segunda-feira, 12 de janeiro de 2015

Être et avoir été Français juif

Confortablement installé dans mon bureau de Tel Aviv devant ma télévision pour suivre la manifestation géante de la Place de la République, j’ai soudainement un flash-back qui remonte irrémédiablement en moi.
Ma toute première manifestation… celle du 14 mai 1990, lors de laquelle, mes parents, mon petit frère et moi-même avions épinglé une étoile jaune sur nos t-shirts afin de nous insurger contre cet acte lamentable de la profanation de tombes juives dans le cimetière de Carpentras. Mélangés a une foule qui, de mon point de vue, fut immense, calme, mixte et véritablement indignée, j’avais 12 ans et ce jour-là, je me suis senti comme un enfant de la République française défendu et compris par l’ensemble de mes concitoyens. Ma peine et mon dégout étaient alors véritablement partagés. 

Cette vision était juste, la France entière, dans toutes ces composantes étaient dans la rue, tout simplement parce qu’il était inacceptable pour chaque citoyen que des fous profanent des tombes de Français, qu’elles soient juives ou non. 
Pourquoi donc, aujourd’hui, mes coreligionnaires français ne sentent plus de soutien, lorsqu’un acte est commis contre des Français de religion juive ? Que s’est-il donc passé dans les consciences, pour que lorsque attentats et actes antisémites sur le sol français sont légion, seule la communauté juive se mobilise ?
Pourtant, moi, je me souviens, avoir été un Français juif, heureux d’être mélangé, intégré (cela va de soi), sans peur et amoureux de mon pays.
J’ai été en école publique au milieu de toutes les ethnies, me faisant du même coup l’ambassadeur fier de la culture juive auprès de tous mes camarades, qui curieux n’arrêtaient jamais de me poser des questions.
J’avais avec les musulmans un point commun qui nous rassemblait fortement… nos parents venaient des mêmes pays du Maghreb, ceci nous rapprochait vraiment et nous offrait même une forte complicité.
Je n’ai jamais eu peur de sortir mon étoile de David et de dire que « je suis juif ».
Je n’ai jamais ressenti de malaise en allant à la synagogue.
À cette époque, on pouvait se moquer de tout le monde car le propos n’était pas haineux et sous-entendu.
J’étais un Français qui allait déchirer les affiches de Jean-Marie Le Pen avec tous mes potes, lui était notre pire ennemi avec son armée de fachos.
D’ailleurs, on s’offusquait tous des propos de Le Pen sur la Shoah.
Je ne me suis jamais posé de question sur les différences que j’avais avec mes amis chrétiens, athées, musulmans, portugais, blacks, car nous étions tout simplement amis et nous nourrissions les uns des autres.
Faire l’alyah à l’époque était utopique, pourquoi partir en Israël alors qu’il fait si bon vivre en France ?
Et surtout, chaque attentat sur le sol français était commis par des étrangers, et toute la France était solidaire et unie.
En bref, c’était la vie normale, la vie de partage et de compréhension, c’était la France.
Aujourd’hui, certains diront que rien n’a changé, mais n’en déplaise à ces grands naïfs, en ce qui concerne les Français juifs, le ressenti n’est plus du tout le même : de moins en moins de parents inscrivent leurs enfants en école publique, la mixité n’existe plus que dans les livres d’histoires, les juifs de France étant comme toutes les autres communautés : ils referment sur eux-même.
La communication entre les juifs et les musulmans n’existe plus que dans les bureaux du ministère de l’Intérieur, pour afficher un semblant d’unité lors d’évènements funestes.
Il est devenu impossible de se dire juif sans être mal vu, traité d’assassins et de milliardaires tirant les ficelles.
Aller prier a la synagogue constitue un vrai parcours du combattant et ce même si la synagogue est promptement gardée par la Police nationale.
Les enfants juifs sont raillés, les magasins tenus par des juifs sont attaqués, les synagogues sont taguées, les musées juifs flingués, les élèves des écoles juives assassinées à bout portant, et l’on court pour aller au spectacle et rire sur la chanson à la mode, Shoahnanas.
La parole antisémite s’est totalement déliée avec ses gourous comiques et représentant de l’Islam radical qui ont accès aux médias de masses crachant leurs haines du juifs sans que presque personne ne s’en offusque. Par consequent, on se balade dans les rues en criant « mort aux juifs » sans peut d’être condamner.
Dans le même temps, plus personne n’écoute la parole des Français juifs et de leurs inquiétudes. C’est bien connu, les juifs se victimisent depuis toujours. Les meurtres de juifs sont simplement condamnés, mais plus personne dans les rues pour crier l’abomination et l’indignation.
Les juifs pensent de plus en plus au vote Front national, alors que ce dernier est plus que jamais dangereux sous le masque féminin d’une blonde a grosse gueule qui ressemble à s’y méprendre à son pater.
Faire l’alyah aujourd’hui est devenu une pure nécessité… ceux qui n’y pensent pas encore se verront noyés comme les juifs d’Europe au milieu des années 30.
Assassiner des juifs n’est plus l’apanage d’Iraniens mais de Français… Ce sont les enfants de ceux avec qui nous partagions les bancs de l’école publique. 
Quelle tristesse que de faire ce constat… Comme je l’ai lu sur les réseaux sociaux, J’AI MAL À MA FRANCE, mais je crois tout simplement que MA FRANCE n’existe plus. Je dois me convaincre de faire le deuil de ce fabuleux pays imaginaire.
Conjuguer être Français juif au futur me semble dorénavant impossible.
Par Samuel Sellem
[Source : www.jssnews.com]

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