quarta-feira, 30 de abril de 2014

Combattons le racisme dans les stades, en Europe comme au Brésil

Quelques jours avant que la banane lancée au joueur brésilien Daniel Alves indigne le monde du football, cette éditorialiste brésilienne appelait à mettre fin au racisme dans les stades, et en particulier au Brésil, qui accueille le Mondial en juin. 

Les brésiliens Daniel Alves et Neymar, tous les deux victimes d'insultes racistes en Espagne, à Barcelone, le 28 avril 2014
Écrit par Flávia Oliveira [O Globo]


En cette année de coupe du Monde au Brésil, il est particulièrement douloureux de voir se multiplier les invectives racistes contre des footballeurs, ici comme à l'étranger. Les injures qui s'enchaînent contre des Brésiliens dans les stades nous renvoient à une page peu glorieuse de l'histoire de ce sport roi dans notre pays. 

Comme une traînée de poudre à l'envers, ces vilenies semblent remonter tout droit du passé pour nous rappeler des souvenirs d'une intolérance qui mériterait d'être passée aux oubliettes depuis belle lurette. Les joueurs Tinga (du Cruzeiro, de Belo Horizonte), Arouca (du Santos de São Paulo), Maicon Silva (du Londrina Esporte Clube), Neymar (qui évolue au Barça) ou l'arbitre Márcio Chagas sont les victimes des préjugés de 2014. Mais l'histoire est émaillée de précédents.

[vidéo du joueur brésilien de Barcelone Daniel Alves, qui mange une banane lancée par un supporter raciste le 27 avril]



Sombre histoire


Au tournant du XXe siècle, la Liga Metropolitana de Football, qui était alors la fédération de l'Etat de Rio, interdisait la sélection de "personnes de couleur". Les joueurs non blancs se lissaient les cheveux et se maquillaient à la poudre de riz pour entrer sur le terrain. En 1950, la Coupe du monde qui devait sacrer l'Uruguay et forger la nation du football [que nous sommes] fut également marquée par l'opprobre de Barbosa [le goal brésilien laissa passer le but qui donna la victoire aux Uruguayens], événement fondateur d'une méfiance à l'égard des gardiens noirs qui perdure jusqu'à nos jours.

Car les témoins d'aujourd'hui ne doivent pas se leurrer : derrière les cris et les singeries, il y a le racisme de toujours, ancré dans la déshumanisation. C'est ainsi que l'anthropologue Rolf Malungo de Souza analyse ces injures. Comparer un Noir à un singe, c'est l'assimiler à un être qui ressemble à l'humain, mais qui n'en est pas un. Et cette association n'est pas nouvelle. Aux Etats-Unis, au XIXe siècle, le Ku Klux Klan représentait les Noirs en gorilles. Au Brésil, des générations de Noirs et de métis ont été la cible d'injures de ce genre dès les bisbilles de l'enfance.


Or c'est par l'avilissement de l'autre que l'on tente d'imposer l'idée de sa supériorité. Le but est d'affirmer sa suprématie en infériorisant l'autre, estime l'anthropologue Julio Tavares. Le Noir est déshumanisé dès lors qu'il apparaît comme une menace, une présence provocatrice ou qu'il sert de bouc émissaire, ajoute-t-il.

Règne de l'impunité

La psychologie sociale éclaire les raisons qui font du stade le théâtre privilégié des manifestations d'intolérance. Dans la foule, tout est permis. A l'abri de l'anonymat, on cible la couleur de peau, l'honorabilité, l'orientation sexuelle des joueurs, des entraîneurs et des arbitres.


Dès lors qu'il n'y a pas de traçabilité, c'est le règne de l'impunité. Pourtant, l'injure à caractère raciste est un délit reconnu par le code pénal. Mais l'identification des responsabilités individuelles est si compliquée qu'il n'y a pas de poursuites. Les actions en justice qui n'aboutissent pas et les sanctions dérisoires infligées aux clubs nourrissent la récidive. Et l'intolérance fait tache d'huile. Si rien n'est fait pour l'endiguer, elle menace de devenir une très indésirable caractéristique de cette coupe du monde 2014.

Préjugés coloniaux

La Fifa a instauré en 2002 une Journée antidiscrimination, lors de laquelle les joueurs entrent sur le terrain avec une banderole "Dites non au racisme". Pour ce que l'on en voit dans les stades sud-américains ou européens, les résultats ne sont guère encourageants. De son côté, le gouvernement brésilien a annoncé récemment une "coupe sans racisme".

La société civile commence à se mobiliser. Les chanteurs Mombaça et Mu Chebabi ont composé la chanson "Vem Vencer", dont les paroles condamnent l'intolérance et exaltent l'égalité. Dans le clip, produit par Boxx Filmes, apparaissent de grands artistes brésiliens tels Elza Soares, de Zezé Motta et de Luiz Melodia. Un groupe d'intellectuels noirs emmené par l'écrivain Ana Maria Gonçalves a pris la tête d'une campagne de dénonciation des insultes comparant les personnes de couleur à des singes.

Voilà donc quelques signes timides d'une réaction, au sein cette société qui doit impérativement combattre la vague d'intolérance. Car le racisme dans les stades n'humilie pas seulement ceux qui en sont les cibles directes : il blesse tous les Brésiliens et Brésiliennes à la peau noire. Pire : en plein XXIe siècle, il enferme nos enfants et nos jeunes dans des préjugés hérités du Brésil colonial.

[Photo : AFP/Josep Lago - source : www.courrierinternational.com]

Sem comentários:

Enviar um comentário