui représente les auteurs dans leur pays d'origine. Pourquoi ? On l'a bien vu avec les différents procès, cela permet de faire parler de la question du piratage et du non-respect des droits numériques. « L'opinion publique peut faire la différence », nous explique-t-il. 

Le point central de l'argumentation de Scott Turow réside logiquement dans le fait que les auteurs doivent pouvoir gagner leur vie dans de bonnes conditions. Si le marché ne rémunère pas les auteurs convenablement, ils pourraient rentrer dans des relations de dépendance avec ceux qui voudraient bien les financer. « Or comment peut-il y avoir une classe d'auteurs indépendants, s'ils ne peuvent pas gagner leur vie ?» Pire, « sans rémunération pour les auteurs, vous perdez un garant de la vie démocratique. » 

« Google n'a pas la légitimité de se faire
encore plus d'argent grâce à mes oeuvres sous copyright. »
  
La rémunération est justement l'un des principaux enjeux du prêt de livres numériques en bibliothèque. Scott Turow se montre prudent vis-à-vis des différents systèmes qui commencent à se mettre en place entre les éditeurs et les bibliothèques. Les « Big Six », c'est-à-dire les principaux éditeurs outre-Atlantique, sont parvenus à des accords avec les bibliothèques, qu'il s'agisse de vente ou de licence. 

Selon lui, cela devrait entrainer « une baisse de la rémunération des auteurs », avant d'ajouter qu'« il faudra voir ce que cela donne. »

Pour ce qui est des livres numériques d'occasion, il se montrer beaucoup moins hésitant. « Je suis bien moins à l'aise avec cette idée parce que cela va permettre à Apple et Amazon de revendre des livres. » Or, quand ils vendent un livre neuf, une partie revient à l'éditeur et donc à l'auteur. Dans le cas du livre d'occasion, « tous les profits de la vente iront dans la poche d'Amazon et d'Apple, ce qui n'est pas une bonne chose. » Le problème : il n'y aucune différence concrète entre un ebook d'occasion et un ebook neuf. Il doute d'ailleurs que la loi valide une telle situation. 

« On ne peut pas autoriser ces grandes corporations à faire encore plus d'argent contre les auteurs et les éditeurs. » Sa position est claire : « Google n'a pas la légitimité de se faire encore plus d'argent grâce à mes oeuvres sous copyright. » En guise de comparaison, il propose la chose suivante : « Ces entreprises n'aimeraient gère que l'on vole leurs algorithmes pour les distribuer gratuitement sur internet ! ». 

Écrit par Xavier S. Thomann   

[Source : www.actualitte.com]

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