Par Erwan Cario
INTERVIEW - Brian Cute, président de Public Interest Registry, association qui gère l’extension .org, explique pourquoi il entend lancer les domaines .ong et .ngo :
Le sommet Icann 50, qui se déroulait à Londres la semaine dernière, et réunissait tous les intervenants au sein de l’institution qui gère l’attribution des noms de domaine sur Internet, s’est un peu conclu en eau de boudin. La France, par la voix de la secrétaire d’Etat au Numérique, Axelle Lemaire, a contesté la légitimité de l’Icann. En cause, la gestion des nouvelles extensions .vin et .wine. Mais ce sommet était aussi l’occasion de faire le point sur la foultitude de nouvelles extensions qui sont en train de débarquer dans les barres d’adresse : .bzh, .gay, .tennis, .luxe, .immo…
Décidée en 2011, l’ouverture des extensions - pour frimer en soirée, vous pouvez parler de «gtld» - commence à porter ses fruits. Parmi ces nouveaux domaines, il en est un spécial, géré par un acteur historique, Public Interest Registry (PIR). Cette association sans but lucratif gère depuis 2002 l’extension .org, une des trois fondatrices d’Internet (avec .com et .net). Son président, Brian Cute, explique pourquoi il veut lancer les domaines .ong et .ngo à destination des organisations non gouvernementales.
A quoi va servir le .ong ?
Notre mission, à PIR, c’est de servir la communauté non commerciale sur Internet. Avec l’arrivée des nouvelles adresses, on a considéré que la création de .ong et .ngo pouvait amener une identification très forte. Pendant dix-huit mois, nous avons discuté avec la communauté des ONG, surtout celles de l’hémisphère Sud. La première de leurs inquiétudes, c’est la réputation. Dans le viseur, il y a tous ces fraudeurs opportunistes qui se servent de l’émotion suscitée par une catastrophe pour récolter des dons et disparaître. Pour les donateurs potentiels, il y a souvent un problème de confiance. Plus globalement, il y a une difficulté à être visible. Beaucoup de très petites ONG ont des sites web, mais ils sont basiques et pas forcément optimisés.
Qui pourra prétendre à un nom en .ong ?
Nous avons décidé de créer une adresse validée. Pour avoir un .ong ou un .ngo, il faut que nous puissions vérifier le statut des candidats. Nous avons donc créé une définition, car il n’y a aucun cadre officiel actuellement. Elle est assez large, car nous ne voulons pas exclure a priori une organisation légitime. Nous avons établi trois critères simples : l’organisation candidate doit être sans but lucratif, non gouvernementale et non criminelle. Nous nous basons aussi sur toute une série de documents possibles : ce peut être une liste, un certificat, une lettre de référence d’une autre ONG reconnue, etc. Nous avons aussi une procédure de contestation a posteriori.
Une fois qu’une ONG est acceptée, elle rentre dans notre répertoire sur notre portail de référence. Elle devient donc accessible par notre moteur de recherche et elle possède sa page de profil. Les ONG peuvent y présenter leur mission de manière simple et, surtout, elles ont accès à un module de dons intégré sur lequel nous ne touchons aucune commission. Il faut savoir que les dons en ligne bénéficient d’une très forte croissance. Nous espérons que, de cette manière, les petites ONG puissent bénéficier de cette source de revenu.
En créant un processus de validation des ONG, vous jouez le rôle d’intermédiaire de confiance. C’est une énorme responsabilité que d’établir face au monde la légitimité d’une organisation, non ?
C’est un des sujets dont nous avons le plus discuté. Notre système n’est pas parfait. Il y a, nous le savons, une contradiction. En effet, nous nous présentons, en tant que PIR, comme une plateforme neutre. Nous ne voulons pas devenir une autorité de désignation de qui est une ONG et qui ne l’est pas. Ce n’est pas notre rôle. En travaillant avec la communauté, nous essayons de créer un système qui n’est pas parfait, mais dynamique. C’est la communauté qui doit générer le niveau de confiance, pas nous.
Est-ce que, pour vous, WikiLeaks peut prétendre à un .ong ? Dans certains pays, l’organisation est considérée comme criminelle…
A ma connaissance, WikiLeaks n’a pas été reconnu coupable par un tribunal. Il y aura un processus juridique, avec l’intervention si nécessaire d’un conseil des sages, mais vous avez raison, nous allons devoir faire face à un grand nombre de dossiers de ce genre, avec les ONG chinoises, par exemple. C’est bien pour cela que nous ne pouvons être ceux qui disent oui ou non, il faut que ça vienne de ceux qui ont l’expertise : les services juridiques, la communauté, etc. Pour WikiLeaks, s’ils remplissent le formulaire de demande et qu’ils fournissent des références, il n’y a pas de raison de leur refuser l’extension.
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