sexta-feira, 28 de junho de 2013

ALLEMAGNE • Willi, la star du müsli

A 60 ans, Willi Pfannenschwarz dresse un bilan satisfaisant de sa vie professionnelle et peut envisager de passer la main. Avec ses céréales, ce patron de PME allemand quelque peu hors norme a réussi à s'imposer sur le marché intérieur et commence à séduire les Américains. Portrait.

Willi Pfannenschwarz, le patron de la société Seitenbacher
Écrit par Benno Stieber

Faire de la provocation avec des céréales pour le petit déjeuner, ce n'est pas donné à tout le monde.

Pour Willi Pfannenschwarz, c'est un jeu d'enfant. Le patron de la société Seitenbacher bricole dans la cave de sa maison des spots bruts de décoffrage, y colle quelques riffs de guitare et vante ses produits, le Bergsteigermüsli, le Kakao-Düsis et le Feel Good Mix. Il ne recule même pas devant le mot "digestion", si peu apprécié par la publicité. Un "Läckerläckerläcker" (délicieux délicieux délicieux) ravi lancé en souabe à la fin, et voilà un autre de ces spots qui font le désespoir des annonceurs et des auditeurs.

C'est avec cette, euh, stratégie marketing que Pfannenschwarz a fait connaître son müsli dans toute l'Allemagne. Le front haut et de long cheveux noirs dans la nuque, il est le rockeur des PME allemandes. Produits faits maison, gestion d'entreprise terre à terre, c'est même lui qui programme les machines. Il est très attaché à ses spots de pub - "A la table de mixage, j'oublie tout", explique-t-il. A l'époque de l'analogique, il les livrait lui même aux radios avec son hélicoptère.

Rockeur reconverti

Pfannenschwarz est issu d'une dynastie de meuniers de Waldenbuch, en Souabe. Au début des années 80, malgré des débuts prometteurs, il décide de ne pas poursuivre sa carrière de musicien de rock et de convertir l'humanité au blé complet. Loin de toute idéologie écolo, Pfannenschwarz mélange ses premières céréales pour petit déjeuner selon le modèle helvétique et les baptise en s'inspirant d'un nom du lieu où se trouvait le moulin de son père, Seitenbach.

"L'idée, c'était de faire un müsli, dans lequel il y ait tout [pour ne pas provoquer de carences], même si on ne se nourrissait que de ça", se souvient-il. Les ventes démarrent mollement. Les gens de la campagne considèrent que le blé complet, c'est pour les bêtes, et les écolos préfèrent se faire leur müsli eux-mêmes. Comme Pfannenschwarz ne peut pas se payer une campagne de pub professionnelle, il prend un crédit et achète des tranches horaires. Dans le premier spot, c'est sa fille qui sussurre "läckerläckerläcker" dans le micro.



Le müsli Seitenbacher est aujourd'hui le müsli le plus connu en Allemagne et la société fait partie des cinq plus gros fabriquants de céréales pour petit déjeuner. Ses mélanges onéreux ne représentent cependant que 10 % de part de marché selon les experts. "Pour une marque nationale de l'alimentation, nous sommes en fait tout petits", déclare Willi Pfannenschwarz.

Ce qui ne l'empêche pas de négocier âprement avec les grands distributeurs. En 2008, quand les prix des céréales ont fortement augmenté, Seitenbacher s'est vu contraint d'augmenter les siens. Une des grandes chaînes de supermarché n'a rien voulu savoir. "On avait le choix : soit on n'augmentait pas les prix et on faisait faillite dans les mois suivants, soit on arrêtait de les fournir", se souvient Pfannenschwarz. Seitenbacher prend le risque même s'il ne peut pas se passer de ce client à long terme. Une fois encore la popularité de la marque paie : au bout de quelques semaines, la chaîne de supermarché cède et transmet son acceptation par fax. Il y avait trop de clients qui regrettaient les produits de Pfannenschwarz.

Affaire de famille

Seitenbacher a transféré son siège à Buchen im Odenwald [dans le Bade-Wurtemberg, au sud-ouest de l'Allemagne] et il y a longtemps que la marque fait davantage que du müsli en tout genre. Il y a deux ans, Pfannenschwarz a acheté un moulin à huile et propose désormais de l'huile de tournesol et de graine de potiron. Harry, son fils, qui est installé aux Etats-Unis, s'occupe de la vente de barres de céréales et de pâtes protéinées pour les amateurs de fitness. “Harry P.” est à la fois un personnage publicitaire et le nom d'une gamme. Les produits sont expédiés de Buchen par conteneur. Les Etats-Unis sont le marché test idéal pour la gamme diététique de Seitenbacher : "Contrairement à ce que beaucoup croient en Europe, le consommateur américain est le plus averti et le plus critique au monde", assure Pfannenschwarz.

Sarah et Liza, ses filles jumelles, participent elles aussi à l'entreprise, l'une s'occupe des achats, l'autre qui est graphiste est en train de redessiner le logo de la marque. Les étiquettes des bouteilles d'huile sont déjà plus chics et plus modernes que l'écriture planplan qu'on connaissait jusqu'à présent.

Willi Pfannenschwarz aura 60 ans cette année et conduit pas à pas ses trois enfants à prendre la direction de l'entreprise. Ceci annonce-t-il la fin de ces publicités qui portent singulièrement sur les nerfs ? C'est encore lui qui prend les décisions les plus importantes, confie-t-il. Et ses spots en font partie. 

[Source : www.courrierinternational.com]

Sem comentários:

Enviar um comentário