sábado, 12 de setembro de 2015

LUCILLE ESCARTIN - "Avec Voix Indigènes, des peuples indigènes brésiliens peuvent transmettre leur message"

A l’occasion de la Journée mondiale des peuples indigènes, le 9 août dernier, Survival International a dévoilé le projet "Voix Indigènes", permettant à deux tribus du Brésil, les Guaranis et les Yanomamis, de faire passer leur message au monde entier en vidéo. Lepetitjournal.com s’est entretenu avec Lucille Escartin, chargée de communication auprès de Survival International France, afin d’en savoir plus sur cette initiative.
Lepetitjournal.com : En quoi consiste "Voix Indigènes" ?

Lucille Escartin : C’est un nouveau projet qu’on a lancé qui permet à des peuples indigènes vivant dans des régions isolées de transmettre des messages à travers des vidéos destinées au monde entier. Bien souvent, ils sont réduits au silence, notamment par les gouvernements et les entreprises qui violent leurs droits, donc cette initiative va leur permettre d’exprimer leur propre message. On le débute au Brésil, mais on aimerait le développer à d’autres populations.




Quel genre de message est envoyé ? 
Principalement, ce sont des appels à l’aide, pour parler des menaces qui les affectent, mais c’est vraiment leur donner la parole sur leur vie, leur situation. Par exemple, nous avons une vidéo où un Guarani montre sa maison qui a été incendiée, un autre évoque les pesticides qui sont déversés sur les champs de cannes à sucre et affectent la santé des Guaranis.



Comment ces vidéos sont-elles tournées ? 
Pour commencer, notre chargé de campagne s’est rendu sur place avec du matériel et leur a expliqué comment cela fonctionnait. L’idée, c’est que ce soit eux qui se filment et nous envoient les vidéos. Ensuite, nous nous chargeons de les diffuser au monde entier.

Les Guaranis et les Yanomamis ne vivent pas au même endroit du Brésil, les menaces sont différentes ?
Oui. Les Yanomamis vivent dans l’Etat du Roraima, au nord-ouest du Brésil et au sud du Venezuela. Leur territoire est envahi par les orpailleurs illégaux qui utilisent du mercure et polluent les rivières des Yanomamis. Il y a également des violences quand ces derniers rencontrent des orpailleurs, sans oublier la question de la mise en danger de leur système immunitaire. Pour leur part, les Guaranis vivent au sud du Brésil, dans l’Etat du Mato Grosso do Sul, mais aussi en Argentine, en Bolivie et au Paraguay. Leur problématique est que leurs terres ont été spoliées et sont encerclés par des champs de cannes à sucre et des fermes d’élevage. Non seulement leur territoire a été réduit, mais l’usage de pesticides a une conséquence terrible sur la santé de la population. Il y a là aussi beaucoup de confrontations entre les éleveurs et les Guaranis, les premiers n’hésitant pas à employer des hommes de main pour se débarrasser des seconds.

Comment la situation a-t-elle évolué ces dernières années ? 
Toutes nos batailles sont difficiles parce que, parfois, on a l’impression de voir des améliorations, mais qui se terminent par des retours en arrière. Par exemple, récemment, on a appris que des Guaranis allaient être expulsés de leur territoire avant que l’avis d’expulsion soit suspendu. C’est une victoire, mais qui peut basculer à tout moment. Chez les Yanomamis, l’orpaillage illégal est une question délicate à résoudre, même si leur territoire a lui été bien délimité, contrairement aux Guaranis.

Comment le gouvernement brésilien répond à ces questions ?
Parfois il lui arrive de réagir positivement. Nous avions mené une énorme campagne pour les Indiens Awa, appelant l’opinion publique à écrire au ministère de la Justice, et suite à cela, le gouvernement avait expulsé les bûcherons illégaux du territoire de ce peuple. C’était vraiment fantastique, mais je pense que pour certains cas comme la démarcation des terres des Guaranis, il prend son temps, notamment parce que des propriétaires de terres se trouvent au pouvoir, au Parlement, il faut alors toujours batailler et faire pression.   

"Voix Indigènes" est donc un nouveau moyen d’appeler le public à mettre la pression sur le gouvernement brésilien ? 
En quelque sorte oui. Les vidéos sont diffusées au monde entier, aux gens qui nous connaissent, mais aussi d’autres personnes pour qu’elles connaissent la situations des peuples Guarani et Yanomami.

Comment est perçue votre action en France auprès du public et des autorités ?

Beaucoup de personnes nous suivent, mais je pense qu’on pourrait en rallier davantage à notre cause. Car en France beaucoup de gens ne savent pas que nous avons aussi des peuples indigènes, en Nouvelle-Calédonie et en Guyane notamment. Mais l’État français ne les reconnaît pas comme des peuples indigènes puisque la Constitution dit que la France est une et indivisible, sans distinction entre les Français et les peuples indigènes. Donc ce n’est pas évident de mobiliser les gens sur des causes lointaines.  



Propos recueillis par Corentin CHAUVEL 

[Source : www.lepetitjournal.com]

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