Le sommet de São Paulo sur la gouvernance d’Internet a condamné timidement la surveillance du réseau et accouché d’un texte sans ambition.
Écrit par Cecilia Ballesteros [El País]
Le principe sacré de “neutralité du Net”, adopté le 22
avril dernier par le Sénat brésilien, n’apparaît pas dans le document
signé deux jours plus tard en clôture du NETMundial, rencontre
internationale sur la gouvernance d’Internet, qui a réuni au Brésil 800
représentants de 85 pays.
Le document condamne la “surveillance de masse” sur Internet
et demande qu’elle donne lieu à des poursuites. Une allusion
transparente à l’affaire Snowden. Mais il ne comporte pas la moindre
mention de la NSA, l’Agence de sécurité
nationale américaine, dont on a découvert qu’elle espionnait des
gouvernements alliés, des entreprises privées et des citoyens anonymes,
parmi lesquels la présidente Dilma Rousseff elle-même.
L’introduction
du concept de “neutralité” (le fait que tous les services sur Internet
bénéficient du même accès et de la même vitesse, sans exclusive) a
retardé de plusieurs heures la signature de la “Déclaration de São
Paulo”. Ce document d’à peine 10 pages n’est qu’un pâle reflet de ce
qui, pour beaucoup, aura été un sommet historique, qui s’est tenu dans
un pays, le Brésil, venant d’adopter la “Ley de marco civil da
Internet”, première Constitution d’Internet.
Or, dans ce dernier
texte, la neutralité était l’un des chevaux de bataille du gouvernement
brésilien. Cette reculade est intervenue tout juste vingt-quatre heures
après que la Federal Communications Commission (FCC), l’organisme
indépendant chargé d’encadrer le web aux Etats-Unis, a annoncé son
intention de réviser la réglementation en vigueur pour permettre aux
fournisseurs d’accès de proposer des débits différenciés [et de faire
payer aux sites Internet l’accès au meilleur débit].
“C’est
une aberration, commente le sociologue Sérgio Amadeu, corédacteur du
Marco civil da Internet. Les lobbys des télécoms ont dominé les débats
finaux et, grâce à leurs pressions, ont réussi à affaiblir le texte et à
en éliminer totalement le mot ‘neutralité’.” Pourtant partisane de la
neutralité du Net, l’Union européenne est repartie du Brésil sans voir
ses aspirations satisfaites, et ce alors même que plusieurs pays
européens ont clairement légiféré en ce sens.
Les représentants
de Cuba, de l’Inde et de la Russie (dont le président Vladimir Poutine a
récemment qualifié Internet d’outil de la CIA) ont affiché leur
mécontentement au sujet du document final du NETMundial. “Nos
contributions ont été ignorées, et tout cela aura pour seul résultat de
creuser les inégalités entre les pays.”
Seul point positif à l’issue du sommet, les Etats-Unis ont confirmé qu’ils renonçaient à la gestion exclusive
des noms de domaine dont ils jouissaient jusqu’à présent via l’Icann
[Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, une société qui
administre les adresses IP et les noms de domaine] et qu’ils allaient
procéder à une restructuration de la NSA.
[Dessin de Mix & Remix, paru dans Le Matin dimanche, Lausanne - source : www.courrierinternational.com]
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