Le plus grand réseau social au monde comptait en mai 2013
1,15 milliard d'utilisateurs, avec 680 millions d'actifs. Dans la série
des chiffres qui continuent de donner le vertige, on y recense 250
milliards de photos, et 4,75 milliards d'éléments de contenus publiés -
photos, commentaires, statuts, liens, etc. Ajoutant 4,5 milliards de
J'aime et 10 milliards de messages privés quotidiennement.
Aujourd'hui, plus qu'un réseau social, Facebook se présente comme une
forme de média amélioré, enrichi, pourrait-on dire, au point de se
pencher plus en avant sur les messages diffusés, et en saisir les
nuances émotionnelles. Une équipe de chercheurs spécialisés dans
l'Intelligence artificielle tente de doter le réseau d'une structure
d'analyse en mesure de comprendre la qualité des messages, et leur
tonalité. De quoi envisager que Facebook puisse passer de nouveau un cap
en matière de Big Datas.
Mais avec 10 milliards de messages échangés via le logiciel de
conversation instantanée, une question se pose : quelle est la capacité
du réseau à structurer ces échanges ? Depuis mai 2012, une
fonctionnalité a été mise en place, permettant de partager, entre
membres d'un même groupe, des documents, aux formats les plus
classiques. Le tout consultable y compris depuis une version mobile. Une
fonctionnalité intéressante, mais limitée à 25 Mo par document
partagé.
25 Mo... ce qui représente, au bas mot, 5 à 10 livres numériques. On
pourrait pousser en considérant que ce sont quelques morceaux de musique
en MP3, mais bien évidemment pas la possibilité ouverte de partager des
films. En outre, il existe des applications spécialement dédiées au
partage de documents sur le réseau, sortes de dropbox permettant de
garder captif l'utilisateur.
En août dernier, quelques conditions d'utilisations des données et la déclaration des droits et responsabilités ont été revues et corrigées. En matière de sécurité, il existe toujours cet article :
10. Vous n'utiliserez pas Facebook dans un but d'activité illicite, illégale, malveillante ou discriminatoire.
De même, pour les développeurs d'applications, il faut disposer :
d'une politique de suppression des contenus en infraction et d'exclusion des récidivistes, conformément au DMCA (Digital Millennium Copyright Act).
Autrement dit, que les ayants droit puissent demander le retrait de
contenus sous droit. Enfin, sans être exhaustif, Facebook fournit des outils pour aider les ayants droit à protéger leur propriété intellectuelle.
10 milliards de correspondances privées
Car dans tous les cas, les utilisateurs s'engagent, de par la déclaration des droits et responsabilités à ne pas publier « du contenu qui enfreint les droits de propriété intellectuelle d'une autre partie ». Autrement dit, le réseau se protège. Mais tout de même, 10 milliards de messages échangés par messagerie personnelle.
Ces échanges sont effectués au travers de ce que Facebook appelle de lui-même, une « Boîte de réception
», et qui permet bel et bien d'envoyer des messages. Que ces derniers
débouchent sur une conversation en temps réel, contrairement à une
messagerie email, ne change rien : tout cela relève des correspondances
privées, lesquelles sont protégées.
Les correspondances privées ( qu'elles soient électroniques ou non et définies de la sorte : Il y a correspondance privée lorsque le message est exclusivement destiné à une (ou plusieurs) personne, physique ou morale, déterminée et individualisée) sont
effectivement protégées par l'article 9 du Code civil et 8 de la
Convention européenne des droits de l'homme relatifs à la protection de
la vie privée mais également par le Code pénal (226-15 et 432-9) et par
le Code des postes et des communications électroniques (L.34-1 à L.34-6)
selon le principe du secret des correspondances. (voir à cette adresse)
Il faut faire attention : on ne parle pas ici d'un message
publiquement posté sur son ‘Mur', mais bien des échanges privés. Or, la
législation française a tout de même envisagé qu'il puisse être
nécessaire de fouiller dans les échanges électroniques, comme le
souligne l'article L34-1 du Code des postes :
III. - Pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales ou d'un manquement à l'obligation définie à l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l'autorité judiciaire ou de la haute autorité mentionnée à l'article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle d'informations, il peut être différé pour une durée maximale d'un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques.Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine, dans les limites fixées par le VI, ces catégories de données et la durée de leur conservation, selon l'activité des opérateurs et la nature des communications ainsi que les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'État, par les opérateurs.
