En attendant le 21 mars prochain, le Salon
du Livre de Paris fait parler de lui au travers de polémiques, et
notamment celle sur la liste des auteurs invités pour célébrer l'invité
d'honneur qu'est l'Argentine. Les auteurs absents de la liste dénoncent
une sélection partisane, en lien avec le parti politique de l'actuelle
présidente du pays, Cristina Fernández de Kirchner.
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| En 2013, les auteurs roumains avaient eux aussi fait part de leur mécontentement. |
Les écrivains courroucés parlent d'une « mission diplomatique
» organisée pour assurer la promotion de la politique de Cristina
Kirchner et de son parti justicialiste, hérité de Juan Perón. Le choix
des auteurs invités pour le Salon s'est fait en deux temps : une
première liste, réalisée par le Centre National du Livre et l'Institut
français, comprend 30 auteurs argentins traduits en France. À celle-ci
s'ajoute une seconde liste, établie par le Secrétariat à la Culture
argentin, qui comprend 18 auteurs du pays.
Les auteurs qui ne sont pas présents sur la liste ne se gênent pas pour en critiquer la méthode de composition : « Ils ont donné des petites récompenses à leurs amis », lâche ainsi Martin Caparros (Living, édité en France chez Fayard et Buchet/Chastel. La jeune auteure Pola Oloixarac (Les Théories sauvages, Seuil) souligne que le gouvernement argentin s'est déjà servi « de la Biennale à Venise et de la Foire de Francfort pour la promotion des "idées officielles" »
Elle dénonce également la récupération de l'hommage à Julio Cortázar, écrivain farouchement anti-péroniste, pour « mettre
en scène de pauvres versions de ‘l'intellectuel engagé' - cette figure
très chère à la glorification idiotisée des années soixante-dix ». D'après elle, les auteurs argentins contemporains ont été volontairement oubliés des listes établies.
Le Secrétariat à la Culture argentin a
vivement démenti ces accusations de choix partisans, soulignant que les
invitations ont été choisies avec le CNL et l'Institut français. Il
souligne également la présence d'Alicia Dujovne Ortiz, auteure et
journaliste pour la Nacion, journal critique envers le gouvernement. Toutefois, comme le souligne BibliObs, les listes font apparaître tous les écrivains membres de « Lettre Ouverte », une association d'auteurs favorables au parti de Cristina Kirchner.
Contacté par ActuaLitté, le CNL nous
confirme que le gouvernement argentin a bien été sollicité pour la
constitution des listes. « Pour être très précis, la première liste
de 30 auteurs est commune au Secrétariat d'Etat argentin, à l'Institut
français et au CNL. Nous avions fixé un nombre limite de 30 auteurs,
mais le gouvernement argentin a jugé que cela n'était pas suffisant pour
un événement de cette ampleur. Il faut souligner que cela n'est pas
tellement original, la Roumanie avait fait la même chose en 2013. »
Si le gouvernement a été sollicité
pour la liste du CNL et de l'Institut français, c'est parce que tous
trois sont coinvitants : étant donnée la participation du gouvernement
argentin aux frais de déplacement, il dispose d'un droit de regard. « Le pays invité fait sa programmation
», explique-t-on au CNL. À l'inverse, la liste complémentaire de 18
auteurs relève uniquement du gouvernement argentin, qui prend en charge
seul les frais de déplacement de ces écrivains.
Pas de considérations politiques dans la constitution des listes
Pour constituer les listes, le CNL
confie observer plusieurs critères de sélection : une certaine parité
dans les genres littéraires (littérature, BD, jeunesse...), ainsi que
dans le sexe des participants est ainsi appliquée, mais le critère
principal reste « la traduction d'au moins une oeuvre en français ». Outre ces critères, le CNL et l'Institut français privilégient des auteurs à l'actualité récente.
« Nous interrogeons également les
éditeurs, dès le mois de juillet, quant à leurs publications à venir
d'auteurs argentins, ou sur les auteurs qu'ils souhaitent inviter à
Paris », ajoute le CNL. « La liste complémentaire du
gouvernement argentin ne nous pose aucun problème. Ce n'est pas toujours
le gouvernement qui intervient dans sa composition, puisque l'Institut
roumain avait participé à celle de l'année dernière, mais il n'y a
absolument aucune considération politique dans la composition de cette
liste. »
Aux éditions du Seuil, des
responsables éditoriaux se sont pourtant émus de l'absence d'invitation
pour certains de leurs auteurs, notamment Rodrigo Fresan ou Pola
Oloixarac. « Ce sont des regrets d'éditeurs. Il n'était pas possible
de faire venir plus de 30 auteurs, ce qui est déjà énorme comparé aux
21 auteurs roumains invités l'année dernière. »
Bertrand Morisset, Commissaire Général du Salon du Livre, a de son côté précisé qu'« il n'y a eu en aucune manière une pression ou des choix politiques. Et puis ces chamailleries locales ne nous concernent pas ».
Le Commissaire Général avait déjà souligné que les considérations
politiques n'avaient pas leur place dans l'organisation des événements
culturels, à l'occasion de la polémique autour du choix de Sodastream,
société israélienne en partie basée sur des territoires disputés avec la
Palestine, comme sponsor du Festival d'Angoulême.
Selon lui, ces revendications étaient « manipulées
par des intérêts politiques qui nous dépassent. Elles sont nulles et
non avenues dans la tenue d'un Festival comme celui d'Angoulême ».
[Photo : ActuaLitté, CC BY-SA 2.0 - source : www.actualitte.com]

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