Treize ans après « la Vie des autres », Florian Henckel von Donnersmarck abuse des scènes didactiques, et pourtant...
Sebastian Koch dans « L’Oeuvre sans auteur », de Florian Henckel von Donnersmarck.
Même si les autres sorties de la semaine sont sans
issue (« Persona non grata » de Roschdy Zem ou « Her Smell » d’Alex Ross
Perry) et si les apparences sont trompeuses, il faut bien l’admettre :
le troisième film de l’Allemand Florian Henckel von Donnersmarck n’a
rien pour plaire.
Il porte un titre impossible, « l’Œuvre sans
auteur ». Il est présenté en deux parties chronologiques (3h10 au total)
et vous en coûtera donc deux places. Il est servi par des comédiens de
qualité, mais peu « bankables » (Tom Schilling, Sebastian Koch et Paula
Beer, révélée aux Français dans « Frantz », de François Ozon). Il est
signé par un réalisateur dont l’insipide deuxième film, « The Tourist »
(2010), avec Angelina Jolie et Johnny Depp, a saccagé les espoirs
suscités par son premier, l’oscarisée « Vie des autres » (2006). Et
pourtant.
S’il n’a toujours pas la grâce, s’il persiste à sacrifier
l’esthétique à son propos et s’il abuse des scènes didactiques,
Donnersmarck tient ici un sujet passionnant. On a beau connaître le
déroulé de l’Histoire, et son précipité vertigineux, on est saisi par le
destin de Kurt Barnet (Tom Schilling), qui incarne à lui seul la
tragédie allemande du siècle dernier.
À Dresde, en 1937, le petit Kurt est emmené par sa tante schizophrène à l’exposition dans laquelle les nazis stigmatisent les « artistes dégénérés »,
Otto Dix, Klee ou Kandinsky. Kurt grandit sous la croix-gammée, devient
un joli jeune homme, tombe amoureux d’Ellie (Paula Beer), la fille du
médecin SS (Sebastian Koch) qui a interné et tué sa tante. Après la
guerre et la partition de l’Allemagne, Kurt étudie les beaux-arts en
RDA, où il peint à fresque de vertueux ouvriers, avec faucille et
marteau. Juste avant l’érection, en 1961, du mur de Berlin, Kurt et
Ellie gagnent l’Ouest... en métro.
Dans l’Allemagne capitaliste
(où son beau-père, ex-eugéniste hitlérien puis gynéco stalinien, dirige
désormais une clinique), Kurt découvre que la peinture est obsolète –
place aux performances, happenings, sculptures vivantes, provocations et
impostures. À l’Est, l’art est une propagande et, à l’Ouest, un marché.
Inspiré de la vie de Gerhard Richter, le film raconte comment, sans se
renier, Kurt trouvera sa voie et son style. Ainsi, en 190 minutes et par
l’unique prisme de l’art, Donnersmarck résume le quart de siècle d’une
Allemagne noire et rouge, frappée par les deux plus meurtrières
idéologies, avant d’être vendue au libéralisme. C’était un pari fou. Il
est réussi. Moins l’œuvre d’art que l’implacable démonstration.
[Photo : BUENA VISTA INTERNATIONAL - source : www.nouvelobs.com]
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