La cheffe de file de la liste de la République en Marche est
une opposante résolue de la Charte européenne des langues régionales et
minoritaires.
Nathalie Loiseau, tête de liste LREM pour les Européennes.
Écrit par Michel Feltin-Palas
Précisons-le d'emblée : autant je suis attaché aux langues
minoritaires, autant je ne crois pas que l'on doive voter aux prochaines
élections européennes en prenant ce sujet pour seul critère. Si j'ai
néanmoins choisi de consacrer cette chronique aux propos qu'a tenus
Nathalie Loiseau sur la question, c'est qu'ils me paraissent très
révélateurs. Invitée de France 3
le 3 décembre 2017, celle qui a depuis été désignée comme chef de file
de la liste de la majorité présidentielle avait clairement pris position
: non, la France ne signera pas pendant ce quinquennat de la Charte
européenne des langues régionales et minoritaires. Et, rendons-lui cette
justice, elle n'avait pas mâché ses mots. Pour elle, "ce n'est pas une
priorité".
Précisons-le
également : je n'ai rien contre Nathalie Loiseau, et ce d'autant moins
qu'elle a des attaches en Béarn ce qui, compte tenu de l'attachement
névrotique que je nourris envers ma petite patrie, me la rendait
instinctivement sympathique. Aussi suis-je vraiment peiné de devoir
l'écrire ici : l'ancienne directrice de l'ENA est totalement
incompétente dans le domaine linguistique.
Précisons-le enfin :
dans la classe politique, Nathalie Loiseau est loin d'être la seule à
défendre ce point de vue. Mais ce qui me frappe chez elle, c'est la
pauvreté de ses arguments, que je vais maintenant exposer point par
point (1).
1) Cette ratification n'était "pas dans le programme" d'Emmanuel Macron
Pas
de chance. C'est l'inverse. Saisie par des militants régionalistes, son
équipe écrivait ceci le 14 avril 2017 : "Emmanuel Macron lancera le
processus de ratification de la Charte européenne des langues régionales
et minoritaires dès son élection, comme il a eu l'occasion de le
rappeler lors de son déplacement en Corse".
2) Il est écrit dans la Constitution : "Le français est la langue de la République".
Certes,
et alors ? Jusqu'à preuve du contraire, une Constitution peut se
changer. C'est d'ailleurs ce qui a été fait pour... introduire cet
article, en 1992 ! De surcroît, à l'époque, les parlementaires avaient
précisé qu'il s'agissait pour eux de s'opposer à l'anglais et surtout
pas de désavantager les langues régionales.
3) Les langues régionales elles-mêmes sont entrées dans la Constitution en 2008.
C'est
tout à fait exact. À ce malencontreux "détail" près. Dès 2011, le
Conseil constitutionnel s'est empressé de préciser que ledit article
n'ouvrait "aucun droit ou liberté opposable par les particuliers et les
collectivités". Le rendant ipso facto purement décoratif.
4)
Les langues régionales bénéficient déjà d'une place dans l'enseignement,
sur Radio France et France Télévision, et l'État leur accorde des
subventions.
En substance : que pourrait-on bien faire de plus ?
La place me manque pour réfuter ce point dans le détail. Résumons en
disant que ces dispositions sont largement insuffisantes, et parfois non
appliquées. Et que, si rien ne change, elles auront toutes disparu en
métropole d'ici à la fin du siècle.
5) Face aux grands enjeux
auxquels 'Europe doit faire face -"changement climatique", "régulation
de la mondialisation", "lutte contre le terrorisme" - "on se concentre
sur ce qui est important pour nos concitoyens, on ne se disperse pas".
Si
les mots ont un sens, voici comment on peut synthétiser l'analyse de
Nathalie Loiseau. À ses yeux (ou plutôt à ses oreilles), le
multilinguisme est par essence un facteur de division qui empêche de
régler les problèmes fondamentaux. La suite logique de ce brillant
raisonnement va de soi : si elle veut surmonter ses défis, l'Europe a
tout intérêt à passer au tout anglais ! Et c'est d'ailleurs sans doute en
vertu de cette "loi" que la Suisse multilingue est le pays le plus mal
géré du monde, tandis que la France est synonyme depuis 30 ans de
plein-emploi, d'équilibre budgétaire et de prospérité.
Bon,
j'arrête là le mauvais esprit, mais, honnêtement, on doute qu'une femme
du talent de Nathalie Loiseau ait beaucoup réfléchi à la question avant
de proférer de telles sornettes. D'ici au 26 mai, une bonne âme
pourrait-elle lui rappeler que la devise de l'Union européenne n'est
autre que : "Unie dans la diversité" ?
[Photo : afp.com/ERIC PIERMONT - source : www.lexpress.fr]
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