Les premiers médecins étrangers du programme « Mais Medicos » (Plus de
Médecins) sont arrivés au Brésil le 25 août dernier. Une réponse visant à
l'amélioration des politiques sociales mais qui soulève un certain
nombre d'interrogations.
![]() |
Arrivée des médecins cubains à Fortaleza, le 25 août dernier |
Par .
Parmi les demandes les plus insistantes des manifestants, en juin
denier, il y avait l’exigence d’améliorer significativement les
politiques sociales. La réponse des parlementaires a été, mi-août,
d’octroyer la totalité des revenus des royalties du pétrole à l’école et
la santé. 75% pour des investissements dans l’éducation et 25% pour la
santé. Seule la part de ces royalties qui revient au gouvernement
fédéral est concernée, ce qui revient aux Etats et aux municipalités
n’entre pas en ligne de compte, mais cela représente tout de même un
montant estimé à 112 milliards de R$ (48 milliards de US$) pour les 10
ans à venir.
Cette décision a été saluée par la Présidente Dilma Rousseff comme
une « victoire historique en réponse aux demande des manifestants ».
Plusieurs spécialistes des politiques publiques mettent cependant ce
choix en cause : des moyens financiers supplémentaires ne sont peut-être
pas vraiment utiles dans l’éducation et la santé. Ce qui pêche, ce
n’est pas le manque de ressources, mais leur mauvaise utilisation.
« Mais Medicos » (Plus de Médecins)
Début juillet, les autorités ont lancé l’opération « Mais medicos ».
Inspirée d’expériences britanniques et suédoises, l’initiative vise à
recruter des médecins étrangers pour combler le manque de personnel
sanitaire dans certaines régions du Brésil, le nord et le nord-est du
pays principalement, ainsi que dans des zones non pourvues de grandes
agglomérations. Au total, la demande est de plus de 15.000 médecins dans
700 communes. 4.000 médecins cubains vont débarquer progressivement
pour exercer au Brésil. Les candidats retenus devront se soumettre à
trois semaines de formation sur la santé publique brésilienne et la
langue portugaise – qu’ils doivent savoir parler au préalable.
![]() |
Ce programme soulève une opposition farouche des médecins brésiliens.
Les premiers cubains arrivés à Fortaleza (Ceara) fin août ont été
accueilli par leurs homologues sous les huées et les insultes. Ce n’est
pas tant la venue d’étrangers qui pose problème disent les opposants,
mais leur mode de recrutement. Ces praticiens n’auront en effet pas à
passer l’Examen national de Revalidation des diplômes médicaux (Revalida),
obligatoire pour tous les professionnels de santé désirant pratiquer au
Brésil et dont le taux d’échec est particulièrement élevé.
Aider Cuba ou l’Amazonie ?
Autre complainte, l’inégalité de traitement. Un accord a été conclu entre le Ministère de la Santé et l’OPAS,
l’Organisation Panaméricaine de la Santé, à qui les autorités
brésiliennes versent une somme forfaitaire de 10.000 R$ par mois (plus
une indemnité de 30.000R$ pour les frais d’installation) pour chaque
spécialiste expatrié. C’est le même montant payé à un médecin brésilien
affecté à un poste au sein du système publique de santé. À la différence
que les praticiens cubains ne verront qu’une petite partie de cet
argent, qui sera versée par l’OPAS directement au gouvernement de La
Havane, lequel ne ristourne habituellement que 30% de la somme reçue
sous forme de salaire.
« Le Brésil va résoudre le problème du manque de devises de Cuba, mais pas celui du manque de médecins en Amazonie » ironisent les opposants. « Ce n’est pas à nous de décider comment le gouvernement cubain doit agir avec ses citoyens
» répond Alexandre Padilla, ministre brésilien de la Santé. Sauf que ce
salaire à deux vitesses risque de poser problème lorsque 2 médecins,
l’un brésilien, l’autre cubain auront à cohabiter sur le terrain.
![]() |
Une mesure inutile ?
Cet apport massif de praticiens étrangers est-il vraiment nécessaire?
Ce n’est pas l’avis de Gustavo Monteiro Ayres, médecin du travail à
Itaborai (Rio de Janeiro), qui résume bien le sentiment de beaucoup de
ses collègues :
« Certaines zones du Brésil manquent réellement de médecins,
notamment parce qu’une grande majorité des praticiens brésiliens ne
trouvent pas d’intérêt à y exercer, et cela représente la seule raison
pour laquelle je suis d’accord avec le programme « Mais Médicos ».
Cependant, malgré l’apparente nécessité de personnel étranger, je pense
qu’il y a suffisamment de médecins au Brésil. Ils sont simplement mal
répartis, certaines zones en ont même trop ».
![]() |
Si ces médecins refusent de pratiquer dans ces endroits défavorisés,
poursuit Gustavo Monteiro Ayres, c’est parce qu’il n’y a pas
d’infrastructure, de technologie, de médicaments, de matériel
chirurgical, en résumé, parce qu’il n’y a pas d’investissement de la
part du gouvernement.
« La plupart des médecins brésiliens pensent comme moi. Aucun
d’entre nous n’a envie de laisser sa famille, ses amis et sa vie en
ville pour s’aventurer à l’intérieur du pays, au milieu de la forêt, où
il n’y a pas d’infrastructures pour vivre correctement et encore moins
pour travailler. On peut leur offrir le double ou le triple de leur
salaire, les médecins préfèrent en général gagner le minimum et vivre
confortablement. Avec ce programme, le gouvernement ne fait que masquer
de vieux problèmes qui ont empiré avec le temps ».
La solution proposée par les autorités pour résoudre l’absence de
médecins dans les zones critiques ne serait donc qu’un palliatif qui ne
résout rien et ne répond pas aux exigences des manifestants de juin en
matière de santé. On a le sentiment d’être un peu au point mort sur ce
dossier. Sauf qu’au moins, le programme « Mais Medicos » a le mérite
d’exister. On va voir s’il aura celui de fonctionner…
[Source : bresil.aujourdhuilemonde.com]
Sem comentários:
Enviar um comentário