Les polices d'écriture sont nées en même
temps que l'imprimerie à caractères mobiles de Johannes Gutenberg vers
1450, qui permettait ainsi de réaliser des exemplaires imprimés en série
d'ouvrages. Extrêmement coûteuses à l'époque, les polices d'écriture
font aujourd'hui partie du domaine du commun, entre les ordinateurs et
les smartphones. Si bien qu'on en oublie les origines, et la première
police du monde...
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Matrices originales du Romain de l'Université de Jean Jannon (ActuaLitté, CC BY SA 2.0) |
Par Antoine Oury
Le concept de police reste intimement lié à l'aspect
industriel de l'impression ou de l'écriture : c'est la coordination et
la cohérence des différentes lettres, au sein d'une police (même si
certaines donnent un sentiment de désordre) qui permet de la définir
comme telle. Pour cette raison, on qualifiera difficilement une écriture
manuscrite de police, même si certaines lettres y sont constantes — en
somme, on ne confondera pas typographie et calligraphie.
(Filip Maljković, CC BY-SA 2.0)
Le premier exemple de police de
caractères remarquable se trouve au sommet et à la base de la Colonne
Trajane, avec notamment cette dédicace : « Le sénat et le peuple
romain, à l’empereur César Nerva Trajan, fils du divin Nerva Auguste,
germanique, dacique, grand pontife, en sa dix-septième puissance
tribunitienne, salué imperator pour la sixième fois, consul pour la
sixième fois, père de la patrie, pour faire savoir de quelle profondeur
la colline et l'endroit ont été creusés par de si grands travaux. » (via Wikipedia)
Cette dédicace gravée utilise la capitale
latine monumentale, et cette police à empattements solennelle a
emprunté son nom à la colonne et à l'empereur dont elle célèbre la
grandeur. D'autres polices existaient dans l'Antiquité, y compris sans
empattements, mais elle reste la plus célèbre, et la plus utilisée.
Cela dit, il reste difficile de la
qualifier de première police de l'histoire, étant donné que sa
réalisation et la qualité de sa gravure dépendaient essentiellement...
du graveur.
Les deux premiers concepteurs de
caractères typographiques ne feront leur apparition que bien plus tard,
dans les années 1450, avec un nom plus célèbre que l'autre : Johannes Gutenberg
et Peter Schöffer. Ce dernier, né un quart de siècle après Gutenberg,
le rejoignit à Mayence pour participer à ses expériences d'impression
vers 1452, alors qu'il était déjà un typographe réputé.
Pas mal de décennies après l'impression
de leurs Bibles en série, la police de caractères de Gutenberg et
Schöffer se retrouvera nommée, puis numérisée : il s'agit de Textura, que l'on peut légitimement considérée comme la première police du monde.

Un seul coup d'œil suffit pour constater
qu'elle n'est pas très pratique à lire, et pour cause : Gutenberg et
Schöffer, révolutionnaires, n'en avaient pas moins des égards pour leurs
lecteurs, habitués à l'écriture manuscrite des moines copistes.
L'objectif, avec Textura, était donc de s'en rapprocher.
Rapidement, les frères Giovanni et
Vendelino da Spira, immigrés d'Allemagne en Italie, créeront en 1460 la
première police de caractères moderne avec les caractères vénitiens,
bien plus lisibles que les caractères gothiques des moines copistes.
Cette transition du gothique à l'alphabet romain connaîtra son point
d'orgue quelques années plus tard avec la police Garamond, du nom de
leur graveur Claude Garamont, créée à la demande de François Ier.
Toutes ces polices sont à empattements,
et, s'il existait des polices sans empattements dans l'Antiquité, la
première police de caractères sans empattements semble remonter à 1816
avec Caslon Egyptian, créée par William Caslon IV, un des plus célèbres
fondeurs de caractères anglais.

Pour en savoir plus sur l'histoire de la typographie et des polices d'écriture, mais aussi sur leurs créateurs, Sales Caractères,
de Simon Garfield, publié en 2012 par les éditions du Seuil dans une
traduction de Laurent Bury, est un excellent point de départ.
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