Alors bien entendu, on peut faire le ravi de la crèche, à
s'extasier devant les quelques titres nouvellement arrivés de Jack
Kerouac en format numérique.
Bien entendu. Mais le lecteur attentif ne s'égarera pas en de douteux
enthousiasmes. Certes, la mise à disposition de quelques nouveautés a
modifié les classements des moteurs de recherche, mais pour qui voulait
lire Kerouac en ebook, l'offre était déjà là, tapie, couchée, assise,
debout... À condition, évidemment, de connaître les chemins de traverse.
Voilà donc que les éditions Gallimard, au travers de la
collection Folio, prennent une fois de plus les enfants du Bon Dieu pour
des canards sauvages, et tirent au gros sel :
- Maggie Cassidy, 7,20 € en poche, vendu 7,49 € en EPUB (et autant en PDF) - traduction Béatrice Gartenberg (vraisemblablement celle de 1984, publiée par Stock... avec ou sans révision, rien n'est précisé...)
- Tristessa, 5,40 € en poche, contre 5,49 € EPUB/PDF - traduction Catherine David (idem, traduction de 1982, lorsque le livre fut publié chez Stock
- Satori à Paris, 5,99 EPUB contre 6 € en poche - traduction Jean Autret (première parution en 1971, et donc pas même celle qu'a révisée révisé par Yann Yvinec, avec préface et notes, récemment publiée)
Ce ne sont pas ces quelques centimes d'euros qui font
enrager, ni la vente d'un format PDF - en même temps, qui lit des PDF
sur lecteur ebook ou même tablette ? Ni même les traductions anciennes
et pas révisées. Encore que cela donnerait envie de reprendre le débat Hemingway,
que personne n'a oublié, ni réellement digéré. Et sans parler de la
détestable habitude de truffer les livres de DRM. Le problème, c'est le
cumul de tout cela, qui donne envie de sortir ses appareils photos, et
de se débrouiller seul. Voire d'en faire profiter ses amis...
Sur la route reste l'exception, puisque pour une
fois, le numérique coûte moins cher que le poche - 8,49 € EPUB/PDF
contre 8,70 €. On en viendrait presque à trouver cela louche, si l'on
oubliait que l'adaptation au cinéma et la diffusion dans les salles, en
2012, sont passées par là. Il ne faut pas non plus oublier que l'ebook Sur la route, a été sorti l'année passée...
Les mises à jour d'ebookstores ont donc quelque peu
perturbé les classements, mais les résultats sont tout de même bien
présents : Kerouac n'a pas attendu Gallimard pour exister en version
numérique. En revanche, il faut reconnaître que cette offre numérique
n'a certainement pas profité à la maison d'édition, puisqu'elle reposait
essentiellement sur le partage entre lecteurs. Ou le piratage diront
certains, ce qui est bonnet blanc, et blanc bonnet.
Évidemment, bien des auteurs français mériteraient de
figurer dans les catalogues numériques, et l'on ne peut pas aller plus
vite que les scanners pour réaliser des fichiers de qualité. De même,
rien n'assure que l'offre pirate exerce une réelle incidence négative
sur les ventes de papier - voire qu'elle cannibalise le chiffre
d'affaires d'une maison.
Après tout, comment affirmer que l'offre de versions
numériques mises en partage, pour le bien commun, fasse perdre de
l'argent, alors même que les livres numériques ne sont pas exploités
commercialement par l'éditeur qui en a la responsabilité ? Hmm ? Si je
ne fabrique rien, puis-je reprocher que l'on compense l'absence d'offre,
quand ceux qui ont déjà mettent en partage ? Ah, oui, bien sûr : c'est
de la contrefaçon...
Qu'on assène encore que l'offre numérique en France compte
plus de 100.000 livres, et qu'on la mesure à l'offre papier ; qu'on
répète encore, et encore, l'envie de prendre part à ce marché nouveau ;
qu'on assure de sa bonne volonté à assurer une offre attractive,
réfléchie... Mais depuis le rapport Patino de 2007 que ces propos sont
tenus, il semble bien que les scanners privés continueront de chauffer
durant 2014, riant sous cape.
« Offre attractive et légale... », bien sûr : allez, fais chauffer la lampe du scanner.
[Écrit par Nicolas Gary - source : www.actualitte.com]
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