Toujours plus d'ordinateurs offerts aux lycéens mais sans manuels numériques pour la rentrée prochaine.
« Trop cher », « trop lourd ». L'appel d'offres pour l'équipement des lycéens de la région Languedoc-Roussilon s'est révélé « infructueux », selon son président, Christian Bourquin. En fin de semaine dernière
à Montpellier le président de région exprimait sa déception sur l'échec
relatif à la mise en place d'un programme de manuels scolaires
numériques à destination des lycéens. Plus de 85.000 élèves du
Languedoc-Roussillon étaient visés par une action en lien étroit avec
d'importantes mesures numériques.
![]() |
Classe du lycée Clemenceau équipée de LoRdi. A gauche, Christian Bourquin, Président de région. |
En 2011, le Conseil régional lance une vaste campagne de remise d'ordinateurs portables, LoRdi,
aux classes de seconde à chaque rentrée scolaire. Cette année encore,
une enveloppe de 16,8 millions d'euros a été allouée, permettant
d'équiper une nouvelle tranche d'âge d'écoliers. Le même montant sera
disponible chaque année, durant trois ans, soit trois rentrées,
permettant de toucher 30.000 lycéens languedociens par année sur 140
établissements. Mais avec la fin de l'appel d'offres, la rentrée
2013-2014, ne permettra pas de coupler support informatique et fichiers
numériques.
Une deuxième phase d'action numérique, qui s'est voulue dans la
droite ligne des ordinateurs proposés par la société gardoise Rdi, des
ordinateurs Dell et le développement d'un Environnement numérique de travail (ENT) conçu par Bull : une plateforme à authentification d'élève unique, qui permet l'utilisation sur différents postes en gardant une traçabilité de l'usager pour l'enseignant.
À l'origine de cette opération cartable numérique, avait été retenues
deux premières matières l'anglais et les mathématiques. Pour des
raisons évidentes de sensibilité du secteur économique et des
professeurs aux technologies en présence. « Il y a une inégalité des matières à l'aune du numérique suivant les acteurs et la motivation »,
explique Mathieu Ruffenach, conseiller technologies de l'information et
de la communication pour l'enseignement à l'académie de Montpellier
(CTICE).
Chemin parcouru et excellence locale
Des politiques d'encouragement et de praticabilité différente ont axé
le choix sur ces deux matières grâce aux efforts importants, consentis
par le secteur des langues et la technicité des maths. La voix amère, M.
Ruffenach confie que rectorat et région, « nous nous sommes peut-être un peu trop avancés », mais ne désarme pas sur « le chemin parcouru » et « l'environnement favorable »
que représente la Région. Il s'agit aussi du deuxième bassin
d'activités numériques après l'Île-de-France, en raison notamment de
l'emplacement du siège d'Ubisoft. Mais également d'éditeurs numériques :
Keepcore, Aquafadas, Morphée Interactive et Alter Comics. Le fondateur
de ce dernier, éditeur spécialisé, s'est d'ailleurs lancé dans la
conception d'EBKLR, logiciel de création ouverte d'ebooks.
Mais l'appel d'offres n'a pas permis d'utiliser ce capital. Agnès Demé, responsable secteur livre à la Région rappelle : « Le marché public ne favorise pas le tissu local ».
Le Conseiller TICE au rectorat, tempère entre légitimité morale de
faire appel aux éditeurs traditionnels et une certaine connaissance du
marché. Au grand dam du projet.
Sur les 220 manuels susceptibles d'être employés par les enseignants, seuls dix étaient disponibles au format numérique. « Un manque réel d'exhaustivité du catalogue »
pour Michel Massol, chef de service accompagnement éducatif à la
direction de l'éducation du CR. Pilote du programme, l'homme n'adhère
pas au terme d'« infructueux », employé par le président de Région et préfère voir l'appel d'offres classé « sans suite, plutôt ». Il précise : « Il y a eu des retours . L'appel a retenu trois propositions ».
Néanmoins, la sélection se heurte aux réalités techniques, et ce,
malgré un cahier des charges peu restrictif. Premier problème, pour
remplacer le papier, il fallait un équipement de tous les élèves.
L'exigence se heurte aux oppositions et considérations des professeurs. « Il faut également laisser la liberté pédagogique du choix
[de manuels] », rappelle M. Massol. Une exhaustivité de titres qui
n'existe pas dans les faits. Au catalogue numérique encore limité des
acteurs historiques, le coordinateur auprès de l'académie évoque « la peur du piratage » des éditeurs sollicités et « l'accompagnement nécessaire ».
« On ne peut pas rater Hachette ou Editis »
Toujours dans les faits, consternants, les évaluateurs se sont
confrontés à des fichiers lourds, 200 Mo, des verrous DRM, de quoi
contraindre les utilisations de ces fichiers - au point de la rendre
pénible. Si cela ne suffit pas, il rajoute le droit d'usage limité en
général à un an et la « peur de la copie illégale ». Des choix particulièrement mal adaptés au public d'élèves et le sérieux du commanditaire. « Nous n'allons pas acheter quelques exemplaires et copier les autres », soupire M. Massol. Reste la phrase fatidique. « Pourtant, on ne peut pas faire l'impasse sur les catalogues de Hachette ou d'Editis. Il faut respecter leurs conditions. »
Le premier impératif, c'est alors de continuer à solliciter les
libraires dans la constitution du panel de manuels, en qualité de
commanditaires de volumes importants et variés. Pour Mathieu Ruffenach
confie qu'avec l'année de perdue pour le programme il s'agit « d'envisager sereinement d'autres possibilités »,
et cette fois ne pas écarter l'option de développeurs tiers qui
associent les acteurs éditoriaux historiques autour de nouvelles
formules.
D'autant que le cahier des charges arrêté « n'avait aucun préjugé en termes de formats », simples PDF en lecture seule ou contenus enrichis, indique Michel Massol. « Nous ne nous interdisons rien », et comme le président de région Christian Bourquin l'annonçait lors de la réunion, il faudra - désormais - « faire confiance à une start-up ».
Ce fut, d'ailleurs, durant les Rencontres nationales de la librairie,
à Bordeaux, l'occasion d'une réelle levée de boucliers : certains
libraires désapprouvent que les collectivités publiques les contraignent
à se lancer dans la commercialisation de livres numériques - et
poussent la librairie indépendante, toujours dans ce sens... En
revanche, Matthieu de Montchalin, président du SLF, avait interpellé
Alain Rousset, président de l'Association des Régions de France, pour
que celui-ci facilite la commercialisation des livres numériques
scolaires, par les libraires indépendants, justement.
Écrit par Morel Bastien
[Source : www.actualitte.com]
Sem comentários:
Enviar um comentário