Dans son livre 21 Leçons pour le XXIe siècle,
grand succès international, Yuval Noah Harari aborde la question de la
« post-vérité », un concept qui recouvre le fait et toutes ses nuances
d'interprétations dans un monde où les infox se multiplient et se
diffusent rapidement. Ironie du sort, le livre s'est autocensuré à
l'occasion de sa traduction en russe, a reconnu l'auteur.
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Yuval Noah Harari (World Economic Forum, CC BY-NC-SA 2.0)
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Écrit par Antoine Oury
La plupart des éditions du livre de Yuval Noah Harari abordent dans un
chapitre la notion de post-vérité : plusieurs faits y sont rappelés, et
des exemples cités, notamment des déclarations de Vladimir Poutine.
L'auteur revient ainsi sur les événements ayant conduit à l'occupation
de la Crimée, en 2014 : « Le gouvernement russe et le président
Poutine en personne ont nié à plusieurs reprises qu’il s’agissait de
troupes russes et les ont décrites comme des “groupes d’autodéfense” spontanés
qui ont pu acquérir du matériel d’apparence russe dans des magasins
locaux. Poutine et ses assistants savaient très bien qu’ils mentaient en
posant cette affirmation plutôt absurde », rappelle le livre, selon Times of Israel.
Dans l'édition russe de 21 Leçons pour le XXIe siècle, ce passage a disparu, remplacé par la traduction d'une tribune de l'écrivain parue fin 2018 et portant sur les infox. Sauf que, cette fois, Yuval Noah Harari évoque Donald Trump, le désignant comme « le principal coupable » des effets de ces fausses nouvelles sur la politique international.
Toutes les références à Vladimir Poutine et aux événements politiques de
2014 ont disparu, et la mention de la Russie qui se trouvait dans la
tribune originale a elle aussi été censurée. Autrement dit, un véritable
acte d'autocensure a été fait pour faciliter la parution de 21 Leçons pour le XXIe siècle en Russie.
D'autres passages du livre témoignent de cette complaisance vis-à-vis du
régime russe et de la politique mise en œuvre par Vladimir Poutine et
son gouvernement.
Des modifications validées par l'auteur
Interrogé sur ces changements apportés à l'édition russe de son
livre, Yuval Noah Harari a affirmé qu'il avait validé toutes les
modifications. « Mon objectif est que les idées principales du
livre, sur les dangers de la dictature, de l'extrémisme et du fanatisme,
puissent atteindre la plus large audience. Cela inclut celle qui vit
dans des pays où les régimes ne sont pas démocratiques. Certains
exemples de cet ouvrage pourraient exclure ces lecteurs ou conduire à
une censure sous certains régimes », rapporte NEWSru.
L'autocensure, prend soin de préciser Yuval Noah Harari, ne porte jamais sur les « idées fondamentales du texte ».
Effectivement, l'adaptation est plutôt intelligente, et propose soit
Poutine, soit Trump, selon les marchés visés. Ce qui ne manque pas
d'ironie dans un chapitre consacré à la post-vérité, qui consiste
justement à inventer des faits ou à en dissimuler une partie, selon les
destinataires.
En Russie, 21 Leçons pour le XXIe siècle est publié par les
éditions Sinbad : c'est le poète, traducteur et éditeur Dmitry Kuzmin
qui a signalé les changements apportés à l'édition russe, sur Facebook.
L'édition chinoise devra sans doute rivaliser d'adresse...
[Source : www.actualitte.com]
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