quinta-feira, 9 de outubro de 2025

« Un lieu ensoleillé pour personnes sombres » : Mariana Enríquez autopsie le corps des femmes dans un nouveau recueil horrifique

Dans une douzaine de nouvelles mêlant réalisme et horreur, l’autrice argentine cartographie les corps vieillissants et leur perception par une société obsédée par la jeunesse. 


Écrit par Pauline Le Gall

Un an après la sortie de La Petite sœur, portrait fascinant de l’excentrique écrivaine argentine Silvina Ocampo, les éditions du sous-sol font paraître la traduction du troisième recueil de nouvelles de Mariana Enríquez Un lieu ensoleillé pour personnes sombres, paru en espagnol en 2024. L’autrice argentine y renoue avec l’hybridation entre réalisme, horreur et fantastique qui a fait son succès. Elle pousse le genre toujours plus loin dans une douzaine d’histoires courtes et savamment construites peuplées de fantômes, de maisons hantées et d’objets maudits. 

Dans la première nouvelle du recueil, bientôt adaptée en série par le réalisateur chilien Pablo Larraín, la narratrice est une ancienne médecin hantée par “une épidémie de fantômes” qui intervient dans un quartier délabré, symptôme de “la misère [qui] rôde dans [son] pays et dans [sa] ville”. Chez Mariana Enríquez, les fantômes sont les drogué·es, les pauvres, les jeunes filles perdu·es, toutes ces personnes mises au ban de la société, victimes de violences et d’injustices qui reviennent d’entre les mort·es pour hanter les vivant·es.

Le corps des femmes

Un lieu ensoleillé pour personnes sombres s’intéresse tout particulièrement au corps – celui des femmes, surtout – et à la maladie, comme un résidu littéraire de la pandémie de Covid-19 qui plane sur les nouvelles. Le recueil est peuplé de phénomènes médicaux horrifiques : un visage qui se paralyse puis disparaît, un ventre qui se gonfle, une peau qui laisse apparaître bleus et marques. 

Dans l’une des histoires, peut-être la plus belle et dérangeante, la protagoniste développe une fascination pour son fibrome utérin et souhaite à tout prix le conserver. Autant de manières pour Mariana Enríquez d’explorer la ménopause, les violences conjugales et la perception du corps des femmes (trop vieilles, trop grosses, peu désirables) par une société obsédée par la jeunesse. La peur y est, plus que jamais, férocement politique.

 

Un lieu ensoleillé pour personnes sombres de Mariana Enríquez (Éditions du sous-sol), traduit de l’espagnol par Anne Plantagenet. 336p., 23 €. En librairie

 

[Photo : Nora Lezano - source : www.lesinrocks.com ]

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