quarta-feira, 17 de agosto de 2016

Étudiants étrangers au Maroc, entre opportunités et désillusions


Par Ibrahima Bayo Jr

Ils étaient 36.000 étudiants étrangers lors de l’année 2014-2015 à avoir choisi le Maroc pour leurs études supérieures. Ils viennent pour la plupart de pays d’Afrique subsaharienne, un peu moins d'Europe, d’Amérique latine, du Proche-orient et même des Caraïbes (si si). Chaque année, le royaume accueille donc des dizaines de milliers d’étudiants étrangers via son Agence marocaine de coopération internationale (AMCI), affiliée au ministère des Affaires étrangères. 

L’année universitaire étant achevée, l’AMCI a installé, à la Cité universitaire internationale (CUI), une “cité de vacances" pour les étudiants qui ne sont pas partis en vacances (par choix ou par manque de moyens). L'occasion pour nous d'aller à la rencontre des étudiants sur leurs conditions de vie et d’études au royaume. 

C'est au cœur du quartier chic Hay Riad à Rabat qu'est située la cité internationale. C'est un bâtiment peint en blanc surmonté d'un toit en tuiles de forme pyramidale. La cité abrite des jardins verdoyants où l'on peut se promener sur des allées en dalles de pierre menant à une fontaine. 

En ce début d’après-midi, la chaleur a chassé les quelques étudiants venus passer leurs vacances dans cette cité cosmopolite qui abrite des jeunes issus d’une trentaine de pays. Certains résidents de la CUI évoquent avec beaucoup d’entrain leur vie d’étudiants étrangers au Maroc. 

"Je ne connaissais le Maroc qu'à travers la géographie"

“Je ne connaissais le Maroc qu’à travers la géographie. Alors quand l’opportunité de venir y étudier s’est présentée via une bourse d’études de notre ministère, je n’ai pas hésité. L’enseignement est plus poussé au Maroc que chez moi, alors je viens profiter de cette expérience. En plus, la vie y est moins chère", nous confie Bernardinho, un étudiant de 28 ans venu d’Angola il y a 4 ans pour des études de géologie et cartographie. Il ajoute que venir au Maroc lui a permis de "connaître et apprécier la culture marocaine, mais aussi d’apprendre une autre langue que le portugais: le français“.

Tout comme Bernardinho qui vient d’un pays lusophone, le Maroc reçoit des étudiants de pays anglophones, arabophones ou encore hispanophones. Ces derniers suivent une année de formation en langue française au sein du Centre International de langues (CIL), installé à côté de la CUI. Ensuite, ces étudiants peuvent, s’ils réussissent l’examen de fin d’année, intégrer leur cursus d’études.

Seul hic pour Bernardinho: “je ne suis pas musulman. A chaque fois que l’on aborde le thème de la religion entre amis ou en cours, je m’affirme chrétien. Mais je remarque une certaine gêne quand je montre que je crois vraiment à la religion chrétienne. Certains s’éloignent même de vous après ça".

"Une autre façon de voir l'amitié"

Pour Togola Salifou, 20 ans, venu du Mali pour des études en agronomie, c’est un rêve qui devient réalité: “La filière agronomie n’existe pas chez moi. Pendant mes deux années d’études, j’ai rencontré beaucoup de personnes issues de cultures et de nationalités différentes. J'ai pu parfaire ma connaissance de la langue arabe, ce qui me permet de mieux lire le Coran“.

Mais notre interlocuteur a aussi connu quelques déceptions: “Par moments, on se sent seul car on n'a rien d’autre à faire que les études. On voudrait bien se faire des amis. Les rares amis marocains que j’ai ne m’invitent pas chez eux. Chez moi, tu peux aller voir ton ami quand tu veux. Ici, on a une autre façon de voir l’amitié“.

