sexta-feira, 21 de abril de 2017

Lettre à Kissinger, par Julos Beaucarne






{parlé} 
La poésie n'est pas que belle, elle est rebelle

Il y a des centaines de silences qui assassinent 

Pendant des siècles et des siècles 

Nos oreilles sont là pour nous tenir éveillés 

Il y a des réveille-matin qui sonnent comme des clairons 
Il y en a peu qui chantent des berceuses



Je veux te raconter, Kissinger,
L'histoire d'un de mes amis
Son nom ne te dira rien
Il était chanteur au Chili

Ça se passait dans un grand stade
On avait amené une table
Mon ami qui s'appelait Jara
Fut amené tout près de là

On lui fit mettre la main gauche
Sur la table, et un officier
D'un seul coup avec une hache
Les doigts de la gauche a tranchés

D'un autre coup, il sectionna
Les doigts de la dextre et Jara
Tomba, tout son sang giclait
Six mille prisonniers criaient

L'officier déposa la hache
Il s'appelait p't-être Kissinger
Il piétina Victor Jara
"Chante !", dit-il. "Tu es moins fier"

Levant les mains vides des doigts
Qui pinçaient hier la guitare
Jara se releva doucement
"Faisons plaisir au commandant"

Il entonna l'hymne de l'U
De l'Unité Populaire
Repris par les six mille voix
Des prisonniers de cet enfer

Une rafale de mitraillette
Abattit alors mon ami
Celui qui a pointé son arme
S'appelait peut-être Kissinger

Cette histoire que j'ai racontée,
Kissinger, ne se passait pas
En quarante-deux mais hier
En septembre septante-trois.




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