« Pour ce qui est de Facebook, le réseau social met à disposition
des membres soit une messagerie électronique dédiée accessible au seul
membre titulaire du compte associé, soit un espace public au sein duquel
la personne peut s'exprimer de façon publique au vu et su de tous les
membres et/ou au vu et su des membres liés en fonction du paramètre du
compte. Selon que le message est ou non accessible au public, la
qualification de message public ou privé en découlera: si la personne
utilise sa messagerie personnelle dédiée et qu'il adresse un message à
une ou plusieurs personnes déterminées, dans ce cas, le message sera a
priori privé. En revanche, si le message est posté sur un espace public
du réseau, le message sera public », précise le cabinet Pixel Avocats, sollicité par ActuaLitté.
Autrement dit, Facebook, avec 10 milliards de messages échangés
quotidiennement, quelle est la capacité du réseau à surveiller ces
échanges ?
Selon les différents tests que nous avons pu réaliser, il est
possible de transférer tout ce que le monde numérique compte de formats
de livres, directement via la messagerie chat de Facebook : fichier
MOBI, EPUB, avec ou sans DRM, PDF cryptés, et consorts - bien que ce
dernier exemple ne serve pas à grand-chose en matière de livre
numérique. Sans compter qu'il est parfois plus simple encore de diffuser
un lien pointant vers une Dropbox contenant elle-même son lot de
fichiers...
Pas de contrôle, ni de filtrage... enfin presque
Sollicitée par ActuaLitté, la filiale française du réseau Facebook est quelque peu prise de court. « Il
est évident que nous n'encourageons à aucun moment le partage de
fichiers illégaux. C'est dans notre politique d'utilisation, et il doit
exister des outils conçus pour ces partages illicites, plutôt que
Facebook. » En réalité notre interlocuteur envisage immédiatement
le piratage de films et de fichiers volumineux, dont la taille peut
rapidement grimper jusqu'à 1 Go et plus.
« Nous avons limité le poids d'un fichier que deux utilisateurs
peuvent se transmettre par l'intermédiaire de notre outil de
communication, aussi n'est-ce pas le plus commode. Et d'ailleurs, Gmail
propose le même type de solution, qui poserait les mêmes questions. » Oui, mais pour le moment, c'est à Facebook que l'on s'intéresse.
S'il n'est pas question de transférer un film de 700 Mo par la
fenêtre de conversation, un livre numérique, en revanche, cela passe
sans problème. Existe-t-il aujourd'hui des systèmes de filtrages, ou des
éléments qui permettent à Facebook de surveiller les échanges ? «
Nous pouvons détecter un comportement inhabituel chez un utilisateur,
dans le transfert de fichiers, et nos équipes ont la possibilité
d'intervenir. Nous signalons ce que nous avons constaté, et cela peut
entraîner une fermeture du compte, bien entendu. »
Mais comment le droit de l'internaute à une correspondance privée
peut-elle être respectée dans ce cas ? Aujourd'hui, Facebook nous
explique n'avoir pas de fonctionnalités ni de logiciels détectant un
partage de fichiers illicites, ni même de les contrôler. La surveillance
s'opère donc moins sur le fond du fichier partagé (licite, illicite)
que sur le poids du document. Pourtant, la question se pose : est-il
simplement possible que Facebook puisse instaurer un dispositif de
surveillance des échanges entre deux personnes, sachant que cela entre
dans le cadre de correspondances privées, et donc protégées ?
Notre interlocuteur n'a manifestement toujours pas trouvé de réponse.
[Écrit par Nicolas Gary - source : www.actualitte.com]


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