Seydina Ababacar N., 21 ans, est un étudiant sénégalais en 4e année d’architecture. “Je devais initialement aller en France, mais la paperasse m’a un peu retardé. J’ai alors choisi de prendre une bourse pour étudier au Maroc qui offre de très bonnes filières d’études. Et on n’a pas arrêté de me dire que c’est un pays musulman comme le Sénégal, et que je n’aurais donc pas de problème à m’intégrer“, raconte-t-il. 

Mais la désillusion ne va pas tarder: “Je croyais que comme les Marocains étaient musulmans, il n’y aurait pas de différence. Mais j’ai remarqué que certains étaient racistes envers les subsahariens. Il faut aussi dire qu’il est difficile de se faire des amis sincères car la plupart de ceux qui t’approchent ont besoin de toi pour réviser dans une matière où ils savent que tu es au top. Après, c’est fini“, confie l'étudiant.

Sidney, 26 ans, a quitté son Swaziland natal il y a 6 ans pour suivre lui aussi des études d’architecture. Pour lui, "l’avantage de venir étudier au Maroc c’est que l’enseignement est gratuit, contrairement aux pays anglophones. Je ne connaissais rien du Maroc avant, mais quand on m'a parlé de la bourse et de la possibilité d’apprendre le français, j’ai fait mon choix", se remémore-t-il. De son passage au Maroc, il retient que cela lui a permis de beaucoup "apprendre à propos de la religion musulmane, de savoir comment vivent les musulmans. Mais je n’ai pas aimé le fait que tous les blacks soient automatiquement appelés 'mon ami', c'est une vraie frustration“, concède-t-il. 

Venu du Ghana pour des études de médecine, Nikotey Dsane, 24 ans, a été orienté pour des études en anesthésie et réanimation. “J’ai appris au Maroc à devenir plus responsable car je gère toute ma vie tout seul. Vivre au Maroc m’a aussi permis d’ouvrir les yeux car nous pensons qu’au Ghana les choses vont tellement bien, qu’on est les meilleurs en Afrique. Je vois le Maroc qui change de jour en jour et je me dis que chez moi aussi, on devrait fournir plus d’efforts“, estime-t-il. 

“Une chose me dérange plus que les autres. Certains profs dans les amphis donnent les cours en arabe, alors que pour nous, anglophones qui avons fait une année de langue française pour pouvoir intégrer l’université, c’est frustrant, et surtout pas très professionnel de leur part. Tu as aussi des responsables administratifs qui réduisent ta note de stage: parfois, tu as un 16 au stage, et sur le bulletin, tu te retrouves avec un 13", se plaint Nikotey Dsane. 

"Nos amis les Africains"

Ce Ghanéen trouve aussi que “la durée du renouvellement de la carte séjour [elle doit être renouvelée chaque année, ndlr] est très courte. Ça ne sert à rien, parce que nous n'avons pas toujours le temps pour cela. Et il faut réunir tous les papiers, alors qu'ils se trouvent déjà dans leurs archives électroniques“, dit-il. 

Sur ce point, Mohamed Ibrahim Abdi, un Djiboutien de 24 ans qui vient de finir ses études en ingénierie en réseaux télécoms, a beaucoup à dire, puisqu'il n’a pas encore reçu sa carte de séjour. Rencontré devant la préfecture de police, il explique que, parfois, il tarde un peu à recevoir sa carte. Toujours est-il que selon lui, "le diplôme marocain est très populaire" dans son pays. "Venir faire mes études au Maroc, c’est bénéficier d’un niveau de vie moins élevé qu'en France et où les exigences pour intégrer une filière sont moins strictes“.

Toutefois, “il faut qu’on trouve une solution pour réduire les problèmes de racisme", ajoute-t-il. "Certains professeurs nous appellent 'nos amis les africains', comme si le Maroc ne se situait pas en Afrique. Ce n’est pas la couleur de la peau qui dit l’origine géographique“, plaide-t-il. 


[Source : www.huffpostmaghreb.com]
 

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