Quelques phrases suffisent pour basculer sans s'y attendre (et y demeurer avec régal pendant plus de 300 pages) dans l'univers explosif et fougueux, indocile d'une très jeune et très douée écrivaine mexicaine, Aura Xilonen.
Écrit par Cécile Pellerin
Quelques phrases truffées d'argot et de néologismes, d'expressions mexicaines ou américaines, suffisent pour partir ailleurs et savourer une langue énergique et percutante, nerveuse mais toujours chaleureuse et innovante (merci à la traductrice Julia Chardavoine).
Quelques phrases suffisent pour saisir d'emblée que ce livre n'est décidément pas ordinaire et que vous tenez là une gourmandise littéraire, relevée d'une saveur inhabituelle impossible à oublier de sitôt. Aussi, foncez ! La surprise est époustouflante et jubilatoire. "Ay Caramba" !
Roman d'apprentissage, roman d'aventures et d'action, roman réaliste et contemporain, roman d'amour ou bien encore roman sportif, Gabacho, c'est un peu tout cela avec en prime de l'humour et de la poésie, de la tendresse et de la fureur, de l'émotion et de la dérision, de la VIE, par-dessus-tout.
"J'ai dérapé vers la crasse, vers la vie de clodo, vers les intempéries sous les ponts, vers la rocaille où j'étais rien d'autre qu'une pierre cassée de plus."
Liborio n'a pas dix-huit ans. Orphelin, gamin des rues mexicain, il ne doit sa survie qu'à lui-même ; à son courage, à sa force physique étonnante, à son obstination. Étranger précaire dans une ville du sud des États-Unis après avoir traversé le Rio Bravo, travailleur illégal dans une librairie hispanique, il est raide amoureux d'Aireen, une gisquette du quartier et prêt à jouer des poings pour la protéger des kékés et autres crevards harceleurs.
"Je l'ai regardée et je suis resté patraque, anéanti. Mon cœur s'évaporait par tous les pores de ma peau […] Elle m'a écorché la cornée."
Narrateur de sa propre histoire, il mêle le présent au passé, ranime les souvenirs éprouvants de sa migration, relate les rencontres salvatrices ou belliqueuses, exprime avec ardeur, pittoresque et sensibilité la relation qu'il noue avec sa voisine, décrit avec autant de hargne et de passion ses entraînements de boxe, attache viscéralement le lecteur à son tempérament pugnace et exalté, prêt à prendre feu.
"La vérité, j'ai la rage contre le monde entier. J'ai mal partout, comme si une énorme broyeuse avait mastiqué tous les cartilages de mon corps."
Maintenue sans relâche dans l'action, sans possibilité d'échapper un instant au mouvement effréné et sauvage du récit, la lecture file à vive allure, réjouissante et intense. Irrésistible.
La langue (une véritable prouesse), puissante et originale, expressive et d'une tonalité débridée, drôle et sensible, parfois crûe mais jamais vulgaire, empêche toute plongée vers le chaos ou le désespoir.
Libre et foisonnante, rebelle, insoumise et hors-la-loi, elle incarne Liborio sans distance. Nulle possibilité alors pour dormicoter ; fascinante et convaincante, elle empoigne et stupéfie.
A vif et pour longtemps.
[Source : www.actualitte.com]
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